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Phénomène vocal

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
01/15/2014 -  et 7 (London), 12 (Oslo), 17 (Stockholm) janvier 2014
Gustav Mahler : Rückert-Lieder: «Ich atmet’ einen Linden Duft» & «Ich bin der Welt abhanden gekommen» – Des Knaben Wunderhorn: «Wo die schönen Trompeten blasen», «Es sungen drei Engel», «Das irdische Leben», «Urlicht», «Revelge» & «Der Tambourg’sell» – Kindertotenlieder: «Nun seh’ ich wohl» & «Wenn dein Mütterlein»
Dimitri Chostakovitch : Suite sur des poèmes de Michel-Ange, opus 145: «Le Matin», «Séparation», «La Nuit», «L’Immortalité», «Dante» & «La Mort»

Matthias Goerne (baryton), Leif Ove Andsnes (piano)


M. Goerne (© Marco Borggreve/Harmonia mundi)


Comme pour démentir nos propos au sujet de la banalité des programmes des récitals parisiens à propos d’un récent récital de Phillip Addis à l’Amphithéâtre Bastille, le Théâtre des Champs-Elysées affichait quelques jours après, non seulement deux artistes exceptionnels, le baryton allemand Matthias Goerne et le pianiste norvégien Leif Ove Andsnes, mais encore un programme alléchant et original de lieder de Mahler extraits de ses grands cycles et de mélodies extraites de la Suite sur des poèmes de Michel-Ange de Chostakovitch.

Programme sombre et austère et de plus curieusement agencé, les mélodies de Chostakovitch étant insérées entre les lieder de Mahler, souvent sans interruption. Curieux choix qui ne facilité la tâche ni aux artistes, surtout le chanteur qui doit adapter sa technique et son élocution à chaque changement, ni au public qui doit adapter son écoute (ni le russe, ni l’allemand n’étaient sous-titrés comme cela commence à se faire dans certains théâtres). Mais il force indéniablement l’écoute et fait remarquable à Paris, le public est resté d’une concentration et d’une qualité d’écoute inhabituelles pendant tout le concert qui a été, en dépit de la difficulté du programme, extrêmement ovationné. Les interprètes ne se sont exprimés ni par voie de programme ni d’interview sur ce choix de programme et sur son agencement.


Matthias Goerne est un récitaliste abouti autant qu’un phénomène vocal et on a, au fil des saisons, pu admirer ses soirées consacrées à Schumann, Schubert, Mahler et même Chostakovitch sans toujours goûter un penchant pour un certain expressionnisme dans l’interprétation. Cette tendance s’est récemment renforcée accompagnée d’une autre aussi dérangeante, celle de la gesticulation scénique qui consiste à chanter principalement penché vers le pianiste et éventuellement la partition, puis de se retourner violemment vers la queue du piano pour revenir aussi rapidement vers le pianiste. Cette pratique, funeste à Pleyel compte tenu de l’acoustique privant alternativement les deux moitiés de la salle du son direct, est moins gênante avenue Montaigne mais peut vraiment déconcentrer l’auditeur. Autre tendance allant en s’aggravant, un certain degré d’absence de communication avec le public, le baryton donnant l’impression de ne chanter que pour lui-même. Mais le phénomène vocal et l’intelligence du chant demeurent même s’ils s’érodent un peu au fil du temps, rendant les graves moins contrôlés et les aigus moins parfaits et l’art de la messa di voce moins évident.


L’art de la ligne de chant reste intact ainsi que la fabuleuse soufflerie qui ont fait de quelques lieder de Mahler, notamment «Ich bin der Welt abhanden gekommen» et «Wo die schönen Trompeten blasen» et d’une certaine façon «Urlicht», des moments uniques et inoubliables. D’autres comme «Revelge» et «Der Tambourg’sell», chantés avec un excès d’intentions et sans beaucoup de raffinement, nous ont paru insupportables. Question de goût certainement, les mélodies de Chostakovitch qui poussent plus à l’introspectif qu’à l’excès d’intention, étaient la part la plus réussie du programme. On eût certainement préféré deux parties distinctes pour mieux apprécier la beauté et l’atmosphère de ces sonnets de Michel-Ange. «An die Hoffnung» de Beethoven chanté comme bis n’était, après un tel programme, ni nécessaire, ni en situation et exposait brutalement les plaies vocales d’un chanteur qui n’en est plus à ses débuts.


Goerne a toujours su choisir des pianistes, plus partenaires qu’accompagnateurs. Brendel, Schiff, Anderszewski, Eschenbach ont précédé Andsnes dans ses choix. Le passé a prouvé qu’un grand soliste ne fait pas forcément un bon accompagnateur. Le seul cas de Dietrich Fischer-Dieskau est éloquent, dont on connaît quelques exemples parlants, ses Amours du poète pour un gala new-yorkais avec Horowitz, ses incursions avec Perahia, Barenboim et Brendel, qui, de loin, ne sont pas ses meilleurs Voyages d’hiver, tout comme les récitals avec Britten, Richter et Sawallisch faisant mine d’exception, et qui n’a trouvé la plénitude qu’avec ses accompagnateurs des deux extrémités de sa carrière, Gerald Moore et Aribert Reimann. Andsnes, magnifique récitaliste, s’est révélé un immense accompagnateur avec le mérite de jouer pour Mahler ce qui n’est que le squelette des partitions originales de ces cycles de lieder et de leur donner rythme, couleurs et vie sans jamais sombrer pour sa part dans le moindre excès. Ce tandem restera t-il celui d’un seul concert? L’avenir le dira... Celui de Matthias Goerne sur les scènes françaises sera une version scénique du Voyage d’hiver au prochain festival d’Aix-en-Provence dans une installation conçue par le plasticien sud-africain William Kentridge.


Le site de Matthias Goerne
Le site de Leif Ove Andsnes



Olivier Brunel

 

 

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