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Expériences

La Grave
Eglise Notre-Dame-de-l’Assomption
08/03/2014 -  
Claude Debussy : Préludes (Premier Livre)
Iannis Xenakis : Herma
Perttu Haapanen : Mi Noche Triste revisited (création française)
Pierre Boulez : Sonate n° 3

Paavali Jumppanen (piano)


P. Jumppanen (© Colin Samuels)


Pour sa troisième participation au festival Messiaen au pays de la Meije, Paavali Jumppanen (né en 1974) donne, dans l’acoustique remarquable et le cadre à la fois intime, chaleureux et dépouillé de la petite église (XIV-XIXe) de La Grave, un programme ambitieux tant par ses exigences artistiques que par sa difficulté technique.


Voici cinq ans, Jean-Efflam Bavouzet avait interprété en ce même lieu l’intégrale des vingt-quatre Préludes de Debussy, qui ont toute leur place dans un festival dédié à Messiaen, fortement marqué – à l’âge de 10 ans – par la découverte de Pelléas et écrivant onze ans plus tard son premier grand ouvrage pianistique sous la forme d’un recueil de huit Préludes. Le pianiste finlandais s’en tient quant à lui au Premier Livre (1910) mais soulève autant d’intérêt et d’admiration que Bavouzet. Car voici également un maître des nuances et des sonorités, doté d’une frappe redoutablement précise et capable de faire jaillir de son clavier une grande variété de couleurs, comme dans «"Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir » (Baudelaire)"». Mais il n’est pas du tout un contemplatif pour autant: non seulement le tempo est souvent vif («Les Collines d’Anacrapri», «Des pas sur la neige», «La Danse de Puck»), mais il caractérise fortement chaque pièce, d’une façon peut-être plus descriptive que ne l’aurait souhaité le compositeur (qui a soigneusement placé les titres, précédés de points de suspension, non pas en exergue mais à la fin de chaque prélude), narrant et mettant en scène de véritables histoires («La Fille aux cheveux de lin», «La Sérénade interrompue», «Minstrels») et cultivant une puissance orchestrale («Ce qu’a vu le vent d’Ouest», terrifiant, et «La Cathédrale engloutie»).


La seconde partie associe deux pages qui, si elles déroutent peut-être autant qu’au premier jour, ont probablement assez mal vieilli mais demeurent, en raison de leur caractère expérimental, le témoignage passionnant d’une époque aventureuse. Dans Herma (1961), Xenakis a en effet appliqué des opérations booléennes à des séries de hauteurs dont il a défini le déroulement au moyen de procédés stochastiques. Comme toujours chez lui, la démesure et l’énergie restent prédominantes, même si le résultat est d’une complexité faisant parfois penser aux délires saccadés de Nancarrow.



Après Xenakis en sériel intégral, voici Boulez se frottant aux techniques aléatoires, qu’il avait jusque là regardées d’un assez mauvais œil: sa Troisième Sonate (1957/1963) est une œuvre «ouverte», dans la mesure où l’interprète peut faire des choix dans la partition, comme dans le Klavierstück XI de Stockhausen, exactement contemporain – et inachevée – si le terme peut avoir un sens s’agissant du compositeur –, car seuls deux des cinq «formants» (mouvements) ont été publiés, le deuxième («Trope») et la rétrogradation du troisième («Constellation-Miroir»). Aléatoire ou pas, on reconnaît bien, derrière les spectaculaires découpages et collages de partition étalés sur le pupitre (nécessitant un bref conciliabule préalable avec le tourneur de pages), les intimidantes éruptions bouléziennes, serties dans une écriture pianistique assurément plus élaborée que celle de Xenakis.


Entre ces deux massifs, la création française de Mi Noche Triste revisited (2013) de Perttu Haapanen (né en 1972), dont Jumppanen est à la fois le commanditaire et le dédicataire, aura paru un peu écrasée. Inspirée par le tango éponyme (1915) de l’Argentin Samuel Castriota (1885-1932), repris et popularisé dès 1917 par Carlos Gardel, cette pièce est la version acoustique et abrégée d’une prochaine œuvre électroacoustique. Les délicates figures initiales dans l’aigu sont séduisantes mais on peine à trouver la cohérence et la portée de ces 7 minutes de musique qui ne condescendent bien évidemment à aucun moment à faire explicitement référence à la couleur locale.


Le site de Perttu Haapanen



Simon Corley

 

 

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