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Pari réussi

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Théâtre antique
08/03/2014 -  et 5 août 2014
Giuseppe Verdi : Otello
Roberto Alagna (Otello), Seng-Hyoun Ko (Iago), Inva Mula (Desdemona), Florian Laconi (Cassio), Sophie Pondjiclis (Emilia), Enrico Iori (Lodovico), Julien Dran (Roderigo), Jean-Marie Delpas (Montano), Yann Toussaint (Un Araldo)
Chœurs de l’Opéra Grand Avignon, Aurore Marchand (chef de chœur), Chœurs de l’Opéra de Marseille, Pierre Iodice (chef de chœur), Chœurs de l’Opéra de Nice, Giulio Magnanini (chef de chœur), Maîtrise des Bouches-du-Rhône, Samuel Coquard (direction), Ensembles vocal et instrumental des Chorégies d’Orange, Orchestre philharmonique de Radio France, Myung-Whun Chung (direction musicale)
Nadine Duffaut (mise en scène), Emmanuelle Favre (scénographie), Katia Duflot (costumes), Philippe Grosperrin (éclairages)


(© Philippe Gromelle)


Samedi 2 août, des trombes d’eau commencent de s’abattre sur Orange dès 20 heures, contraignant la direction des Chorégies à reporter au lendemain la première tant attendue d’Otello. Dimanche soir, après une très belle journée estivale, une forte averse provoque des frayeurs parmi les organisateurs et les spectateurs : et si la pluie venait une nouvelle fois annuler le spectacle ? Heureusement, elle ne fait qu’un passage très bref et, à 21 heures 30, ce n’est pas dans le ciel provençal qu’éclate la tempête, mais dans la fosse du vénérable Théâtre antique, où Myung-Whun Chung, à la tête d’un Orchestre philharmonique de Radio France des grands soirs, offre une lecture nerveuse et survoltée du chef-d’œuvre de Verdi ; une lecture passionnée et sans aucun temps mort, qui privilégie la flamboyance et la luxuriance du son au détriment de la finesse de la partition et aussi des chanteurs, lesquels se retrouvent parfois couverts. Mais quelle impétuosité et quel niveau d’interprétation, le maestro dirigeant d’ailleurs par cœur. Signe aussi que la tension et l’électricité sont bien présentes, et pas seulement dans l’air, le chœur s’emmêle les pinceaux dès les premières mesures.


Mais tous les regards sont bien entendu braqués sur Roberto Alagna, qui endosse pour la première fois les habits du Maure, un rôle qu’il rêvait d’interpréter depuis très longtemps. L’«Esultate» de son entrée en scène est magnifique, lancé avec aplomb et des accents héroïques, sur des notes tenues longuement. Le chanteur a beau être planté au pied du mur du Théâtre, à plusieurs mètres du devant de la scène, on imagine que ses notes doivent atteindre sans peine les derniers rangs des gradins. Le «Abbasso le spade!» est aussi clamé avec beaucoup d’autorité et le duo avec Desdémone, qui clôt le premier acte («Già nella notte densa»), est superbe de tendresse. Les choses se gâtent quelque peu aux deux actes suivants, le ténor se trouvant en difficulté à plusieurs reprises, craquant quelques notes et forçant visiblement les aigus. Peut-être a-t-il été déstabilisé par le noir total dans lequel la scène et la fosse ont été plongées par deux fois, obligeant le chef à interrompre la représentation puis à repartir. Le «Dio, mi potevi scagliar» est néanmoins impressionnant d’intensité et d’émotion. Roberto Alagna retrouve tous ses moyens pour le dernier acte, avec un «Nium mi tema» mettant en valeur le phrasé et le contrôle de la ligne de chant. En fin de compte, une incarnation par conséquent globalement réussie, malgré quelques bémols. Espérons que son Otello aura l’occasion de s’affiner et de mûrir, contrairement à son Calaf de 2012, qui est resté sans lendemain. Le ténor a dans tous les cas fait mentir ceux qui ne le voyaient pas dans le rôle, en raison de sa voix plus lyrique que dramatique. Le handicap a été habilement compensé par l’expérience et l’intelligence de l’interprète.


A ses côtés, Inva Mula incarne une Desdémone sensible et nuancée, avec de magnifiques pianissimi, même si la voix manque d’ampleur dans les longues phrases verdiennes. Seng-Hyoun Ko semble moins incisif et mordant qu’à son habitude, son Iago, très unidimensionnel au demeurant, rencontrant des difficultés à plusieurs reprises. Les seconds rôles en revanche sont admirables, à commencer par Florian Laconi en Cassio et Sophie Pondjiclis en Emilia.


La mise en scène de Nadine Duffaut est d’excellente facture, très traditionnelle et linéaire, et offre de beaux tableaux d’ensemble ; les mouvements de foule sont superbement réglés, ce qui est crucial sur le vaste plateau du Théâtre antique. On relèvera aussi les magnifiques costumes de Katia Duflot, un régal pour les yeux. Au final, applaudissements chaleureux pour tous les artisans du spectacle et aucun mouvement d’humeur à l’encontre de Roberto Alagna ; l’annulation de son concert à Orange l’été dernier, qui avait fâché de nombreux fans, semble être définitivement oubliée.



Claudio Poloni

 

 

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