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Don Quichotte et Emilie

Strasbourg
Palais de la Musique et des Congrès
10/10/2013 -  et 11 octobre 2013
Luciano Berio : Quattro versioni originali della Ritirata Notturna di Madrid di L. Boccherini
Kaija Saariaho : Emilie Suite
Richard Strauss : Don Quixote, opus 35

Solveig Kringelborn (soprano), Jian Wang (violoncelle), Harold Hirtz (alto)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja (direction)


J. Wang


Beaucoup plus de Boccherini que de Berio dans ces Quattro versioni originali della Ritirata Notturna di Madrid di L. Boccherini. Le compositeur d’Un re in ascolto s’est contenté de s’emparer de quatre versions instrumentales différentes du même mouvement de quintette, toutes de la main de Boccherini, et de les ré-orchestrer ensemble. Un peu de percussions pour épicer le tout, voire quelques trouvailles de timbres à déguster comme un petit supplément de croquant dans un plat gastronomique, et voilà le travail. Une œuvre courte, au demeurant délicieuse, commandée par l’Orchestre de la Scala en vue d’ouvrir un concert en 1975, et que Marko Letonja et l’Orchestre philharmonique de Strasbourg proposent comme un amuse-bouche parfaitement réussi. Cette partition de pas même dix minutes, crescendo-decrescendo, passage de la garde nocturne madrilène avant le couvre-feu, est certes ravissante. Cela dit il est regrettable que tant de ces jolis bibelots signés Berio (Rendering est aussi du lot) soient aujourd’hui davantage joués que des partitions du compositeur autrement essentielles.


Mais il fallait bien une sorte de mise en condition sonore, avant les demi-teintes de l’œuvre suivante. Moment d’échauffement que Marko Letonja a souhaité compléter par un petit exposé didactique, dans un sympathique mélange de français encore indocile, d’allemand et d’anglais. Avec quelques exemples orchestraux choisis à l’appui, les enjeux de l’Emilie Suite de Kaija Saariaho sont brièvement exposés : notes pivots, figurations métaphoriques du temps qui passe, quelques aperçus historiques aussi sur le personnage d’Emilie du Châtelet, maîtresse de Voltaire, femme de lettres et de science, dont l’évocation occupe une place centrale dans cette œuvre. De quoi donner quelques clés au public pour découvrir une musique qui néanmoins, en l’absence de visualisation scénique, reste d’accessibilité nébuleuse. Initialement écrit pour la scène, créé par Karita Mattila à l’Opéra de Lyon en 2010, ce monodrame pour voix soliste et orchestre, possédait vraisemblablement plus d’impact dans une version scénique avec dramaturgie, décors et éclairages... autant d’ingrédients susceptibles d’améliorer l’acceptabilité d’une partition d’une heure vingt de durée. Même en ne retenant de l’original que 35 minutes, l’Emilie Suite peine à intéresser durablement au concert, et a fortiori quand elle est chantée dans un sabir incompréhensible (Solveig Kringelborn prend le relais d’Elisabeth Futral, créatrice de cette Emilie Suite à New York, et hormis quelques mots isolés perceptibles ici ou là le français ne semble décidément pas dans ses cordes). Avec ses jeux d’intervalles empilés, ses couleurs moirées qui bavent savamment les unes sur les autres et ses tricotages périodiques de clavecin la musique de Kaija Saariaho ne passionne ni ne dérange vraiment mais peine en tout cas à donner à tout cela un semblant d’armature, dès lors que ni images scéniques ni même texte linéairement perceptibles ne sont présents.


Un chef-d’œuvre toujours aussi jeune en seconde partie : le merveilleux Don Quixote de Richard Strauss, grand moment de narrativité symphonique que Marko Letonja détaille avec beaucoup de précision. On ressent là une volonté de rendre justice à la partition en y laissant un minimum de zones d’ombre et en sollicitant la technicité des musiciens à un niveau d’excellence dont ils ont un peu perdu l’habitude. Phalange convalescente encore, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg s’en tire avec les honneurs, même si du coup une certain liberté straussienne, gage de fluidité et d’hédonisme des phrases, fait un peu défaut. Trompettes, trombones, hautbois, clarinette, cors (un peu moins), le superbe alto de Harold Hirtz... voilà en tout cas largement de quoi retirer beaucoup de plaisir d’une telle exécution. Quant au violoncelle personnifiant le personnage principal, on a davantage l’habitude à Strasbourg qu’il soit issu des rangs de l’orchestre plutôt que de voir arriver un soliste invité. Ces variations chevaleresques ne sont pas un concerto, et apercevoir de temps le soliste se démener à jouer avec les violoncelles à l’unisson alors qu’il est isolé à l’avant sur son petit podium donne une impression curieuse. Cela dit le violoncelliste chinois Jian Wang dépense des trésors d’énergie à faire exister son personnage, avec une remarquable puissance de jeu mais aussi un vibrato systématiquement généreux, qu’il gagnerait peut-être à distribuer de façon plus économe.



Laurent Barthel

 

 

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