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05/25/2016
Dimitri Chostakovitch :Symphonies n° 5, opus 47 [1], n° 8, opus 65 [2], et n° 9, opus 70 [3] – Hamlet, opus 32: Suite (extraits) [4]
Boston Symphony Orchestra, Andris Nelsons (direction)
Enregistré en public au Symphony Hall, Boston (1er-3 octobre [3] et 19-21 novembre [1] 2015, 4-6 février [4] et 24-26 mars [2] 2016) – 156’
Coffret de deux disques Deutsche Grammophon 479 5201 (distribué par Universal)

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Cet album poursuit la série d’œuvres de Chostakovitch composées «sous l’ombre de Staline» (voir ici), après l’article dévastateur que le dictateur russe aurait lui-même écrit après avoir entendu l’opéra Lady Macbeth de Mtsensk jusqu’à sa mort, le jour même où disparaissait Serge Prokofiev.


Ces œuvres sont magistrales par leur écriture et leur richesse formelle mais elles révèlent surtout un compositeur complexe dont les longs mouvements lents sont d’une densité mahlérienne et dont les passages énergiques et démonstratifs cachent une angoisse profonde derrière un apparent triomphalisme. Au-delà des difficultés instrumentales, tout l’art de Chostakovitch et de ses interprètes est de savoir justement gérer cette ambiguïté.


Le travail réalisé par Andris Nelsons est en tout point remarquable. Les instrumentistes solistes sont de très haute tenue. Il suffit d’écouter la virtuosité des bois dans le Presto de la Neuvième Symphonie pris à un tempo... affolant. Les cuivres se révèlent capables aussi bien de terribles déchaînements ainsi que de passages très légers. Les cordes ont à la fois force et couleur. L’ensemble des pupitres s’équilibrent et quiconque connait l’acoustique du Symphony Hall de Boston retrouvera l’impression d’espace qui la caractérise. Il y a de l’air entre les pupitres et les tutti respirent. Les quelques flottements orchestraux qui avaient marqué la période intermédiaires entre le départ de James Levine, souffrant, et l’arrivée d’Andris Nelsons sont bien loin. L’orchestre de Koussevitzky, de Munch et d’Ozawa est bien à nouveau un des premiers ensembles des Etats-Unis et sa couleur et sa tradition russe en font un interprète des plus aptes à rendre justice à la musique de Chostakovitch.


Ces qualités sont déployées pour servir et approfondir la caractérisation des œuvres. La Suite de la musique de scène pour Hamlet surprend par sa truculence et donne envie de voir le film original. La faussement classique Neuvième Symphonie impressionne par sa virtuosité et ses fanfares pleines d’ironie et de morgue. La Cinquième Symphonie, l’œuvre probablement la plus connue du compositeur, trouve ici toute sa dimension. La fin du Moderato initial avec les interventions du xylophone et des timbales évoque une angoisse sourde tandis que le développement du finale (Allegro non troppo), probablement le sommet de ce coffret, est simplement magistral. L’Adagio de la Huitième Symphonie est tendu et la maîtrise de la ligne que nous en donne Nelsons en fait un cousin des mouvements mahlériens. Dans ce long mouvement, le compositeur évoque une solitude désespérée et on ne peut se demander comment les censeurs de l’époque ont pu permettre qu’une pièce aussi forte et aussi dramatique ait été publiée (et je renvoie le lecteur au très beau livre The Noise of Time écrit par Julian Barnes sur le compositeur).


L’éditeur d’Andris Nelsons vient d’annoncer que ce seront finalement toutes les Symphonies de Chostakovitch ainsi que Lady Macbeth qui seront enregistrés, signe de la qualité artistique atteinte et que le succès commercial est au rendez-vous. De tels projets discographiques sont bien rares aujourd’hui et ce projet nous laisse entrevoir ce qui pourrait être la version de notre temps de ces chefs-d’œuvre si personnels et si forts.


Antoine Lévy-Leboyer

 

 

 

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