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Le choc

Zurich
Opernhaus
09/22/2013 -  et 26 septembre, 4*, 8, 15, 19, 26 octobre 2013
Bernd Alois Zimmermann : Die Soldaten
Pavel Daniluk (Wesener), Susanne Elmark (Marie), Julia Riley (Charlotte), Cornelia Kallisch (Weseners alte Mutter), Michael Kraus (Stolzius), Hanna Schwarz (Stolzius’ Mutter), Reinhard Mayr (Obrist), Peter Hoare (Desportes), Michael Laurenz (Pirzel), Cheyne Davidson (Eisenhardt), Yuriy Tsiple (Haudy), Oliver Widmer (Mary), Sunnyboy Dladla (1. junger Offizier), William Lombardi (2. junger Offizier), Carlos Nogueira (3. junger Offizier), Noëmi Nadelmann (Gräfin de la Roche), Dmitry Ivanchey (Junger Graf), Beate Vollack (Andalusierin / Madame Roux), Karl-Heinz Waidele, Benjamin Mathis, Gerhard Nennemann (3 Hauptleute), Elias Reichert (Betrunkener Offizier), Wolfram Schneider-Lastin (Bedienter der Gräfin), Benjamin Mathis (Junger Fähnrich)
Philharmonia Zürich, Marc Albrecht (direction musicale)
Calixto Bieito (mise en scène), Rebecca Ringst (décors), Ingo Krügler (costumes), Franck Evin (lumières), Sarah Derendinger (vidéos), Beate Vollack (chorégraphie), Beate Breidenbach (dramaturgie)


(© Monika Rittershaus)


Une gifle, un coup de poing dans le ventre. Près de 50 ans après la création de l’œuvre à Cologne, Les Soldats de Bernd Alois Zimmermann restent une partition choc, à la limite du supportable, qui n’a absolument rien perdu de sa force de frappe ni de sa violence. La face la plus abjecte de l’être humain, ses instincts les plus bas et sa bestialité sont condensés dans une musique qui prend aux tripes. La partie musicale de l’ouvrage est un défi pour tout théâtre lyrique. La fosse de l’Opernhaus de Zurich étant beaucoup trop petite pour accueillir la centaine d’instrumentistes requis, ces derniers – dont une imposante section de percussions – trouvent place sur une structure métallique à plusieurs niveaux installée sur le plateau. Les chanteurs évoluent sur le devant de la scène. Quatre écrans vidéo projettent des détails de la production, notamment des gros plans des visages des interprètes. Un spectacle total.


Les musiciens portent des tenues de combat, une casquette vissée sur la tête. Leurs instruments sont des armes, dégainées pour un patchwork musical qui va des cantates de Bach aux sonorités jazzy en passant par la comédie musicale et la musique électronique, sans oublier les passages qui ne sont pas sans rappeler Wozzeck ou Lulu. Au départ, Bernd Alois Zimmermann avait prévu sept (!) chefs pour diriger sa partition, mais le compositeur a été contraint de revoir sa copie, les commanditaires de l’ouvrage, Günter Wand et Wolfgang Sawallisch, alors responsables de l’Opéra de Cologne, l’ayant jugée injouable. A Zurich, Marc Albrecht (dont le père, Gerd Albrecht, soit dit en passant, avait dirigé la première reprise de l’œuvre à Kassel en 1968) maîtrise avec une incroyable précision les structures rythmiques complexes de Zimmermann, contrôlant dans le moindre détail cet immense maelström sonore. Même dans les moments les plus paroxystiques, le chef s’attache davantage aux couleurs et à la rondeur du son qu’aux décibels. Et d’ailleurs, c’est lui et les musiciens qui, à l’applaudimètre final, remportent la palme.


Les lignes vocales écrites par Zimmermann sont pour la plupart hypertendues, souvent déclamées, avec une scansion très particulière qui les rendent quelque peu artificielles, imposant ainsi une certaine distance. Magnifique jeune femme blonde aux yeux d’un bleu intense, Susanne Elmark incarne une Marie terriblement émouvante, d’une naïveté d’enfant. Chaque étape de sa descente aux enfers est clairement dessinée. Adolescente de bonne famille à la féminité exacerbée, l’héroïne veut utiliser cette arme pour grimper dans la hiérarchie sociale, mais chaque nouvelle étape la fera dégringoler jusqu’au cataclysme final, où, devenue une prostituée pour soldats, elle ne sera même plus reconnue par son propre père. On retient aussi la comtesse glaçante et violente de Noëmi Nadelmann, une incarnation qui fait froid dans le dos, la grand-mère touchante et désabusée de Cornelia Kallisch, la Charlotte hystérique de Julia Riley ou encore le Stolzius hébété de Michael Kraus.


Connu pour ses excès, Calixto Bieito signe, pour son premier spectacle à Zurich, une mise en scène plutôt sage. Certes, le sang coule abondamment, la violence physique est souvent de mise, sans ménagements, comme dans la scène où les soldats torturent un prisonnier, et le viol de Marie est bien plus que seulement suggéré, mais, en fin de compte, rien ne paraît aussi noir et désespéré que la brutalité et l’obscénité de la musique. Un choc, on l’a dit. Certains spectateurs n’ont pas tenu le coup et ont préféré quitter le théâtre à l’entracte. On ressort de la représentation différent, comme transformé. A coup sûr, une production qui fera date dans l’histoire de l’Opernhaus.



Claudio Poloni

 

 

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