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Alchimies musicales

Paris
Philharmonie
11/28/2018 -  et 29* novembre 2018
Ludwig van Beethoven : Concerto pour violon en ré majeur, opus 61
Gustav Mahler : Symphonie n° 1 «Titan» en ré majeur

Isabelle Faust (violon)
Orchestre de Paris, Daniel Harding (direction)


I. Faust (© Felix Broede)


La Philharmonie de Paris accueillait, pour ce second concert et avant une tournée qui l’emmènera au Japon (Sapporo, Tottori, Kyoto, Tokyo et Osaka) du 11 au 18 décembre, l’Orchestre de Paris et Isabelle Faust dont l’alchimie nous avait frappé lors de précédents concerts où la violoniste allemande avait joué le Concerto de Schönberg, celui de Berg ou le Triple Concerto de Beethoven, alors sous la baguette de Herbert Blomstedt. L’orchestre avait su, à chaque fois, établir ce tapis musical idéal, dominé par des sonorités extrêmement transparentes dans lesquelles le violon si délicat d’Isabelle Faust avait su se mouvoir.


Il en fut de même ce soir dans une interprétation quelque peu étonnante du Concerto (1806) de Beethoven. Etonnante non en raison du jeu de la soliste, somme tout assez classique, ni en raison de l’équilibre entre la violoniste et l’orchestre (une nouvelle fois idéal) mais bien davantage en raison des options prises par Isabelle Faust. Que ce soit dans les cadences (pour une fois pas celle de Kreisler ou Joachim!) ou dans certaines appogiatures ou détachés (dans le Rondo - Allegro), la violoniste choisit l’originalité, à l’image de ce dialogue instauré avec les timbales dans la cadence du premier mouvement (celle, composée par Beethoven lui-même, que l’on entend habituellement dans la transcription pour piano du Concerto pour violon, mais dans une version quelque peu abrégée ce soir), tenues ce soir sauf erreur par l’excellent Javier Azanza. Le stradivarius d’Isabelle Faust, «La Belle au bois dormant», fut admirable de bout en bout: le panaché de nuances, l’éventail des couleurs (la finesse des aigus, voire des suraigus!), le sens du dialogue également rendirent parfaitement justice à une interprétation aux accents une nouvelle fois très chambristes du concerto mais également au climat «rural» de troisième mouvement, comme on a pu l’entendre dans les deux enregistrements de ce concerto qu’elle a réalisés sous les baguettes de Jirí Bělohlávek et Claudio Abbado (tous deux chez Harmonia Mundi). L’Orchestre de Paris joue également sur la finesse, notamment grâce à une petite harmonie de toute beauté (les bassons, les clarinettes...), Daniel Harding dirigeant l’ensemble avec parfois quelques effets inutiles mais surtout avec une retenue qui fut toujours de très bon aloi. En bis, la violoniste allemande offrit la brève pièce de György Kurtág intitulée «Doloroso» (1992), extraite des Signes, jeux et messages et écoutée par un public des plus attentifs, contrairement à l’ensemble du concert, émaillé de nombreuses toux intempestives.


C’est d’ailleurs ce qui nous a empêché de profiter pleinement du début du premier mouvement de la Symphonie «Titan» (1888) de Mahler. Dommage car le climat extatique du début illustrait parfaitement cette ambiance de nature naissante («Wie ein Naturlaut» pour en reprendre le sous-titre) où les bois ainsi que les trois trompettes placées en coulisse furent excellents. De manière générale, avouons que si Daniel Harding nous a fortement séduit sur le strict plan esthétique, il ne nous aura pas totalement convaincu. La faute, si l’on peut dire, à quelques effets parfois grossiers – une pulsation trop marquée dans le troisième mouvement, où brilla le contrebassiste solo Vincent Pasquier, qui filait vite vers une certaine lourdeur, quelques glissandi de mauvais aloi au début du deuxième mouvement, des explosions certes annoncées mais qui s’arrêtèrent parfois en chemin comme si le chef ne faisait pas confiance à son orchestre pour aller jusqu’au bout de l’idée précédemment développée, un manque d’énergie également de temps à autre comme on a par exemple pu l’entendre au milieu du premier mouvement avant la reprise du thème principal par la flûte solo – qui se sont avérés quelque peu perturbateurs. C’est d’autant plus regrettable que Harding a su être autrement convaincant dans certains passages en mettant en lumière quelques contrechants (excellent pupitre de violoncelles dans le premier mouvement et de seconds violons dans le quatrième, que l’on entendait pour une fois distinctement et pas seulement noyés dans la masse des cordes!), conduisant l’ensemble dans des tempi classiques (la symphonie atteignant tranquillement les 55 minutes). Le public n’en a pour autant boudé son plaisir – ne serait-ce que visuellement, voir les neuf cors se lever pour le final est toujours aussi impressionnant! – et a ainsi pu saluer un orchestre dont on a bien senti qu’il aimait être dirigé par ce chef dans ce type d’œuvres: dommage, comme on le sait, que le mariage ait tourné court car l’entente aurait sans doute pu perdurer, notamment pour le plus grand bonheur des mélomanes parisiens.



Sébastien Gauthier

 

 

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