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A front renversé

Paris
Salle Pleyel
03/05/2014 -  et 6 mars 2014
George Gershwin : Cuban Overture
Charles Ives : Symphonie n° 4
George Antheil : A Jazz Symphony
Leonard Bernstein : Symphonic Dances from «West Side Story»

Romain Descharmes (piano)
Orchestre de Paris, Ingo Metzmacher (direction)


I. Metzmacher (© Harald Hoffmann)


On savait l’intérêt d’Ingo Metzmacher pour la musique du XXe siècle : n’a-t-il pas, à la tête de l’Orchestre de Paris, dirigé Britten, Ligeti et Manoury ? Mais ses horizons ne s’arrêtent pas à l’Europe, comme en témoigne son dernier concert, dédié tout entier à la musique américaine. L’Ouverture cubaine de Gershwin, pourtant, montre d’emblée un sens du swing assez relatif ; au-delà des rythmes et des couleurs typiques de l’île, on dirait qu’il cherche à rattacher la partition à la grande tradition occidentale – il est vrai que l’orchestre, aussi, la jouait pour la première fois. C’est précis, alerte, virtuose même, mais carré, jamais ébouriffant.


Cette tendance se confirme durant tout le concert : finalement, Metzmacher dirige un peu son programme à front renversé. Surtout quand on a en mémoire, pour la Quatrième Symphonie d’Ives, l’assureur musicien, les disques de Stokowski, Tilson Thomas ou Ozawa. Un inclassable monument, à la fois de la nébuleuse et geyser, où se croisent références à la tradition, chants religieux ou patriotiques, réalisme comique et aspirations transcendantalistes. Partition d’une extrême complexité, en partie chorale, difficile à doser, avec, dans le Prélude, des violons et une harpe jouant en dehors de la scène – en l’occurrence, au premier balcon. Assisté de Julien Masmondet, un des seconds de Paavo Järvi, et du bassoniste Lionel Bord, le chef allemand en propose la nouvelle édition de 2011. Il excelle à débrouiller l’écheveau, à fondre l’ensemble dans un flux continu sans jamais émousser des contrastes toujours à vif ou les effets sonores multiples. On sent de nouveau le chef de tradition allemande, tant tout est rigoureusement ordonné, au prix sans doute d’une certaine liberté, pour ramener à l’unité ce qui est, par essence, diversité, polyphonie de tout ordre – l’Allegretto de « Comedy » en perd du coup de son piquant. Et l’on perçoit des proximités, notamment avec Le Sacre du printemps pour les déchaînements rythmiques et percussifs, tandis que la Fugue du troisième mouvement semble annoncer Honegger.


Déjà soliste de la Symphonie, Romain Descharmes se taille la part du lion dans la brévissime – huit minutes environ - Jazz Symphony de George Antheil, très proche de Milhaud – une première à l’Orchestre de Paris. En 1925, il séjournait en effet à Paris et mettait ici autant de musique latino-américaine que de jazz à proprement parler. Est-ce l’œuvre, version révisée de 1955, es-ce le piano coruscant du soliste ? Le chef se libère davantage. Le bis décoiffe : le plus célèbre Ragtime de Scott Joplin, avec deux percussionnistes de l’orchestre. Que le concert s’achève sur les Danses symphoniques de West Side Story semble ensuite aller de soi. Le chef de fosse qu’est le directeur de l’Opéra de Hambourg en fait une narration continue, marquée d’une implacable urgence, allant très au-delà de la suite de danses. On pense de nouveau au Sacre, parfois à Mahler pour les passages lyriques, des musiques que le chef et compositeur Bernstein avait assimilées, mais qu’il dépassait en tant qu’Américain. Ici encore, Metzmacher dirige à front renversé, comme si la tradition européenne s’appropriait cette musique – il suffit de comparer avec les témoignages de Bernstein lui-même. Une fois de plus, certains verront là un hors-sujet, voire un effet – pervers ? - de la mondialisation musicale. Le programme a-t-il perdu son âme, joué de surcroît par un orchestre en excellente forme mais qui n’a pas ce répertoire dans ses veines ? Peut-être, mais c’est, paradoxalement, l’intérêt de ce concert : il nous montre que la musique américaine est devenue universelle. Et Metzmacher, comme nous le rappelle régulièrement son Ring genevois, a toujours quelque chose à nous dire.


Le site d’Ingo Metzmacher
Le site de Romain Descharmes



Didier van Moere

 

 

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