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Evocations

Paris
Salle Pleyel
02/22/2002 -  

Frédéric Durieux : Pièce traversière n° 1
Claude Debussy : La Mer
Anton Bruckner : Symphonie n° 4 « Romantique »


Orchestre philharmonique de Radio France, Myung-Whun Chung (direction)


Curieuse association, en vérité, que celle de ces œuvres écrites par trois compositeurs relevant d’esthétiques très différentes sinon opposées. Mais leur confrontation suggère pourtant un rapprochement, si ténu soit-il: dans chacune de ces partitions, c’est l’évocation, plus que la description, que le compositeur a souhaité privilégier.


Evocations poétiques (un texte d’Yves Bonnefoy) mais aussi musicales (réminiscences de Schönberg et de Berio, autocitations) dans Pièce traversière n° 1 (1995) de Frédéric Durieux. Durant ces six minutes, écrites dans un tempo rapide, l’écriture par blocs d’instruments se combine avec un discours très actif, évoluant, autour d’une note répétée par les trompettes et dans un climat toujours plus agité, vers une brève et énigmatique conclusion, ouverte... sur une future Pièce traversière n° 2? Il est malheureusement permis de penser que l’acoustique par trop confuse de Pleyel ne rend pas pleinement justice à cette pièce.


Evocation, nécessairement, lorsque Debussy écrit à André Messager: « Quand on n’a pas le moyen de se payer des voyages, il faut y suppléer par l’imagination [...]. J’ai d’innombrables souvenirs; cela vaut mieux, à mon sens, qu’une réalité dont le charme pèse généralement trop lourd sur votre pensée ». De fait, La Mer fut composée... dans l’Yonne. La partition est suffisamment riche et solide pour admettre différents niveaux de lecture. Nul n’est donc contraint d’y suivre les voies précédemment tracées, parmi tant d’autres, par Ansermet, Münch ou Boulez. Après avoir fidèlement restitué la progression dans De l’aube à midi sur la mer, Chung met l’accent sur la virtuosité orchestrale, déclenchant un feu d’artifice qui mêle finesse des sonorités, souplesse de l’articulation et dramatisation du discours dans Jeux de vagues et faisant rugir l’orchestre dans Dialogue du vent et de la mer. L’accentuation des contrastes et l’éclat sonore, qui confèrent un côté inhabituellement extérieur et démonstratif à ces trois « esquisses symphoniques », ont au moins pour avantage de tourner le dos aux poncifs « impressionnistes » trop souvent attachés à cette musique.


Evocation, également, dans la Quatrième symphonie de Bruckner. Car son titre (« Romantique ») et son programme (« Ville moyenâgeuse. Aurore. Des cris d’éveil matinal retentissent du haut des murs de la ville [etc.] ») sont suffisamment vagues pour que l’imagination de l’auditeur puisse vagabonder à loisir. Choisissant, parmi les nombreux avatars de cette symphonie, la traditionnelle version de 1880 (Haas), Chung tire parti des magnifiques sonorités de l’orchestre: (six) cors rutilants, très en avant, (quatre) trompettes irréprochables et (dix) contrebasses idéalement sonores. Plus intéressé par le drame que par la métaphysique, privilégiant l’instant sur une conception unitaire de l’oeuvre - mais la Quatrième n’a peut-être pas, à cet égard, les mêmes ambitions que la Cinquième ou la Huitième - le chef coréen allège la pâte orchestrale. Puissant sans être massif, obtenant une étonnante transparence de cette nombreuse formation, il fait entendre Mahler dans les parenthèses rustiques que Bruckner, en quelque sorte, ménage ici ou là, et, de façon plus inattendue, Tchaïkovski dans les passages expressifs. Servie par des contrastes de dynamique et de tempi, l’expression l’emporte sur le concept, ce qui nous vaut un andante quasi allegretto poétique à souhait, un scherzo très acéré et un finale dramatique et cinglant.




Simon Corley

 

 

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