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C’est parti !

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
10/17/2013 -  
Joseph Haydn : Symphonie n° 96 en ré majeur, « Le Miracle »
Maurice Ravel : Concerto en sol majeur
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie n° 1 en sol mineur, opus 13, «Rêves d’hiver»

Jean-Yves Thibaudet (piano)
Orchestre national de France, Daniele Gatti (direction)


J.-Y. Thibaudet (© Eric Dahan/Intenser)


Après une intégrale des Symphonies de Mahler, de Brahms et de Beethoven, Daniele Gatti et l’Orchestre national de France se lancent, cette saison, dans une intégrale Tchaïkovski. Vaste entreprise que ce cycle qui a, en vérité, débuté il y a trois semaines avec l’Ouverture-Fantaisie Roméo et Juliette! Heureuse entreprise également qui permettra aux spectateurs d’entendre notamment les trois premières symphonies qui, malheureusement, ne sont presque jamais données au concert.


Pourtant, en attendant ce plaisir particulier, c’est par une réelle déconvenue que commença le concert de ce soir devant un public du Théâtre des Champs-Elysées particulièrement bruyant (on ne comptait plus les toux, raclements de gorge divers et variés, les strapontins se repliant inopportunément ou les programmes et autres objets tombant plus ou moins discrètement sur le parquet du théâtre...). Alors que les symphonies de Haydn demandent légèreté et (pour la plupart d’entre elles) ironie, l’interprétation que donne Daniele Gatti de la Quatre-vingt-seizième se caractérise par une surprenante pesanteur. En dépit d’une grande finesse des cordes, le premier mouvement a tendance à rapidement s’enliser; tel n’est pas le cas, en revanche, de l’Andante, joué certes à bonne allure mais qui souffre de tutti forte pris avec trop d’emphase, soulignant ainsi, sans doute involontairement d’ailleurs, la parenté entre les symphonies de maturité de Beethoven (on pense à l’Allegretto de la Septième) et celles de «Papa Haydn». Outre la lourdeur, c’est par un hautbois presque trop élégant (magnifiquement tenu par Nora Cismondi) que se caractérise le troisième mouvement, le dernier mouvement manquant pour sa part d’exubérance bien que pris, là aussi, avec une certaine vivacité. Certes, Haydn ne fait pas figure de pain quotidien pour le National mais Riccardo Muti s’est avéré autrement convaincant par le passé en dirigeant aussi bien la version pour orchestre à cordes des Sept dernières paroles du Christ le 23 janvier 2003 que les Trente-neuvième et Quatre-vingt-neuvième Symphonies le 13 mars 2008.


Changement de décor pour le Concerto en sol de Ravel. Voici donc, après le Concerto pour la main gauche donné la veille salle Pleyel par Jean-Frédéric Neuburger, le second concerto que Ravel a dédié au piano. Vêtu comme un dandy anglais de la fin du XIXe siècle, Jean-Yves Thibaudet arrive rapidement sur scène et se lance dans le premier mouvement (Allegramente) avec une ferveur à laquelle répond parfaitement la direction millimétrée de Daniele Gatti. Dès l’entrée du piccolo, l’effervescence gagne le Théâtre: les mains de Thibaudet s’amusent, l’orchestre est frivole (les clarinettes et la trompette en particulier), les accents renvoient à Gershwin et au jazz de manière générale. Sans effet superflu, sans aucune artificialité, Thibaudet livre là une interprétation impressionnante, tout en finesse, témoignant d’une longue pratique de cette partition qu’il a notamment donnée sous la direction de Charles Dutoit en septembre 2011 et de Yannick Nézet-Séguin en février dernier. Quel mouvement lent également! La lente introduction du piano offre ensuite un tapis idéal pour les interventions lyriques des bois, puis de l’Orchestre tout entier, qui culmine dans un dialogue d’une infinie beauté avec le cor anglais superlatif de Laurent Decker. Retour ensuite à la frénésie jubilatoire – le trombone, la clarinette en mi bémol! – avec un Presto conclusif dont la fin éclate véritablement et libère ainsi un public en délire. En bis, Jean-Yves Thibaudet donne la Pavane pour une infante défunte, comme il le fit d’ailleurs après avoir donné ce même concerto sous la direction de Bernard Haitink en novembre 2012 à Lucerne. Là encore, on est totalement admiratif à l’égard de cette apaisante délicatesse: magnifique moment.


La seconde partie du concert était donc tout entière consacrée à la trop rarement jouée Première Symphonie (1866-1874) de Tchaïkovski. Dès l’introduction, les trémolos des cordes sont idoines, offrant à la flûte solo un tapis sonore qui nous plonge d’emblée dans l’imaginaire des paysages enneigés de la lointaine Russie, répondant ainsi parfaitement au surnom de Rêves d’hiver que le compositeur lui a lui-même donné. Prenant le premier mouvement avec une légère retenue (il est vrai marqué Allegro tranquillo), Daniele Gatti conduit un orchestre dont les vents sont en grande forme et instillent des couleurs chatoyantes. Mais c’est certainement dans le deuxième mouvement (Andante cantabile ma non tanto), le plus beau à notre sens, que Gatti séduit et évite les écueils qui font de la musique de Tchaïkovski quelque chose de boursoufflé ou de sirupeux. Les cordes font preuve d’une belle cohésion mais, surtout, se passent les thèmes les unes aux autres avec une fluidité et une ampleur qui s’avèrent chatoyantes sans jamais être pleurnichardes. Au sein des bois, Nora Cismondi (décidément...) illumine ce mouvement par sa seule entrée, comme le hautbois peut également le faire dans le dernier mouvement de la Troisième Symphonie de Mahler, changeant par un seul son, tout simple, le climat de l’ensemble tout entier, la flûte puis les cors lui répondant avec une parfaite justesse caractérisée par une noblesse mélancolique. Après un très beau troisième mouvement, Gatti conclut la symphonie de façon moins convaincante, l’orchestre souffrant à deux ou trois reprises d’une légère baisse de tension mais il est vrai que c’est certainement le mouvement le moins réussi faute d’idée conductrice claire de la part du compositeur.


Pour autant, on ne peut que saluer le travail réalisé qui inaugure ainsi un cycle plus que prometteur. Rendez-vous désormais dès le 24 octobre pour les Deuxième et Troisième Symphonies!


Le site de Jean-Yves Thibaudet



Sébastien Gauthier

 

 

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