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Háry dans un drôle d''état

Montpellier
Opéra Berlioz-Le Corum
07/15/2002 -  Lundi 15 et mardi 16 juillet 2002
Zoltán Kodály : Háry János
Gérard Depardieu (récitant) ; Vladimir Petrov (Háry) ; Nora Gubisch (Ilka) ; Anne-Sophie Schmidt (Marie-Louise) ; Denia Mazzola-Gavazzeni (L’Impératrice) ; Vincent le Texier (Marci) ; Youri Kissin (Napoléon)
Orchestre National de Montpellier, Friedmann Layer (direction) ; Jean-Paul Scarpitta(“conception”)

La salle s’éteint et l’on découvre huit grands gaillards nus -en petit shorts couleur chair en fait- gisant en tas sur le sable qui recouvre la scène tout aussi dénudée. À mesure que la musique s’élève, ils se mettent à gesticuler en évolutions approximatives tout en se jetant des poignées de sable dessus. C’est mignon tout plein. Arrive une danseuse de corde, qui fait quelques allers-retours en s’éventant avec une sorte de raquette de beach ball, puis repart. Bon. Les huit types attrapent l’un d’entre eux -par les bras, rassurez-vous!- le portent comme un Christ en croix et lui passent une robe. Il est tellement content qu’aussitôt, il parcourt toute la scène en jetés. Youpi !!!! Il ne s’arrêtera plus avant la fin du spectacle.


Et le spectateur médusé de se demander : “Voyons, le 15 c’était bien Kodály au Corum, ou si c’est le spectacle de fin d’année de la MJC Montpellier?”


Entrée en scène d’un homme en pyjama -au cri l’on reconnaît Depardieu- qui se met à beugler d’un ton sépulcral -c’est possible, la preuve- un texte d’une haute inspiration littéraire sur les femmes si humaines, les voyages mieux que les livres, que la guerre c’est pas bien, tout ça, avec quelques petits morceaux mal digérés de Háry János coupés fins dedans, puisque, après tout, on était là pour en causer. Pendant ce temps, les huit affolés du début, enrichis de quelques autres pas mal non plus, nous font le coup de Sisyphe et Atlas sur trempoline pour appuyer la symbolique, au cas où un sourd du fond n’aurait pas tout bien compris.


Soyons clairs : soit, avant le spectacle, vous aviez pris la peine de réécouter Háry János, le vrai, et vous êtes atterrés de voir ce que le duo Scarpitta/Zeller a pu en faire, le conte populaire, picaresque, drôle mais non sans profondeur, se transformant en pensum pseudo-littéraire déversant par camions-benne les pires clichés de la philosophie de café du commerce branchouille sous forme de maximes creuses à prétention définitives, soit vous ne connaissiez pas l’œuvre, et alors vous n’y avez sans doute rien compris du tout.


Déjà, que le public montpelliérain ait pu accueillir avec tant d’enthousiasme ce monument du n’importe prétentieux et ennuyeux à mourir pouvait interloquer tout cerveau normalement constitué. Mais que les applaudissements saluant les pitoyables agités aient été plus nourris que ceux réservés aux chanteurs avait vraiment de quoi indigner.


En marge de cette scarpittoyable débauche frénético cucul-la-praline, on pouvait assister, à condition de fermer les yeux et de se boucher énergiquement les oreilles dès la fin de la musique pour échapper aux rugissements gerardesques, ce qui imposait tout de même une drôle de gymnastique, à une excellente version de concert du Háry János de Kodály. En fait, Háry János, Scarpitta s’en fiche totalement, et l’œuvre elle-même était à peine mise en scène, les chanteurs restant dans l’ensemble sagement calmes au milieu du déchaînement général. Tant mieux, on échappé au pire.


Il faut d’abord saluer un plateau vocal de très bonne qualité, dont se détachait le couple Háry/Ilka. En effet, le baryton Vladimir Petrov, belle voix vibrante de couleur chaude, donnait à son rôle un panache certain, tandis que le non moins riche timbre de Nora Gubisch parait Ilka d’une douce mélancolie. Le reste était fort convenable, même si une pointure en-dessous, et Denia Mazzola-Gavazzeni ne paraissait pas au mieux de sa forme, le registre grave, assez poitriné, nous ayant valu quelques notes bien creuses. Dommage que des chœurs parfois approximatifs aient un peu déparé le tableau.


À la tête d’un orchestre de Montpellier valeureux mais pas absolument sans défaut (le cor est un instrument décidément bien ingrat), Friedmann Layer a imposé une version énergique et efficace plus qu’absolument idiomatique. Très droite, sa direction ne retrouvait pas toutes les subtilités de rubato que l’on attend de la musique hongroise, et certains passages rapides manquaient de cette sorte de verdeur rythmique, de cette netteté et de ce sens du rebond que l’on trouve chez les -meilleurs- interprètes hongrois de l’œuvre. En fait, tout cela manquait un peu d’humour, d’acidité, de sarcasme, mais l’on sait gré aux musiciens d’avoir su garder tant de sérieux au milieu de tant d’horreurs.


Laurent Marty

 

 

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