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Aux valeureux artistes

Oviedo
Cloître du Musée archéologique
08/06/2013 -  
Franz Schubert : Impromptu en sol bémol majeur, D. 899 n° 3
Luis Vázquez del Fresno : Encants de la terreta, opus 15 – Audiogramas II, opus 6
Frédéric Chopin : Fantaisie en fa mineur, opus 49
Isaac Albéniz : Suite espanola, opus 47 : «Asturias», «Sevilla» et «Castilla»

Luis Vázquez del Fresno (piano)


L. Vázquez del Fresno


La présente chronique est dédiée à tous les artistes contraints de jouer dans des conditions lamentables et singulièrement à ceux qui, sans doute pris pour des valets par les organisateurs du festival d’été d’Oviedo, doivent se produire cette année dans le beau cloître plateresque du Musée archéologique. Dix des dix-sept concerts de cette année y sont organisés sans aucune sensibilité musicale puisque le lieu est à l’évidence parfaitement inadapté à toute représentation musicale: les instrumentistes sont relégués dans un coin, à peine surélevés, et le public, réparti dans les couloirs, n’a aucune visibilité et, de surcroît, pour entendre quelque chose, bénéficie d’une sonorisation noyant tous les sons sous les croisées d’ogives des voûtes de pierre blonde. Luis Vázquez del Fresno (né en 1948), pianiste local renommé, formé à Oviedo, Madrid et Paris (par Monique Haas, qui l’initia au monde de Claude Debussy), à la tâche ce mardi 6 août, reconnaissait, à mots couverts, dans le quotidien La Nueva Espana du jour, que le lieu n’était pas idéal, alors que la ville dispose de salles parfaites, mais rien n’y fit.


Il débuta ainsi par un Impromptu (1827) de Franz Schubert (1797-1828), à peine dérangé par des paparazzi et le cliquetis de leurs appareils photo et le chant d’un insupportable pinson logé dans le seul arbuste du cloître. Sa lecture, affectée par quelques imprécisions et des problèmes de tempo récurrents, fut aussi sobre qu’ennuyeuse et il fallut attendre les pièces composées par Vázquez del Fresno lui-même pour éveiller l’attention. La première pièce (1979), inspirée de thèmes populaires d’Alicante, marquée par des alternances de passages proches de l’écriture de Messiaen et d’autres situées entre Debussy et Albéniz, tirant vers Scriabine, était effectivement fort intéressante. Et les trois mouvements des Audiogramas II, composée antérieurement, à Paris en 1971, s’inscrivaient dans la même filiation, quoique l’écriture en fût plus audacieuse. Après une sorte de toccata virtuose, l’intermezzo fut cependant noyé par le brouillard sonore dû aux lieux et à leur sonorisation, laquelle se révéla impitoyable avec les graves, assassinant sur le champ toutes les harmoniques. La dernière pièce du recueil, mystérieuse voire énigmatique, pâtit heureusement moins de ses conditions d’exécution. Celles-ci furent en revanche rédhibitoires pour la Fantaisie (1842) de Frédéric Chopin (1810-1849) déjà plombée par un discours haché, sans inspiration, et quelques imprécisions, les aigus étant de surcroît trop souvent claqués.


Les trois extraits de la Suite espagnole, de 1886 et 1889, d’Isaac Albéniz (1860-1909) rattrapèrent nettement ces fâcheuses impressions. «Asturias (leyenda)» fut exemplaire, subtil et nuancé, notamment dans le passage central où les arabesques orientalisantes évoquent peut-être, comme l’indiqua l’interprète lui-même, la période, objet de maintes légendes, où les Asturies étaient occupées par les Arabes, la bataille de Covadonga, au milieu des montagnes asturiennes, en 722, sonnant le début de la Reconquista. «Sevilla» ne manquait pas de gaîté insouciante et «Castilla» de brio. L’heure de concert étant achevée, une partie du public se mit alors à quitter les lieux bruyamment, déplaçant les inconfortables fauteuils de plastique. Malgré les fracas, l’interprète proposa un bis de sa main, trois extraits de Yerba, le premier évoquant l’orballu, mot bable pour désigner tout simplement le crachin, spécialité locale, qui justement humidifiait l’air au moment même, s’interrompant toutefois brièvement pour laisser un portable donner de la voix. Il aurait manifestement bien voulu poursuivre mais le public ne l’entendait pas de cette oreille. Une heure, c’est une heure. On ne pouvait dans ce contexte que concevoir l’amertume du compositeur exprimée dans la presse du jour face aux difficultés de montage de son opéra La dama del alba achevé en 2003 après douze ans de travail. Et la partager tant l’aperçu donné sur son style, sobre et élégant, d’une grande honnêteté, pouvait intriguer.



Stéphane Guy

 

 

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