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La réconciliation des contraires

Paris
Opéra Bastille
03/11/2014 -  et 14, 17, 20, 22, 25 29 mars, 1er, 6, 10, 13, 15 avril 2014
Wolfgang Amadeus Mozart : Die Zauberflöte, K. 620

Franz Josef Selig (Sarastro), Pavol Breslik (Tamino), Terje Stensvold (Sprecher), Michael Havlicek (Erster Priester), Dietmar Kerschbaum (Zweiter Priester), Sabine Devieilhe (Königin der Nacht), Julia Kleiter (Pamina), Eleonore Marguerre (Erste Dame), Louise Callinan (Zweite Dame), Wiebke Lehmkuhl (Dritte Dame), Daniel Schmutzhard (Papageno), Regula Mühlemann (Papagena), François Piolino (Monostatos), Solistes d’Aurelius Sängerknaben Calw (Drei Knaben), Eric Huchet (Erster geharnischter Mann), Wenwei Zhang (Zweiter geharnischter Mann)
Chœur de l’Opéra national de Paris, Patrick Marie Aubert (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan (direction musicale)
Robert Carsen (mise en scène, lumières), Michael Levine (décors), Petra Reinhardt (costumes), Peter Van Praet (lumières), Ian Burton (dramaturgie)


(© Opéra national de Paris/Agathe Poupeney)


Soirée en hommage à Gerard Mortier. Présentée il y a un an au festival de Pâques de Baden-Baden, cette Flûte enchantée aurait d’ailleurs été accueillie au Teatro Real de Madrid si Sir Simon Rattle et ses Berlinois n’avaient pas pesé trop lourd sur ses finances. A Paris, on la joue plus modeste, avec Philippe Jordan et l’Orchestre de l’Opéra.


Le spectacle, en tout cas, est beaucoup plus consensuel que la Flûte iconoclaste de la Ruhrtriennale par l’ancien directeur, source d’un mémorable scandale. Certes Robert Carsen, depuis son ancienne production aixoise, bouscule un peu nos habitudes : voici Sarastro à la tête d’une secte de fossoyeurs, allié à la Reine de la nuit pour mettre le jeune couple à l’épreuve, comme « nos parents nous préparent à la mort ». Sa nouvelle Flûte met d’abord en scène le jeu de la vie et de l’au-delà, avec une forêt printanière qui change de couleur au gré des saisons, ces tombeaux catacombes où se déroule l’initiation – gazon en haut, entourant la fosse, comme si l’orchestre était partie prenante, terre battue en bas. C’est la réconciliation des inséparables contraires : celle de la mort et de la vie, celle de l’apparence et de la réalité du bien et du mal. Et celle des êtres, à la fin, dans un vert paradis où chacun, vêtu de blanc, trouve sa place, jusqu’à la Reine de la nuit ou Monostatos. Rien de nouveau, au fond. Mais si tout cela est impeccablement réglé, léché même, on a connu le Canadien plus inspiré, plus stimulant : la machine Carsen fonctionne, mais elle est sans âme. On a beau s’amuser de quelques détails piquants, de Papagena en robe de mariée surgissant de son cercueil, comme venue de quelque Bal des vampires, de Papageno randonneur avec sac à dos et glacière de pique-nique, des enfants jouant au foot, l’ensemble manque à la fois de rythme et de magie, ne pétille guère, paraît parfois laborieux – surtout au premier acte. Le public, en tout cas, applaudit généreusement.


Il n’applaudit pas moins les chanteurs et le chef. Le plateau, en effet, ne trahit guère de faiblesse... même si les Dames se prennent au premier acte la voix dans le gazon. Déjà à Baden-Baden, Pavol Breslik incarne un Tamino à la fois mâle et juvénile, très stylé à défaut d’avoir toute l’aura du prince, bien assorti à la Pamina lumineuse mais jamais poupée de Julia Kleiter, aux aigus aussi souples que solides. On avait tort, après Lakmé, de craindre pour Sabine Devieilhe : même modeste, le médium se projette, l’aigu se darde avec agilité, la vocalise fuse, le contre-fa sonne juste, surtout dans le second air, et sa Reine, rien moins que rossignol, a de félines séductions. Franz Josef Selig, à l’inverse, possède les graves de bronze et la noblesse de Sarastro, peut-être plus père que prêtre porteur d’une vérité supérieure. On entend souvent des Papageno à la voix modeste : celle de Daniel Schmutzhard est bien timbrée, qui rappelle parfois de loin un Hermann Prey, oiseleur pas moins élégant que truculent, sans excès dans la gouaille, épris de la Papagena un rien trop légère pour Bastille de Regula Mühlemann. Autour d’eux, un beau plateau, du Monostatos d’excellente tenue de François Piolino au Récitant stylé de Terje Stensvold, jusqu’aux trois Enfants, parfaits.


La gouaille est sans doute ce qui manque à Philippe Jordan, par ailleurs très stimulé par le Singspiel mozartien. La direction prend le contre-pied d’une certaine tradition viennoise, refuse le conte de fées pour jouer pleinement la carte du théâtre, galvanisant un orchestre en pleine forme dont les bois régalent : un Mozart dru, alerte, moderne.



Didier van Moere

 

 

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