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Sublime Nativité

Paris
Théâtre du Châtelet
12/15/2000 -  et 17, 19, 20, 22, 23 décembre 2000
John Adams : El Nino
Dawn Upshaw (soprano), Lorraine Hunt Lieberson (mezzo-soprano), Willard White (baryton)
Theater of Voices : Daniel Bubeck, Brian Cummings, Steven Rickards (contre-ténors)
London Voices, Maîtrise de Paris, Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, Kent Nagano (direction)
Peter Sellars (mise en scène)


Ne ressortons pas l’affirmation bien connue d’André Malraux (« Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas ») mais quand même, à quelque jours de ce nouveau siècle, El Nino propose une réflexion magistrale sur le sacré en nous contant cet événement qu’est la Nativité et en tentant de nous montrer le sens qu’il peut encore garder aujourd’hui. Réunissant des textes fondateurs (King James Bible, Sermon de Noël de Luther, Hildegard von Bingen) et actuels (des auteurs hispaniques contemporains), John Adams propose, en création mondiale au Châtelet, un oratorio/opéra qui fera date par le choix et le traitement de son sujet autant que par sa qualité musicale.


La musique du compositeur américain possède à la fois une dimension objective, par son aspect répétitif, mécanique, et en même temps une sensibilité qui nous touche directement. Elle obéit à un développement qui semble purement interne et construit de façon froide et, dans le même temps, elle ne cesse de s’adresser à notre émotion. On pense ici à Bach ou au Stravinsky néoclassique. Il faut dire que le répétitif apparaît ici en filigrane, comme squelette, comme formule de base et non comme expression musicale en soi ou revendication. John Adams ne se repose pas sur un procédé mais utilise un outil, un processus fécondant.


L’orchestration de El Nino évoque par moment Stravinsky par sa manière d’utiliser la dimension percussive des cordes ou Ligeti par ses climax tendant vers des clusters. Mais elle est surtout profondément personnelle et fait preuve d’une variété d’expressions dans la respiration, la couleur, la mélodie et l’intensité qui la rend absolument captivante durant les deux heures que dure ce spectacle.


La richesse du dispositif musical lui permet en outre de varier les effets et les perspectives puisqu’il convoque un grand orchestre symphonique (auquel il adjoint guitares, pianos, célestas et samplers), un chœur, une maîtrise, trois voix « classiques » (soprano, mezzo et baryton) alternant les rôles et trois contre-ténors. La réussite musicale est complète, alternant solos, duos et scènes chorales. Les interprètes atteignent tous l’excellence et l’on se souviendra longtemps du ton impérial de Joseph (Williard White) prenant conscience que Dieu a parlé, de l’angoisse de Marie (Lorraine Hunt) devant la découverte qu’elle porte un enfant ou de la félicité de Marie (Dawn Upshaw cette fois) lorsqu’elle se rend compte de son origine divine. Les trois contre-ténors, personnifiant anges, bergers ou rois mages apportent une touche très Flûte enchantée à l’ensemble. Les London Voices, auxquels la partition accorde une place importante, brillent par la qualité de leurs interventions et Kent Nagano conduit l’orchestre et le plateau avec assurance et maîtrise.


Commandé et coproduit, outre le Châtelet, par des salles de concert (le Barbican de Londres et le Lincoln Center de New York), le dispositif scénique ne pouvait qu’être des plus simples et Peter Sellars a choisi, pour habiller la scène, de projeter, durant tout le spectacle, un film avec des bribes de danses dans le désert, une femme se contorsionnant dans un appartement, un couple d’hispaniques vivant aux Etats-Unis et ayant un enfant (bien sûr !). Reliant les textes immémoriaux et poétiques à des images d’aujourd’hui, ce film montre toute l’actualité de ces paroles, même si cela ne fonctionne pas toujours de façon très limpide. Sur scène, les mouvements de danseurs répondent par moments en écho au film tandis que ceux des chanteurs et des chœurs restent des plus classiques.


Prolongeant la fin heureuse, et dans laquelle intervient la maîtrise, on ressort enchanté de ce spectacle qui saura toucher, par le texte et la musique, tous les hommes et toutes les femmes.


Le site officiel de John Adams




Philippe Herlin

 

 

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