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Trop bavard

Avignon
Opéra
12/29/2021 -  et 30*, 31 décembre 2021
Hervé : Les Chevaliers de la Table ronde
Jean-François Vinciguerra (Merlin II), Laurène Paternò (Mélusine), Jacques Lemaire (Rodomont), Jenny Daviet (Angélique), Sarah Laulan (Totoche), Estelle Danvers (Fleur-de-Neige), Blaise Rantoanina (Médor), Marc Van Arsdale (Roland), Maxence Billiemaz (Amadis des Gaules), Timothée Varon (Lancelot du Lac), Yvan Rebeyrol (Renaud de Montauban), Joé Bertili (Ogier le Danois), Richard Lahady (Sacripant)
Orchestre national Avignon-Provence, Christophe Talmont (direction musicale)
Jean-François Vinciguerra (mise en scène), Dominique Pichou (scénographie), Amélie Reymond (costumes), Geneviève Soubirou (lumières), Estelle Danvers (chorégraphie)


(© Studio Delestrade Avignon)


En grande partie oublié du grand public, Florimond Ronger, dit Hervé (1825-1892), reste aujourd’hui considéré comme le créateur de l’opérette, après avoir lutté avec son rival et néanmoins ami Offenbach contre les monopoles des grands théâtres lyriques nationaux en son temps. On doit à l’incontournable Palazzetto Bru Zane la survivance de son œuvre, pourtant considérable, avec deux productions montées dans la toute la France, Les Chevaliers de la table ronde (à Angers en 2015), puis Mam’zelle Nitouche (à Toulon en 2017).


On ne peut donc que se féliciter de découvrir une nouvelle production des Chevaliers de la Table ronde (1866-1872), déjà présentée à Lausanne en 2019 avant une vaste tournée dans toute la Suisse. La version de 1866 a été préférée, même si on a la surprise de découvrir les deux versions du final de l’acte II données à la suite, juste avant l’entracte, ce qui permet d’assister à la fois à l’empoisonnement de Roland et au mariage d’Angélique avec Médor. Les Avignonnais bénéficient par ailleurs de l’orchestration originale rétablie par Simon Cochard, contrairement aux représentations données en Suisse.


Si l’exécution musicale très soignée et équilibrée de Christophe Talmont dans la fosse donne beaucoup de satisfactions tout du long, on est en revanche plus déçu par l’adaptation des dialogues parlés réalisée par Jean-François Vinciguerra, également metteur en scène du spectacle et interprète de Merlin II. Il aurait sans doute fallu se souvenir qu’à l’instar de Wagner (qu’Hervé rencontra à Paris dans les années 1860, recueillant son estime et admiration), Hervé écrivait ses propres livrets, se livrant à des charges féroces de l’actualité contemporaine. Si l’on peut comprendre que certaines répliques soient aujourd’hui désuètes, il aurait sans doute fallu réduire les dialogues plutôt que de nous noyer sous une avalanche bavarde de calembours éculés. Etonnament, Jean-François Vinciguerra semble souvent hésiter entre plusieurs influences, de l’adaptation boulevardière façon Feydeau aux réparties pour les plus petits, en passant par quelques anachronismes dans le style de la série télévisée Kaamelott. On est malheureusement bien loin de la verve jubilatoire des grandes heures moyenâgeuses de la troupe des Brigands (voir notamment La Cour du Roi Pétaud de Delibes en 2008, ou Au temps des croisades de Claude Terrasse en 2009). D’où cette désagréable impression que la musique semble passer au second plan, ce qui est d’autant plus dommageable que la qualité inégale des interprètes au niveau théâtral n’aide pas à faire passer la pilule.


Le choix incompréhensible de Jacques Lemaire dans le rôle assez lourd du duc de Rodomont est certainement le plus critiquable : si le jeu théâtral trop répétitif lorgne du côté d’un Christian Clavier des mauvais jours, c’est surtout son incapacité à assumer les difficultés vocales de son rôle qui consterne tout du long. A ses côtés, Jean-François Vinciguerra (Merlin II) s’en sort mieux grâce à une présence physique saisissante, un sens de l’à-propos dans ses réparties aussi péremptoires que farfelues, le tout parfaitement chanté grâce à sa voix profonde. Si Blaise Rantoanina (Médor) et Marc Van Arsdale (Roland) surjouent trop leurs parties théâtrales, ils s’imposent en revanche par leur aisance vocale, aidés autant par leurs timbres séduisants que leur souplesse d’émission. Les petits rôles masculins s’en sortent bien, malgré quelques décalages en début de représentation, mais ce sont surtout les femmes qui sortent du lot.


Ainsi de la lumineuse Laurène Paternò (Mélusine), qui donne des frissons à force d’aigus aussi faciles qu’aériens, tandis que Jenny Daviet (Angélique) donne une leçon d’élégance et de maîtrise à chacune de ses interventions. On aime aussi la Totoche irrésistible de drôlerie de Sarah Laulan, qui compense une émission pas toujours en place par des graves superbes. Elle est la seule interprète de la soirée capable de faire rire avec ses modulations vocales, au service d’accents gorgés d’intention comique.


La mise en scène de Jean-François Vinciguerra enferme ses protagonistes dans le cadre étroit d’un château miniature, qui offre certes une caisse de résonance bienvenue à ses interprètes, mais restreint par trop la visibilité des spectateurs situés sur les côtés de la scène. Le plateau est animé par une direction d’acteur dynamique vivifiante, parsemée de fils rouges (gag de la barbe piétinée de Merlin) ou d’accessoires amusants (le trône qui révèle un téléviseur). On regrette toutefois la faiblesse du jeu d’éclairages, qui trahit les origines de ce spectacle itinérant, conçu pour de petites scènes.



Florent Coudeyrat

 

 

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