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Tancrède aux Champs

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
05/19/2014 -  et 21, 23, 25, 27 mai 2014
Gioacchino Rossini : Tancredi
Marie-Nicole Lemieux (Tancredi), Patrizia Ciofi (Amenaide), Antonino Siragusa (Argirio), Christian Helmer (Orbazzano), Josè Maria Lo Monaco (Isaura), Sarah Tynan (Roggiero)
Chœur du Théâtre des Champs-Elysées, Orchestre philharmonique de Radio France, Enrique Mazzola (direction musicale)
Jacques Osinski (mise en scène)


(© Vincent Pontet/Wikispectacle)


Tancrède le banni, à qui sa chère Aménaïde a écrit en secret, revient incognito dans sa patrie pour la défendre contre les Sarrasins. Alors qu’elle craint pour sa vie, il la croit infidèle. Elle n’aime pourtant pas l’homme que son père Arigirio lui destine et qui l’accuse d’avoir correspondu avec Solamir le Sarrasin. Amenaide échappe heureusement à la mort quand Tancrède tue son fiancé en duel, mais le jeune homme reste persuadé de son infidélité. Il faudra qu’il soit vainqueur des Sarrasins pour que la vérité éclate et que le couple soit enfin réuni : un lieto fine conforme aux usages, celui de la création vénitienne en février 1813. Un mois plus tard, Rossini proposait à Ferrare un final tragique, plus novateur aussi, où Tancrède mourait dans les bras d’Aménaïde.


Enrique Mazzola et Jacques Osinski ont choisi ce dénouement ferrarais pour le premier seria rossinien, inspiré de la tragédie de Voltaire. Peu importe, tant la production est indigente. Faire d’Aménaïde la victime d’un monde d’hommes, situer la chose dans un pays des Balkans, avec bureau de vote en lever de rideau, montrer comment la guerre interdit au couple d’exister, tout cela sent le déjà vu, a des airs de Marthaler ou de Warlikowski du pauvre. Et ces uniformes rappellent plutôt l’Italie de Mussolini... Mais le pire vient d’abord d’une direction d’acteurs à peine limitée au minimum syndical, qui frise parfois l’amateurisme. On a, de plus, ridiculisé Marie-Nicole Lemieux en lui passant l’uniforme, avec une barbe digne de Baba la Turque. Pour la clôture théâtrale de son festival Rossini, après Otello et Le Barbier, les Champs-Elysées n’ont pas eu la main heureuse – L’Italienne à Alger et L’Echelle de soie seront donnés en version de concert.


La musique ne rembourse qu’en partie. Victime de sa fougue coutumière, Enrique Mazzola, qui a pourtant le sens des atmosphères et des couleurs, dirige Tancrède comme Macbeth de Verdi, se montre surtout sensible au drame guerrier, heureusement plus policé au second acte, où il nous offre de beaux moments. Dans L’Italienne à Alger, l’adéquation stylistique faisait passer la nasalité du timbre d’Antonino Siragusa: c’est le contraire ici, tant le clairon de la voix évoque ces chapons qu’on égorge tant vilipendés par le compositeur. José Maria Lo Monaco s’égare en Isaura, dont elle n’a pas le registre grave, semblant du coup avoir deux voix. Mais Sarah Tynan phrase assez bien l’air modeste de Ruggiero et Christian Helmer a belle allure en méchant Orbazzano.


On attendait surtout, à vrai dire, le duo Patrizia Ciofi et Marie-Nicole Lemieux. Elles n’ont pas déçu, même si elles atteignent ici les limites de leurs possibilités et si l’on pourrait souhaiter plus de flamboyance du timbre et de la colorature. Cela vaut surtout pour la mezzo canadienne, pas vraiment le musico vaillant attendu ici, qui privilégie une conception très intériorisée du rôle, Tancrède victime du destin et de lui-même. Mais l’élégance du phrasé, la noblesse de l’incarnation emportent l’adhésion, la mort du héros, par sa sobriété dans le tragique, suscite l’émotion. Il n’empêche : c’est la soprano italienne qui triomphe, malgré une partie plus périlleuse encore. Si l’air d’entrée, déjà redoutable, trahit une certaine gêne, le style belcantiste, le chant sur le souffle, le sens de la coloration font merveille dans le cantabile et hissent vite cette Aménaïde au sommet, notamment lorsqu’elle attend sa mort en prison.



Didier van Moere

 

 

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