About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Minimalisme absolu et relatif

Paris
Palais Garnier
10/31/2013 -  et 1er*, 2, 4, 6, 7, 9, 10, 12, 14 novembre 2013
Saburo Teshigawara : Darkness is hiding black horses
Tim Wright, Akira Oishi : Eléments sonores
Daniel Burke/Illusion of Safety : Water Seeks Its Own Level: «Dissenting Voices»

Aurélie Dupont*/Jérémie Bélingard*/Nicolas Le Riche*/Marc Moreau
Saburo Teshigawara (chorégraphie, musique, scénographie, costumes et lumières)


Trisha Brown : Glacial Decoy
Caroline Bance*/Sévérine Westermann*/Christelle Granier*/Claire Gandolfi*/Gwenaëlle Vauthier*/Laurence Laffon/Caroline Robert/Letizia Galloni/Juliette Hilaire/Miho Fujii
Trisha Brown (chorégraphie), Robert Rauschenberg (photographies, scénographies et costumes), Beverly Emmons (lumières)


Jirí Kylián : Doux mensonges
Chant traditionnel grégorien
Carlo Gesualdo : Madrigaux: Livre VI, n° IV et XVII
Claudio Monteverdi : Madrigaux: Livres II et III (extraits)

Eve Grinsztajn*/Alessio Carbone*/Aurélia Bellet*/Alexandre Gasse*/Eleonora Abbagnato/Alice Renavand/Stéphane Bullion/Vincent Chaillet
Maud Gnidzaz, Hannah Morrison (sopranos), Lucile Richardot, Stéphanie Leclerq (contraltos), Sean Clayton, Marcio Soares Holanda (ténors), Lisandro Abadie, Julien Neyer (barytons-basses)
Les Arts Florissants, Paul Agnew (direction musicale)
Jirí Kylián (chorégraphie), Michael Simon (scénographie et lumières), Joke Visser (costumes)


Darkness is hiding black horses: A. Dupont, N. Le Riche
(© Agathe Poupeney/Opéra national de Paris)



Chaque automne depuis de nombreuses saisons, le Ballet de l’Opéra de Paris a rendez-vous avec la création – ou la recréation. Cette année est placée sous le signe du minimalisme, ainsi qu’en témoigne Saburo Teshigawara avec Darkness is hiding black horses. Un trio vêtu de treillis noirs et blancs – le masculin et le féminin, le yin et le yang – sur un plateau dénudé se contorsionne sur des éléments sonores épars, ponctués par des bruits de sabots lointains – d’où le titre. Ces chevaux noirs et lointains semblent comme l’écho d’un cauchemar qui peine à trouver mots et gestes pour le dire. Sans doute faut-il comprendre ainsi la déréliction soudaine qui s’empare parfois des protagonistes alors que l’atmosphère sonore demeure paisible. Certes, la redondance du geste par rapport à la musique a vécu; il n’en reste pas moins que le hiatus entre l’œil et l’oreille ne manque pas de surprendre, et ne peut que se raccrocher à un mince filet dramaturgique pour s’expliciter. Et si l’on peut admirer la performance des trois étoiles réunies – Nicolas Le Riche, Aurélie Dupont et Jérémie Bélingard – rien ne garantit que cette partition étrange et un peu décousue saura valablement se transmettre.



Glacial Decoy
(© Agathe Poupeney/Opéra national de Paris)



Le passage de témoin a en tous cas eu lieu pour Glacial Decoy, ballet dans le silence rythmé par le déroulement de diapositives représentant des objets abandonnés. Dans ce froid décor virtuel de cadavres du consumérisme, Trisha Brown sollicite de la part de ses danseurs les mêmes errances chorégraphiques, les mêmes impuissances des bras. Avec un léger mouvement oscillatoire, les solistes donnent l’impression de tenter de rentrer dans le cadre d’une hypothétique caméra, et quelques bougés permettent d’apercevoir les surnuméraires aux extrémités. Si à l’instar d’autres expériences minimalistes, telle celle de Cage avec le silence, Trisha Brown tente d’extraire de sa gangue sonore et musicale le geste chorégraphique, sa nudité le ramène ici davantage à sa vanité herméneutique qu’a sa quintessence pantomimique. Au fond, lorsque les objets et les lieux seront vidés de leur usage et de leur sens, ne restera probablement plus qu’une imitation sémiologique à laquelle on peut reconnaître une certaine beauté. Mais c’est celle d’une installation artistique dont la marge laissée aux interprètes se subordonne à l’effet global.



Doux Mensonges: A. Carbone, E. Grinsztajn
(© Agathe Poupeney/Opéra national de Paris)



Avec Doux mensonges de Jirí Kylián, cette soirée aux limites du genre chorégraphique se referme sur un authentique ouvrage de ballet. Sous un dais de tissu, deux couples sont baignés par des Madrigaux de Monteverdi et de Gesualdo – on peut admirer le travail de Paul Agnew avec les solistes du chœur des Arts Florissants, magnifiant les chromatismes de pages contrastant avec les homophonies grégoriennes. Puis, dans les soubassements du plateau, l’on découvre la violence masculine et la victime féminine: les doux mensonges sont ceux du discours amoureux et madrigalesques quand la nature humaine, tapie sous la scène galante, se révèle toujours prête à bondir dans un hors-champ souligné par des rugissements animaux. A l’harmonie de la musique, répond celle des corps qui se mêlent et contraste avec le vocabulaire plus rude de la gestuelle primitive. Dans ce ballet désormais inscrit, à juste titre, au répertoire, le chorégraphe tchèque réussit une admirable traduction du concept dans la grammaire du ballet, dans une non moins remarquable synthèse de la tradition et de la modernité. On retiendra particulièrement le duo Grinsztajn-Carbone, exemplaire dans l’archétype voulu par une page qui sait porter les interprètes – un signe de classicisme et d’intemporalité.



Gilles Charlassier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com