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12/26/2022
Johann Sebastian Bach : Johannes-Passion, BWV 245
Maximilian Schmitt (Evangéliste), Kresimir Strazanac (Jésus), Dorothee Mields (soprano), Damien Guillon (contre‑ténor), Robin Tritschler (ténor), Peter Kooij (Pilate), Philipp Kaven (Pierre), Stephan Gähler (Servus), Magdalena Podkoscielna (Ancilla), Collegium Vocale Gent, Philippe Herreweghe (direction)
Enregistré au De Singel d’Anvers (20‑23 mars 2018) – 107’08
Album de deux disques Phi LPH 031 (distribué par Outhere) – Notice multilingue (anglais, français, allemand et néerlandais) de Michael Maul





Johann Sebastian Bach : Cantate « Ich hatte viel Bekümmernis », BWV 21 : Sinfonia – Cantates « Ich habe genug », BWV 82, et « Weinen, Klagen, Sorgen », BWV 12 : Sinfonia – Cantate « Mein Herz schwimmt im Blut », BWV 199
Dorothee Mields (soprano), Kresimir Strazanac (basse), Staatskapelle Dresden, Philippe Herreweghe (direction)
Enregistré en public au Semperoper de Dresde (12 février 2021) – 107’08
Profil Hänssler PH21024 « Sächsische Staatskapelle Dresden » volume 51 – Notice bilingue (allemand et anglais) de Michael Ernst





Johann Sebastian Bach : Cantates « Ich habe genug », BWV 82, « Ich will den Kreuzstab gerne tragen », BWV 56, et « Der Friede sei mit dir », BWV 158
Peter Kooij (basse), La Chapelle Royale, Philippe Herreweghe (direction)
Enregistré en l’église Notre‑Dame‑du‑Liban, Paris (janvier 1991) – 52’20
Harmonia Mundi HMM 931365 – Notice (en français, anglais et allemand) d’Alberto Basso





Philippe Herreweghe ne cesse de mettre et de remettre sur le métier l’œuvre chorale de Johann Sebastian Bach, depuis notamment que son travail de jeune chef de chœur, comme on le sait remarqué par Nikolaus Harnoncourt et Gustav Leonhardt, lui a permis d’être associé à l’enregistrement de l’intégrale des cantates effectué par ses deux aînés chez Teldec. Passée cette période de fructueux apprentissage, le jeune chef originaire de Gand a su voler de ses propres ailes et s’est imposé depuis des années (voire des décennies maintenant...) comme un des interprètes les plus avisés de ces œuvres. En voici trois exemples.


Lorsqu’on pense aux relations entre Philippe Herreweghe et les Passions de Bach, c’est bien sûr la Saint Matthieu qui vient à l’esprit. N’oublions pas pour autant que le chef flamand a d’ores et déjà enregistré la Passion selon saint Jean à deux reprises. La présente version frappe par son dépouillement. Dépouillement orchestral tout d’abord, avec un effectif assez minimaliste côté cordes (six violons, deux altos, deux violoncelles et un violone), des bois et une basse continue réduits au strict nécessaire. Mais, pour autant, lorsque les hautboïstes s’appellent Marcel Ponseele et Taka Kitazato et que les flûtistes ne sont autres que Patrick Beuckels et Jan Van den Borre, on est sur des sommets interprétatifs où l’instrument se fait voix, où l’instrument égale la voix, où l’instrument surpasse même la voix... Ainsi, si les hautbois accompagnent d’égal à égal Damien Guillon dans l’air célèbre « Von den Stricken meiner Sünden », les flûtes volent en revanche nettement la vedette à la soprano dans l’air « Ich folge dir gleichfalls », toujours au sein de la première partie. Dépouillement vocal également avec, et c’est sans aucun doute le plus grand atout de cette version, un chœur du Collegium Vocale là aussi très réduit puisque ne comptant que quatre chanteurs (dont les solistes) par partie, une constante chez le chef qui avait également requis cet effectif dans sa version de 1987 (le pupitre d’altos ne comptait même que trois chanteurs !). Dès le chœur introductif « Herr, unser Herrscher », on est happé par un tempo assez vif mais qui joue sur la simplicité du Verbe davantage que sur la théâtralité de l’action qu’il va convenir de narrer. Ce n’est certes pas toujours le cas (par exemple, dans le passage « Wer hat dich so geschlagen », on remarquera l’accentuation spécifique du « Ich, ich und meine Sünden ») mais la tenue générale est bel et bien celle‑ci : une large respiration, un chœur qui sait prendre son temps, et qui traduit davantage l’apaisement et la sérénité que l’inquiétude et la tristesse face à la mort du Christ. Côté solistes, ceux‑ci sont globalement très bons mais avec des réserves néanmoins. Dans le rôle central de l’Evangéliste, Maximilian Schmitt est très convaincant par sa prosodie, son discours à la fois habité et simple face aux événements inéluctables qu’il raconte. Déception en revanche pour le Jésus de Kresimir Strazanac, qui s’avère très neutre et peine à incarner vraiment le personnage central de l’œuvre. Autre basse requise, Peter Kooij accuse certes le poids des années mais quelle noblesse toujours dans la déclamation, qui rachète ainsi presque toujours un souffle un rien court. Au sein de l’équipe habituelle de Philippe Herreweghe, Damien Guillon est comme toujours excellent mais c’est Dorothee Mields qui déçoit franchement, son air « Ich folge dir gleichfalls » étant à la fois dur et d’une justesse approximative, l’air « Zerfliesse, mein Herze, in Fluten der Zähren » étant pour sa part assez quelconque. Une très belle version certes mais, finalement, pour le chœur avant tout.


