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Une reprise comme on les aime

Paris
Opéra Bastille
04/11/2019 -  et 14, 17, 20*, 23, 26, 29 avril, 2, 5, 8, 11, 14, 17, 20, 23 mai 2019
Georges Bizet : Carmen
Ksenia Dudnikova/Anita Rachvelishvili* (Carmen), Jean-François Borras (Don José), Roberto Tagliavini (Escamillo), Nicole Car*/Anett Fritsch (Micaëla), François Lis (Zuniga), Jean-Luc Ballestra (Moralès), Valentine Lemercier (Mercédès), Gabrielle Philiponet (Frasquita), Boris Grappe (Le Dancaïre), François Rougier (Le Remendado), Alain Azérot (Lillas Pastia)
Maîtrise des Hauts-de-Seine, Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris, Chœurs de l’Opéra national de Paris, Alessandro Di Stefano (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Lorenzo Viotti*/Pierre Vallet (direction musicale)
Calixto Bieito (mise en scène), Alfons Flores (décors), Mercè Paloma (costumes), Alberto Rodríguez Vega (lumières)


A. Rachvelishvili, J.-F. Borras (Emilie Brouchon/Opéra national de Paris)


La scène est nue, avec un mât pour le drapeau et une cabine téléphonique d’où surgira Carmen. Autant dire que la production de Calixto Bieito évacue tout hispanisme, réduit au rutilant costume d’Escamillo toréador à la fin, alors qu’un simple cercle symbolisera les arènes. C’en est fini, aussi, des soldats bon enfant qui taquinent Micaëla. Voici des militaires prêts à violer et à tabasser, soudards et soulards. Cette Carmen est trash et violente, sexualisée à l’extrême, mais le sexe y est triste. La cigarière y devient figure de solitude, comme ce taureau qui domine le décor du troisième acte – un parking, propice au trafic et à la copulation. A partir de là, il serait incongru de reprocher au metteur en scène espagnol son penchant pour la vulgarité: c’est celle de la réalité telle qu’il la voit. Affichée par Bastille en 2017 alors qu’elle datait de 1999, la production tient le coup, même si la direction d’acteurs, certes efficace, pourrait être plus affûtée. Certaines coupures, en revanche, enlèvent de la cohérence au propos: ainsi disparaît le dialogue entre Carmen et Escamillo, après les célèbres Couplets, bien qu’il justifie et anticipe le retour du toréador au troisième acte. D’autres affectent la musique, ce qui est plus grave – le chœur des gamins, le chœur des cigarières... On n’en oublie pas moins un calamiteux Boccanegra... en attendant le Ring de la saison prochaine.


La distribution se signale par une homogénéité qu’on ne trouve pas toujours à l’Opéra. Anita Rachvelishvili joue sur les couleurs, sur l’émission, sur le volume d’une voix superbe pour incarner une Carmen à plusieurs visages, fière et libre surtout, sans vulgarité en tout cas, se gardant d’abuser du registre de poitrine, phrasant la Habanera et l’air des cartes en styliste. Elle forme ainsi avec Jean-François Borras, qui remplace Roberto Alagna, un couple très assorti. Le ténor français délivre une leçon de chant, par la maîtrise de la voix – délectable fin de la Fleur – et la beauté de la ligne: un rien léger pour les tensions des deux derniers actes, il ne cherche jamais le passage en force et préserve la beauté du timbre. L’interprète devra seulement mûrir son brigadier, le rendre à ses tourments et à sa violence, dont il prend davantage la mesure à la fin. N’ayant pas la fragilité de Micaëla, Nicole Car rompt du coup avec la jeune fille à jupe bleue et aux nattes tombant sur les épaules. Un peu monolithique, Roberto Tagliavini a au moins le panache et les graves d’Escamillo. Excellents rôles secondaires, à commencer par le Moralès de Jean-Luc Ballestra et la Zuniga de François Lis.


Bien chantée, cette Carmen est aussi bien dirigée. Non que les plans sonores soient toujours parfaitement équilibrés au début du Prélude ou du quatrième acte, non que Lorenzo Viotti évite les décalages. Mais il a du souffle et le sens du théâtre, la direction libère toutes les saveurs de l’orchestre de Bizet, qu’il fait vraiment chanter – le motif du destin dans le Prélude ou au début de la Fleur, celui d’Escamillo avant le meurtre de Carmen, au ralenti poignant, sont magnifiques. Le chef a 29 ans: gageons qu’il ira loin.



Didier van Moere

 

 

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