About us / Contact

The Classical Music Network

Monaco

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Un Château sur les sommets!

Monaco
Monte-Carlo (Auditorium Rainier III)
04/12/2013 -  
Béla Bartók : A kékszakállú herceg vára, opus 11, sz. 48

Michelle DeYoung (mezzo), Matthias Goerne (baryton), Sunnyi Melles (récitante)
Orchestre philharmonique de Nice, Philippe Auguin (direction)


M. Goerne (© Marco Borggreve)


Pour sa vingt-neuvième édition, le Printemps des Arts de Monaco – étalé sur cinq week-ends, de mi-mars à mi-avril – a choisi de mettre à l’honneur deux compositeurs, Beethoven et Bartók. Le premier a eu droit à une série de neuf «portraits» quand le compositeur hongrois en a bénéficié de cinq; le dernier concert qui lui a été consacré a donné à entendre son sublime et unique opéra, Le Château de Barbe-Bleue.


Longtemps boudé ou simplement méconnu, ce chef-d’œuvre a trouvé sa place, depuis une vingtaine d’années, sur les grandes scènes internationales (en concert comme en version scénique). Cet opéra tient son intérêt, et peut-être son succès, au-delà de la splendeur de la partition, au fait que l’auteur du livret, Béla Balász, s’est démarqué aussi bien du conte de Perrault que de Maeterlinck, celui-ci ayant inspiré Dukas pour son Ariane et Barbe-Bleue. Chez Balász, Ariane devient Judith, avant tout amoureuse inconditionnelle du duc à la barbe bleue. On est loin des caprices de la curiosité, pour admirer le paroxysme d’un amour dont on pressent les dangers. Le conte de fées se transforme en drame symboliste; Judith veut sauver son époux d’une mauvaise réputation, lui veut sauver Judith de son amour absolu. Il n’y aura pas de miracle.


L’exécution d’une telle œuvre ne peut se satisfaire de la neutralité, encore moins de la médiocrité. L’orchestre, premier personnage du drame, le guide ou l’enquêteur, ou mieux le psychologue, doit être attentif et discret autant que présent. A la tête du Philharmonique de Nice dont il est directeur musical depuis 2010, le chef français Philippe Auguin obtient de sa phalange un très beau et très haut niveau orchestral qui ne se démentira pas durant toute la soirée: splendeur des pupitres, tant pris individuellement que fusionnant en d’époustouflants tutti, fantastique miroitement de la matière symphonique, tension théâtrale qui jamais ne se perd, même dans les détails, et admirables fortissimi, tel celui qui intervient lors de l’ouverture de la fameuse «cinquième porte».


La mezzo Michelle DeYoung (déjà entendue dans le rôle à Paris en 2011 et à l’Auditorium de Dijon la saison dernière) et le baryton Matthias Goerne sont des interprètes de choix: ils ont le timbre de voix adéquat tout autant que l’ampleur voulue. Rayonnante Judith, DeYoung possède une force tout intérieure pour exprimer l’amour, le doute, l’angoisse, le désespoir et enfin la résignation. Avec une justesse d’intonation impressionnante, l’Américaine livre un chant où le timbre garde sa beauté et sa clarté d’émission, jusque dans la déchirure. Matthias Goerne se révèle non moins grandiose en Barbe-Bleue: son chant élégant et éclatant rend toujours plus inexorable la lente montée de son angoisse, car la voix sait rester maîtresse de la moindre inflexion, dans la recherche de la couleur, comme de l’effet dramatique.


En guise de conclusion, nous formulerons deux regrets; d’abord que le prologue parlé ait été dit en français (par Sunnyi Melle); si la récitante a su capter l’attention, nous regretterons cependant l’original hongrois, car chez Bartók, comme chez Kodály, la langue est aussi la musique, de sorte qu’il est bon, et d’excellente préparation au drame, de l’entendre dit et vécu dans la langue des auteurs. Enfin, il nous faudra préciser que la salle n’était qu’au tiers pleine pour cette avant-dernière soirée de festival, ce qui est vraiment faire injure à la qualité dudit festival, en même temps qu’aux excellents artistes réunis ce soir.



Emmanuel Andrieu

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com