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Opéra (de mal) bouffe

Liège
Opéra royal de Wallonie
12/20/2013 -  et 21, 22, 26, 27, 28, 29*, 31 décembre 2013 (Liège), 5 janvier 2014 (Charleroi)
Jacques Offenbach: La Grande-Duchesse de Gérolstein
Alexise Yerna/Patricia Fernandez* (La Grande-Duchesse), Sébastien Droy (Fritz), Lionel Lhote (Boum), Sophie Junker (Wanda), Jean-Philippe Corre (Népomuc), Giovanni Iovino (Paul), Patrick Delcour (Puck), Roger Joakim (Redbul)
Chœurs de l’Opéra royal de Wallonie, Marcel Seminara (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Cyril Englebert (direction)
Stefano Mazzonis di Pralafera (mise en scène), Jean-Guy Lecat (décors), Jérôme Bourdin (costumes), Laurence Fanon (chorégraphie), Franco Marri (lumières)


(© Jacky Croisier)



L’idée séduit mais l’explication étonne. Stefano Mazzonis di Pralafera transpose La Grande-Duchesse de Gérolstein (1867) dans le milieu de la gastronomie : le prestigieux établissement de la duchesse se hisse à l’épreuve finale d’un concours culinaire retransmis à la télévision, «La Guerre des chefs» – c’est dans l’air du temps. L’affectation de chaque personnage change : Fritz devient plongeur, Boum chef des cuisines, Wanda femme d’ouvrage, Puck maître d’hôtel, Paul fils d’un grand producteur de champagne et Redbul (Grog dans le livret) négociant du père de Paul. Le directeur général et artistique de l’Opéra royal de Wallonie, qui reconnaît en toute honnêteté que le concept lui a été suggéré par la musicologue Maria Delogu, justifie la refonte de l’argument en indiquant que «les deux guerres mondiales» ont provoqué «tant de victimes», que «la guerre est devenue une tragédie» et que, «dans le contexte mondial de tension géopolitique, rire des conflits et de la guerre n’est donc plus possible de nos jours». Allons donc, comment faut-il alors mettre en scène La Fille du régiment ?


Le résultat convainc modérément : les jeux de mot, clins d’œil à l’esprit liégeois, ne volent pas toujours haut, la brigade s’anime tant bien que mal, le burlesque vire au grotesque mais le spectacle divertit, à condition de fermer les yeux sur la réécriture du livret de Meilhac et Halévy et de ne pas nourrir trop d’attentes. Susciter le rire sans tomber dans la vulgarité et le trivial nécessite, décidément, beaucoup de talent – le public de ce dimanche après-midi s’esclaffe d’ailleurs rarement. A la fin, des danseurs entament le French cancan d’Orphée aux enfers en levant haut les jambes puis un top model distribue des cornets de frites, cuites dans une baraque intitulée « Frites de Fritz », en remuant les seins – le spectacle se donne le soir du réveillon du 31 décembre. La projection, au début, d’une séquence vidéo mal fagotée, durant laquelle les Frères Taloche tentent péniblement d’amuser la salle, n’apporte rien de plus mais le décor, qui change à vue, épate plus que ceux de L’Enlèvement au sérail en octobre et de Roméo et Juliette en novembre.


Une autre distribution apporterait-elle davantage de piquant à ce plat trop fade ? Celle-ci, en tout cas, ne réunit que d’honnêtes chanteurs. Patricia Fernandez incarne une duchesse pas assez grande dame, insuffisamment haute en couleur, trop peu extravagante. La mezzo-soprano chante correctement et joue la comédie sans trébucher mais la voix, peu colorée, présente peu d’attraits – l’Opéra royal de Wallonie n’a sans doute pas les moyens d’engager une Stéphanie d’Oustrac. Le rôle de Fritz revient à Sébastien Droy, qui l’interprète avec toute la niaiserie requise, mais le ténor s’avère meilleur chanteur que comédien. La production permet de découvrir une jeune soprano belge dont il convient de retenir le nom : Sophie Junker possède une jolie voix, tresse le chant de bien belle manière et évolue en Wanda avec naturel. Lionel Lhote, comme d’habitude, ne déçoit pas et récolte la palme de la meilleure performance vocale. Cet excellent chanteur, qui prononce remarquablement le français, confère du caractère à Boum, chef colérique et orgueilleux, sans accentuer la caricature. Suffisamment drôles, Jean-Philippe Corre, Giovanni Iovino, Patrick Delcour et Roger Joakim endossent consciencieusement les rôles de Népomuc, Paul (qui a vaguement des airs de Jean-Paul Rouve dans Podium), Puck et Redbul. Préparés par Marcel Seminara, les chœurs manquent pour une fois de consistance et d’unité tandis que Cyril Englebert dirige sans grande imagination un orchestre raisonnablement vif mais moyennement précis. L’attention se porte toutefois moins sur la fosse que sur la scène bien que celle-ci ne parvienne pas toujours à captiver.



Sébastien Foucart

 

 

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