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Ad astra per aspera

Paris
Philharmonie
09/16/2016 -  et 18* septembre 2016
Robert Schumann : Szenen aus Goethes Faust
Hanna-Elisabeth Müller, Mari Eriksmoen (sopranos), Bernarda Fink (mezzo-soprano), Andrew Staples (ténor), Christian Gerhaher (baryton), Tareq Nazumi, Franz-Josef Selig (basses)
Elèves du Département des disciplines vocales du Conservatoire de Paris, Chœur et Chœur d’enfants de l’Orchestre de Paris, Lionel Sow (chef de chœur), Orchestre de Paris, Daniel Harding (direction)


D. Harding (© Julian Hargreaves)


Faust peut-il prétendre, à l’instar de Don Juan, au statut de mythe à part entière, c’est-à-dire non tributaire de la mythologie grecque? A Eckermann, Goethe affirme qu’il n’est somme toute qu’un avatar de Prométhée. La figure du Manfred de Byron, sur laquelle Schumann se pencha également à travers une musique de scène dont seule l’ouverture gagna les faveurs du concert, apparaît de son côté comme un avatar de Faust... Du drame de Goethe qu’il fréquente depuis son adolescence et qui l’occupe de 1844 à 1853, l’auteur de Genoveva a choisi d’écarter tout pittoresque et tout élément opératique de manière à se concentrer sur la dimension symbolique (mythique?): en découle une œuvre aussi ambitieuse qu’attachante, choisie par Daniel Harding pour sceller son «mariage» (ainsi qu’il le confesse dans un entretien avec Yutha Tep pour Cadences) avec l’Orchestre de Paris. Une œuvre qu’il connaît bien pour l’avoir souvent interprétée au concert et gravée au disque avec l’Orchestre de la Radio bavaroise.


Les deux premières parties ont quelque chose de déroutant pour le mélomane coutumier des opéras de Gounod, de Boito, et de la légende dramatique de Berlioz: les Scènes ignorent le pacte diabolique, Méphisto voit ses apparitions réduites à la portion congrue, quant à Marguerite, elle apparaît fugitivement dans trois scènes de la première partie, son statut de rédemptrice dans l’ultime partie intéressant davantage le compositeur. A cette dimension spirituelle du propos répondent des personnages proches de l’abstraction, auxquels «La Transfiguration de Faust» finira par assigner un rôle purement allégorique.


Daniel Harding doit composer avec l’acoustique particulièrement réverbérée d’une Philharmonie noire de monde (qui s’en plaindrait?), du chœur au public. A cela s’ajoute une direction peu sanguine, à la gestuelle un rien empruntée, renforçant l’aspect oratorio de l’œuvre. Omniprésent, le Faust de Christian Gerhaher est d’une finesse incroyable. Variété infinie d’intonations, de nuances, de timbres: c’est peu dire que le chanteur allemand y fait montre de toutes ses qualités de Liedersänger. Si les complexions du personnage transparaissent, une introspection tenace maintient la confrontation avec «Le Souci» dans les sphères supraterrestres, à défaut de nous mettre en présence d’un véritable être humain constitué de chair et de sang. Mais son «Es ist vollbracht» christique trouve des accents déchirants dignes d’une Passion de Bach. Face à lui, le baryton-basse Franz-Josef Selig campe un Méphistophélès d’une noirceur vipérine, flirtant par endroits avec le Sprechgesang afin d’animer un discours qui peine à quitter l’ornière métaphysique. La Marguerite de Hanna-Elisabeth Müller peut compter sur son joli timbre argenté et ses aigus rayonnants, à défaut de graves peu audibles. Andrew Staples, familier du répertoire baroque, sert avec ce même phrasé d’évangéliste son Ariel et son Pater Estaticus.


Sollicité à travers le Dies Irae (Scène de la Cathédrale) puis «La Mort de Faust», le Chœur de l’Orchestre de Paris auquel se joint le Chœur d’enfants impeccablement préparé par Lionel Sow se couvre de gloire dans «La Transfiguration de Faust», véritable dramaturgie vocale de l’élévation. La harpe solo prête à cette rédemption finale (le texte même par lequel Liszt referme la Faust-Symphonie) ses sonorités cristallines, mais il faudrait citer les solos de trompette («La Mort de Faust») et de violoncelle («Ewiger Wonnebrand»).


Si un temps d’adaptation est sans doute nécessaire pour que chef et musiciens apprennent à davantage se connaître – la première partie du concert accuse quelques flottements –, cette soirée d’ouverture s’avère de très bon augure pour la suite de la saison. A l’affiche notamment fin décembre: Le Paradis et la Péri du même Schumann.



Jérémie Bigorie

 

 

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