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La magie Abbado Lucerne Centre de la Culture et des Congrès 08/23/2013 - et 24, 26 août 2013 Franz Schubert : Symphonie n° 8 en si mineur « Inachevée », D. 759
Anton Bruckner : Symphonie n° 9 en ré mineur Lucerne Festival Orchestra, Claudio Abbado (direction musicale) (© Georg Anderhub)
Août 2003. Le Festival de Lucerne annonce la création de son propre orchestre, redonnant vie ainsi à l’ensemble fondé par Toscanini en 1938. Coup de maître : la direction en est confiée à Claudio Abbado, qui vient de quitter Berlin. Le maestro réussit à convaincre de nombreux solistes renommés parmi ses amis musiciens (Kolja Blacher, Natalia Gutman, Emmanuel Pahud, Sabine Meyer, Renaud Capuçon ou encore le Quatuor Hagen) de venir le rejoindre pour étoffer les rangs du Mahler Chamber Orchestra, qui sera l’ossature de la nouvelle phalange. Tous n’ont qu’une envie : faire de la musique ensemble, sous la baguette de l’illustre chef. C’est ainsi que naît l’une des plus belles aventures symphoniques de ces dernières années. Le résultat dépasse toutes les espérances : le premier concert est un triomphe (au programme notamment La Mer de Debussy), comme d’ailleurs tous ceux qui suivront. On parle alors de la « magie » Abbado.
Août 2013. Dix ans plus tard, la magie opère toujours. Même si, entretemps, l’orchestre a perdu ses musiciens les plus célèbres, chacun des concerts lucernois de Claudio Abbado, qui vient de fêter ses 80 ans, est un événement, nimbé de surcroît d’une aura de mysticisme. Un peu comme s’il s’agissait d’une grand-messe, à laquelle musiciens et spectateurs viennent communier. Le rituel est immuable : le chef est ovationné à son arrivée sur scène, un long silence s’installe lorsque retentit le dernier accord, comme si le temps s’arrêtait quelques secondes, avant l’explosion finale d’applaudissements frénétiques, qui se terminent par une ovation debout. Année après année, le maestro se fait plus économe dans ses gestes, un modèle de sobriété et d’élégance. Et il dirige toujours par cœur.
Est-ce la maladie qui a failli l’emporter au début des années 2000, est-ce l’âge ou l’expérience ? Quoi qu’il en soit, les interprétations de Claudio Abbado se font chaque année plus apaisées, plus aériennes et légères, plus sobres et épurées. Comme cette Neuvième Symphonie de Bruckner (inachevée, comme la Huitième de Schubert qui a ouvert le concert), débarrassée ici de tout poids, de toute grandiloquence et de toute emphase, bref un Bruckner très latin en fin de compte, mais qui n’en perd pas pour autant son fil conducteur ni son énergie et sa force, avec de brusques changements de climat particulièrement saisissants. La « magie » Abbado... Il n’empêche, Bruckner continue d’effrayer une partie du public. Pour preuve : le concert n’affichait pas complet, fait rarissime à Lucerne lorsque le chef italien est sur le podium.
Le festival célèbre cette année ses 75 ans. La manifestation voit défiler été après été les orchestres symphoniques les plus réputés, dirigés par les plus grands chefs. Anniversaire oblige, l’affiche 2013 comprend exceptionnellement le Ring de Wagner, en version concertante, sous la baguette de Jonathan Nott. Pour le reste, les concerts phares sont ceux de Claudio Abbado biens sûr, mais on attend aussi avec impatience Simon Rattle et le Philharmonique de Berlin, Christian Thielemann et la Staatskapelle de Dresde, Daniele Gatti et le Concertgebouw d’Amsterdam, Lorin Maazel et la Philharmonie de Vienne ou encore Esa-Pekka Salonen et le Philharmonia.
Claudio Poloni
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