On sait que, heureusement depuis longtemps, les frontières entre orchestres « traditionnels » et orchestres « spécialisés » (notamment dans le répertoire baroque) sont tombées, les chefs dirigeant aussi bien les uns que les autres dans des répertoires toujours plus élargis. Ainsi, Philippe Herreweghe a depuis longtemps dirigé des phalanges comme les orchestres du Gewandhaus de Leipzig, du Concertgebouw d’Amsterdam ou même, sauf erreur une seule fois (pour une Passion selon saint Jean), le Philharmonique de Vienne. Ici, c’est l’orchestre de la vénérable Staatskapelle de Dresde qu’il dirige à l’occasion du concert commémorant chaque année le terrible bombardement de la ville, du 13 au 15 février 1945, qui a causé environ 35 000 morts et la destruction quasi totale de la ville. Chaque année donc, la célèbre phalange donne à cette occasion un concert de musique sacrée qui a vu notamment se succéder Christian Thielemann dans le Requiem de Verdi, Myung‑Whun Chung dans celui de Fauré ou Christoph Eschenbach dans le Stabat Mater de Dvorák. Ici, évidemment, Bach au programme ! Le moelleux de l’orchestre n’altère en rien la musique du Cantor, que ce soit l’excellent hautboïste solo Rafael Sousa ou le Konzertmeister du jour, Matthias Wollong, mais le résultat d’ensemble peine à convaincre vraiment. La « faute » sans doute aux solistes. Dans la si rabâchée Cantate « Ich habe genug », Kresimir Strazanac adopte un ton beaucoup trop affecté, qui ne convient nullement au texte de l’œuvre : la première aria est à cet égard assez rédhibitoire, le soliste s’améliorant néanmoins par la suite, notamment dans l’air conclusif, parfaitement soutenu par des instrumentistes en état de grâce. Dans la Cantate BWV 199, Dorothee Mields s’en sort mieux (magnifique « Stumme Seufzer, stille Klagen » !) mais, là aussi, on aimerait davantage d’implication et de conviction telles que pouvaient nous les communiquer, dans des optiques bien entendu fort différentes, aussi bien Elisabeth Schwarzkopf (sous la direction de Thurston Dart, de préférence chez Testament par rapport à l’enregistrement plus connu chez EMI, mais réalisé deux jours plus tard...) que Barbara Schlick (sous la baguette de Christophe Coin). A noter que le partenariat Herreweghe-Dresde semble parfaitement fonctionner puisque le chef flamand retrouvera l’orchestre au grand complet les 13 et 14 février 2023 dans la Messe en si de Bach avec Dorothee Mields, Sophie Harmsen, Alex Potter, Reinoud Van Mechelen, Kresimir Strazanac en solistes et le Collegium Vocale de Gand.


Comme on l’a dit, Kresimir Strazanac déçoit dans la Cantate BWV 82 : tel n’était en revanche pas le cas de Peter Kooij dans cette réédition d’un disque gravé en janvier 1991, et qui a fait les beaux jours de la maison Harmonia Mundi. Kooij et Herreweghe : un long partenariat musical (à titre personnel, nous avons entendu pour la première fois Philippe Herreweghe diriger en juillet 1991, lors du Festival de l’Abbaye aux Dames de Saintes, et Peter Kooij tenait déjà la partie de basse dans le Magnificat de Bach qui figurait notamment au programme), qui a perduré jusqu’à ce jour. Si la voix est aujourd’hui plus fatiguée, quel chanteur à l’époque ! Emission facile, projection sans fard, souplesse et compréhension de la diction : tout est beau. Les musiciens de l’époque s’appelaient (et pour certains s’appellent encore aujourd’hui !) Monica Huggett au violon solo, Marcel Ponseele et Taka Kitazato au hautbois, Marc Minkowski au basson tandis que le chœur de la Chapelle Royale accueillait Joël Suhubiette parmi les ténors et Renaud Machart parmi les basses ! Si vous ajoutez à cela la remarquable notice signée Alberto Basso, vous avez là un disque pionnier qui n’a pas perdu une ride et qui continue de nous émouvoir à chaque écoute (souvenir personnel là aussi d’un de nos premiers achats de disques consacrés à Bach, qui figure toujours parmi nos « disques de chevet »). Dans la Cantate « Ich habe genug », Peter Kooij s’impose par son chant impérial, la longueur de son souffle, accompagné par un Marcel Ponseele superlatif, le duo fonctionnant également à merveille dans l’air « Endlich, endlich wird mein Joch » de la Cantate BWV 56. L’élan du soliste ne cède en rien au sens de la respiration et à sa capacité à se ménager des pauses, le chanteur se muant pour l’occasion en fidèle croyant pour qui une telle déclamation n’est en rien anodine, comme on peut désormais trop souvent l’entendre. Philippe Herreweghe dirigeait à l’évidence tout cela avec fraîcheur (on notera son côté parfois davantage résigné aujourd’hui, souvent plus sombre, du moins plus austère) et allant, servi par un chœur irréprochable (les passages conclusifs des deux dernières cantates) et des solistes de haut niveau. Une référence, qui le demeure.


Le site de Kresimir Stražanac
Le site de Philipp Kaven
Le site du Banquet Céleste et de Damien Guillon
Le site de Magdalena Podkoscielna
Le site du Collegium Vocale de Gand et de Philippe Herreweghe
Le site de la Staatskapelle de Dresde


Sébastien Gauthier

 

 

 

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