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Honneur aux dames

Reims
Opéra
05/03/2013 -  et 5 mai 2013
Vincenzo Bellini : I Capuleti e i Montecchi

Jessica Pratt (Giulietta), Julie Boulianne (Romeo), Florian Laconi (Tebaldo), Ugo Guagliardo (Capello), Eric Martin-Bonnet (Lorenzo)
Ensemble lyrique Champagne Ardenne, Sandrine Lebec (chef de chœur), Chœur de l’Opéra d’Avignon, Aurore Marchand (chef de chœur)
Orchestre de l’Opéra de Reims, Luciano Acocella (direction)
Nadine Duffaut (mise en scène), Emmanuelle Favre (décors), Katia Duflot (costumes), Philippe Grosperrin (lumières), Dominique Meresse (chorégraphies)


J. Boulianne, J. Pratt (© Camille Loesch)


A Reims ce soir, l’art de la mélodie bellinienne a été portée jusqu’à l’incandescence par deux interprètes d’exception: Jessica Pratt et Julie Boulianne, couple idéal aux timbres parfaitement contrastés (mais se mariant à merveille) comme le souhaitait Bellini. Leurs chants conjugués transportent jusqu’au vertige, du pur bel canto. La mezzo canadienne compose un Roméo scéniquement tout à fait crédible et chante avec une grande délicatesse: sa cavatine d’entrée «Se Romeo t’uccise un figlio» est détaillée avec langueur et émotion et la cabalette immédiatement enchaînée «La tremenda ultrice spada» a toute la véhémence requise. Son chant vibrant et nuancé est parfaitement contrôlé, mesuré, d’une remarquable richesse d’accents. Le grave est plein et sonore et le registre aigu totalement maîtrisé. Julie Boulianne sait plier sa ligne de chant à l’expression, sans jamais le rompre, tout comme la Giulietta rayonnante de Jessica Pratt qui dispose de toutes les qualités vocales exigées par le rôle. Le chant de la soprano australienne est d’une grande beauté, si pur, si irréel et précis à la fois: elle peut colorer à l’infini. La voix est admirablement conduite et le timbre chargé d’une profonde sensualité: «Eccomi in lieta vesta» suivi de l’aria «Oh! quante volte o quante» sont chantés avec frémissement et abandon, et le registre suraigu impressionnant ne perd jamais son épaisseur.


Par malheur, on déchante avec les partenaires masculins qui ne sont que décoratifs. Si le ténor messin Florian Laconi fait preuve d’une belle projection vocale, il butte en revanche fâcheusement sur les vocalises de sa partie; la basse palermitaine Ugo Guagliardo possède, de son côté, une voix engorgée qui malmène constamment la ligne de chant bellinienne, tandis qu’on constate avec beaucoup de chagrin qu’Eric Martin-Bonnet accuse désormais un vibrato très envahissant.


La production de Nadine Duffaut, étrennée à Avignon en 2009 puis reprise à Tours en 2010, n’enthousiasme guère plus que son récent Otello phocéen, avec des décors tout aussi conventionnels et interchangeables (mais moins laids) conçus par Emmanuelle Favre. Divisé par un voile, le plateau s’anime plutôt bien derrière (la foule, les combats), mais consterne devant: les chanteurs, main sur le cœur ou épée au poing, semblent livrés à eux-mêmes, comme à Marseille, les femmes s’en tirant bien mieux que les hommes, grâce à leur intelligence théâtrale. Le kitsch de la scène finale qui voit, tandis qu’expirent les deux héros en contrebas, un couple vêtu de blanc gravir un escalier qui monte vers les cintres comme s’il montait au paradis, vaut son pesant de cacahouètes. Bref, encore une illustration bien plate et surannée (comme on en voyait il y a des décennies) de Nadine Duffaut, qui se défend ainsi dans sa note d’intention: «Mieux vaut se taire et laisser la partition parler». Dans cette même logique, on eût en effet préféré une simple version de concert.


Directeur musical de l’Opéra de Rouen, le chef italien Luciano Acocella dirige avec une énergie rythmique bienvenue dans les passages belliqueux, mais il laisse peu de droits au pur lyrisme qui trouve en lui un accompagnateur certes attentif, mais un rien prosaïque. La sonorité orchestrale, maintenue plutôt neutre, ne connaît ni les teintes opalescentes ni les flambées incandescentes qui illuminent la partition du Maître de Messine. Bref, ni l’élégie ni la fougue n’y trouvent vraiment leur compte. Quant aux deux chœurs réunis – ceux de l’ELCA (Ensemble lyrique Champagne Ardenne) et de l’Opéra d’Avignon –, ils se montrent catastrophiques tout au long de la soirée, multipliant approximations, faux départs et décalages.


Jessica Pratt et Julie Boulianne méritaient vraiment un tout autre écrin!



Emmanuel Andrieu

 

 

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