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A l’autre extrémité du spectre

Lyon
Opéra
04/12/2014 -  et 17, 21, 25 avril 2014
Benjamin Britten : Curlew River, opus 71
William Dazeley (Le Passeur), Michael Slattery (La Folle), Ivan Ludlow (Le Voyageur), Lukas Jakobski (L’Abbé), Cléobule Perrot (L’Esprit du Garçon)
Chœurs, Maîtrise et Orchestre de l’Opéra de Lyon, Alan Woodbridge (direction musicale)
Olivier Py (mise en scène et lumières), Pierre-André Weitz (décors et costumes)


(© Bertrand Stofleth)


Avec La Rivière au courlis, première de ses paraboles d’église, crée au Festival d’Aldeburgh en 1964, Britten touche l’autre extrémité du spectre de sa production lyrique. Inspiré du théâtre nô, découvert lors d’un voyage au Japon par les deux compères Britten et Pears, intégré au rituel du théâtre médiéval avec une économie de temps et instrumentale, La Rivière au courlis n’a plus le prétexte de la rigueur économique des années d’après-guerre. Britten anticipe le mouvement d’universalisation des cultures qui déferla sur la culture occidentale dans la seconde partie du XXe siècle. Sans poser une seule seconde au compositeur d’avant-garde, il franchit les limites de la modernité tout en restant en prise directe avec les aspirations de son public.


Tout dans cet ovni théâtral a pour plaire au metteur en scène Olivier Py. Le rôle principal de la femme folle tenu par un ténor travesti, la religiosité du propos qui l’emporte sur l’anecdote de l’action et la représentation ecclésiastique dans un esprit proche de la tragédie antique. On retrouve dans le formidable travail qu’il avait réalisé pour l’Opéra de Lyon au Théâtre des Célestins en 2008 tout son univers esthétique et celui de Pierre André Weitz: scénographie en escaliers, table de maquillage et utilisation de celui-ci pour les visages à la manière du théâtre nô, accessoires du culte catholique et habillage noir de l’ensemble qui sied mieux à la salle sombre de l’Opéra Nouvel qu’aux dorures XIXe des Célestins. Sa mise en scène en délivre le message profond avec la force d’un coup de poing et hante longtemps après la fin du spectacle.


Les acteurs du drame sont tous étonnants à commencer par Michael Slattery, interprétant avec une vérité physique ahurissante et un pathétique vocal poignant la longue plainte du personnage de la mère qui a perdu son enfant et la raison. Formidables aussi le Voyageur d’Ivan Ludlow, le Passeur de William Dazeley, l’Abbé de Lukas Jakobski et l’élève de la Maîtrise de l’Opéra de Lyon, Cléobule Perrot, sur les frêles épaules de qui repose la partie finale de la pièce, quand l’esprit du garçon revient pour annoncer à sa mère sur le mode d’une hymne latine la résurrection et les retrouvailles au Ciel, moment poignant où la fragilité et la fraîcheur d’une voix si verte vient donner une lueur d’espoir dans toute cette noirceur.


Magnifique aussi l’ensemble instrumental de sept musiciens dirigé par Alan Woodbridge, ayant chacun à la façon orientale un rôle de doublure musicale des personnages, et les Pèlerins, tous artistes du Chœur de l’Opéra de Lyon, unis pour célébrer une des partitions les plus élaborées de Britten et certainement une des plus originale du XXe siècle.


Ainsi se terminait ce triptyque britténien très réussi, une réussite de plus à l’actif de Serge Dorny. Il a annoncé pour la saison prochaine, sa douzième à la tête de l’Opéra de Lyon, un festival qui, en mars 2015, aura pour thème «Les Jardins mystérieux». Au programme Les Stigmatisés de Schreker, Orphée et Eurydice de Gluck et Le Jardin englouti du Néerlandais Van der Aa. Au programme de la saison 2014-1015, qui s’ouvrira en octobre avec Le Vaisseau fantôme mis en scène par Alex Ollé, figureront aussi Rusalka de Dvorak, Idoménée de Mozart (mise en scène de Martin Kusej), une rareté du répertoire allemand Roméo et Juliette de Boris Blacher, la reprise de la sulfureuse Carmen par Olivier Py, et un nouveau Pelléas et Mélisande mis en scène par Christophe Honoré. Le Ballet de l’Opéra de Lyon ouvrira sa saison dans le cadre de la Biennale de la Danse avec une pièce de Jiri Kylian : Haert’s Labyrinth, jamais reprise après sa création au Nederlands Dans Theater. Lors de sa conférence de presse dans le cadre du musée des tissus de Lyon qui présente une somptueuse exposition de costumes d’opéras des vingt dernières années (les saisons de l’Opéra de Lyon données dans le théâtre refait par Jean Nouvel) Serge Dorny a évoqué son faux départ pour Dresde où » il lui a fallu constater que ses valeurs artistiques n’étaient pas partagées par les responsables politiques et artistiques » au contraire de Lyon où les autorités de tutelle lui ont « confirmé leur confiance ». On ne peut donc que se réjouir de savoir Serge Dorny pour encore quelques années à la tête d’un établissement lyrique qu’il a amené au fil des saisons au premier rang national.



Olivier Brunel

 

 

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