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Hommage à l’esprit français

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
02/21/2019 -  
Joseph Bodin de Boismortier: Don Quichotte chez la Duchesse (Suite d’orchestre)
Jean-Marie Leclair: Concerto pour violon en ut majeur, opus 7 n° 3
Jean-Philippe Rameau: Les Boréades (Suite d’orchestre)

Orchestre de chambre de Paris, Fabio Biondi (violon et direction)


F. Biondi (© Emile Ashley)


Si l’on connaît bien Fabio Biondi comme violoniste et spécialiste de la musique baroque italienne (à commencer par Vivaldi bien entendu, dont il reste un interprète de tout premier plan), on le connaît peut-être moins comme chef d’orchestre. C’est pourtant avant tout en cette qualité qu’il conduisait ce soir – du violon tout de même (étant placé debout sur une petite estrade au niveau du premier violon) – l’Orchestre de chambre de Paris, dont il est d’ailleurs le premier chef invité. Au programme, trois compositeurs français dont le style, à bien des égards, tourne le dos au monde baroque et lorgne vers le classique sans pour autant tout à fait franchir le pas.


Le ballet-comique Don Quichotte chez la Duchesse (1743) traduit l’évidente facilité de composition qu’avait Boismortier, dont on disait à l’époque «Bienheureux Boismortier, dont la fertile plume/Peut tous les mois sans peine enfanter un volume»... Rarement donné en intégralité (signalons néanmoins sa résurrection sous la houlette de Hervé Niquet, qui l’a dirigé récemment au Festival de Sablé-sur-Sarthe, il compte plusieurs passages strictement instrumentaux qui permirent à Fabio Biondi de diriger la Suite d’orchestre qui peut en être tirée. Jouant sur instruments modernes, l’Orchestre de chambre de Paris peine un peu à soutenir l’intérêt d’extraits où le jeu des cordes est souvent assez neutre (la «Gavotte vive» ou le «Passepied»). Heureusement (et on s’en rendra davantage compte dans les extraits des Boréades, ouvrage il est vrai d’une toute autre trempe), les vents furent souvent sollicités et, qu’il s’agisse des deux flûtes, des deux hautbois ou des deux bassons (formidable Fany Maselli au solo!), ceux-ci apportèrent des couleurs là où la partition pouvait parfois s’avérer grisâtre. La «Marche» de la scène 4 fut dansante à souhait, l’«Air pour les amants désenchantés» ou l’«Air des démons» qui requit la flûte piccolo témoignèrent ainsi d’un sens évident de la séduction: loin d’être un chef-d’œuvre, cette Suite nous plongeait néanmoins dans une atmosphère agréable, constituant une entrée en matière tout à fait honorable.


S’il joua quelques solos au sein de cette Suite d’orchestre (notamment dans le «Premier Menuet»), c’est bien entendu avec le Concerto pour violon opus 7 n° 3 que Fabio Biondi donna la pleine mesure de ses talents. Connu autant pour son opéra Scylla et Glaucus que pour avoir été le maître de l’école française de violon au XVIIIe siècle, Jean-Marie Leclair (1797-1764) aurait pu choisir une tout autre voie puisqu’il commença sa vie professionnelle comme maître passementier. Auteur de multiples sonates pour violon, il composa également deux recueils de concertos dont l’Opus 7, qui donne lieu aussi bien à quelques enregistrements (voir ici) qu’à quelques exhumations en concert (voir ici). Le concerto choisi ce soir ne donnait pas à entendre de grande virtuosité comme savaient le faire certains compositeurs italiens de la même époque: le premier mouvement place davantage Biondi dans la position du primus inter pares que dans le rôle de soliste, les passages où le violon joue seul étant finalement plus que réduits, le jeu requis mettant en lumière une belle technique mais sans aucune ostentation. L’Adagio est le mouvement le plus intéressant, l’entrée en matière tenant presque du Prologue d’opéra, avec ses couleurs noires, ses silences, son côté presque crépusculaire; là aussi, on notera l’originalité de Leclair d’avoir choisi de ne faire dialoguer le soliste qu’avec la basse continue, le reste de l’orchestre jouant en alternance mais jamais avec le violon. L’Allegro assai conclusif couronne une belle interprétation mais qui n’aura tout de même pas réhabilité un concerto d’honnête facture, mais dont on peut aisément comprendre à l’écoute qu’il n’ait pas brillé à travers les siècles.


Ouvrage posthume puisque les répétitions en vue de la première répétition furent interrompues après la mort de Rameau, Les Boréades (1763) ont, depuis la création scénique de l’œuvre en juillet 1982 (sous la direction de John Eliot Gardiner), donné lieu à plusieurs représentations intégrales (voir par exemple ici et ici) ainsi qu’à une Suite orchestrale bénéficiant d’une certaine notoriété grâce à Jordi Savall, dans son très beau disque «Jean-Philippe Rameau - L’orchestre de Louis XV» (Alia Vox) qui a suivi de non moins superbes interprétations à l’Opéra royal de Versailles. Le fait que l’Orchestre de chambre de Paris joue sur instruments modernes (sauf les cors naturels), que des clarinettes (Les Boréades ayant donné lieu, semble-t-il, à la première utilisation de ce nouvel instrument inventé par le facteur Denner de Nuremberg) remplacent les hautbois utilisés par le chef catalan, qu’il n’y ait ce soir aucune percussion dans l’instrumentarium ont sans aucun doute contribué à modifier quelque peu notre appréhension de cette suite orchestrale de onze mouvements.


L’orchestre joue bien, très bien même si l’on s’attache aux bois (les clarinettes donc mais n’oublions pas encore les bassons, décidément fortement sollicités ce soir, ou les flûtes, magnifiques dans la première «Entrée» lorsqu’elles sont doublées par les pianissimi des violons, délicatement soutenus par les bassons) ou aux cors (dans l’Ouverture ou, de nouveau, la première «Entrée»). L’ensemble manque néanmoins parfois d’un rien d’amusement: la «Contredanse en rondeau» aurait ainsi mérité davantage de verve même si Biondi fait très attention à préserver les différences de dynamiques et les oppositions de timbres au sein de l’orchestre. Si la «Gavotte pour les Heures et les Zéphyrs» aurait pour sa part pu bénéficier de flûtes piccolos au jeu plus incisif et plus précis, la célèbre «Contredanse très vive» qui a conclu le concert aura rappelé à tout un chacun les incroyables talents d’orchestrateur de Jean-Philippe Rameau, qu’il convient bien de toujours fêter.


Le site de l’ensemble Europa Galante et de Fabio Biondi



Sébastien Gauthier

 

 

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