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Nouveau triomphe pour Patrizia Ciofi à l’Opéra de Marseille

Marseille
Opéra municipal
10/31/2013 -  et 3*, 5, 8 novembre 2013
Vincenzo Bellini : La straniera

Patrizia Ciofi (Alaïde), Jean-Pierre Furlan (Arturo), Karine Deshayes (Isoletta), Ludovic Tézier (Valdeburgo), Nicolas Courjal (Le Prieur, Montelino), Marc Larcher (Osburgo)
Chœur de l’Opéra de Marseille, Pierre Iodice (chef de chœur), Orchestre philharmonique de Marseille, Paolo Arrivabeni (direction)


L. Tézier, P. Ciofi (© Christian Dresse)


Ouvrage de transition entre les essais de jeunesse et les chefs-d’œuvre de la maturité, La straniera, créée à la Scala en février 1829, seize mois après Le Pirate et deux ans avant La Somnambule, apparaît comme un jalon essentiel dans la carrière de Bellini. A la recherche de nouvelles formes d’expression dramatique, le compositeur sicilien s’abandonne à la sensibilité romantique qui, en l’espace de dix ans, envahira le théâtre lyrique italien, éclairant son moteur principal – l’amour –, d’une lumière tout droit sortie de la Sehnsucht allemande. L’exaltation des sentiments ne se conçoit jamais ici sans une référence explicite à la nature, authentique protagoniste de l’intrigue, comme elle pouvait l’être, dix ans plus tôt, dans La Dame du lac de Rossini.


Si La straniera n’est pas l’un des opéras les plus représentés de son auteur, ce n’est pas – comme on serait tenté de le croire – en raison d’une quelconque faiblesse musicale, mais au contraire en raison des surprenantes hardiesses d’une écriture expérimentale, et donc de la difficulté de réunir les interprètes adéquats pour faire face à cette redoutable partition. Il faut y ajouter les incohérences d’un livret (signé par Felice Romani) parmi les plus tarabiscotés du répertoire lyrique. Celui-ci est emprunté au roman du vicomte d’Arlincourt, publié en 1825, que Stendhal jugeait «exécrable» et Sainte-Beuve «déplorable». On frôle en effet le ridicule à tout instant dans cette histoire de recluse suscitant tous les égarements de la passion, mêlant déclarations éperdues, faux rival, faux meurtre et prières désespérées avant le lever de voile sur son identité: celle d’Alaïde/Agnès, épouse légitime de Philippe Auguste et donc reine de France un moment exilée de la cour!


Grande habituée de la maison provençale – on se souvient de ses magistrales interprétations in loco de Lucia en 2007, Ophélie en 2010, ou encore Juliette la saison passée – Patrizia Ciofi récolte un juste triomphe dans le rôle-titre. La soprano italienne livre une nouvelle fois une formidable démonstration de technique et de style, en se jouant de toutes les difficultés de sa partie, avec un chant immaculé et des accents aussi convaincants dans la plainte que dans les élans dramatiques. Son air de déploration final, le magnifique «Or sei pago», a littéralement enflammé le public marseillais, qui a lui fait une fête à tout rompre au moment des saluts.


Dans le rôle d’Arturo, Jean-Pierre Furlan nous paraît hors propos dans ce répertoire (n’y avait-t-il vraiment personne d’autre de disponible?), le ténor français étant un habitué de rôles «lourds» tels que Samson (rôle qu’il a chanté ici-même en 2010), Cavaradossi ou Radamès. Bien avare de nuances et de couleurs, handicapé par une émission laryngée, son chant est la plupart du temps émis en force – d’un éclat tout «mascagnien» – qui enlève toute grâce au personnage. Dommage.


Quant au reste de la distribution, c’est la fine fleur du chant français (mais excellant aussi dans le répertoire italien) qu’on peut entendre en cette matinée. Comme à son habitude, la mezzo Karine Deshayes (Isoletta) offre une irréprochable tenue vocale, et subjugue tout à la fois dans le chant orné et dans l’éloquence dramatique: elle reçoit des applaudissements frénétiques après son superbe air «Ah! se non m’ama più». Le grand Ludovic Tézier enthousiasme tout autant: noblesse du phrasé, envoûtement du timbre, splendeur de l’émission, intensité et expressivité du chant, on ne sait qu’admirer le plus chez le baryton français. De son côté, la basse Nicolas Courjal, dans les rôles de Montolino et du Prieur, nous gratifie de son beau legato, de l’autorité de son timbre et de son style parfait. Enfin, malgré quelques légers problèmes de justesse et d’intonation, le jeune ténor Marc Larcher séduit grâce à son timbre clair et bien projeté.


Avec une direction toute en énergie qui favorise davantage l’éclat que la qualité des timbres, le chef italien Paolo Arrivabeni parvient, à la tête d’un Orchestre et d’un Chœur de l’Opéra de Marseille particulièrement investis, à une belle cohérence au service de la dramaturgie.


On ne peut que saluer l’initiative de l’Opéra de Marseille qui a fait preuve d’audace et d’originalité en inscrivant ce titre au programme de sa saison.



Emmanuel Andrieu

 

 

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