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La carpe et le lapin

Tours
Grand Théâtre
03/08/2013 -  et 10, 12 mars 2013
Giuseppe Verdi : Un ballo in maschera

Lianna Haroutounian (Amelia), Leonardo Caimi (Riccardo), Tassis Christoyannis (Renato), Claudia Marchi (Ulrica), Mélanie Boisvert (Oscar), Ronan Nédélec (Silvano), Lionel Sarrazin (Samuel), Tomislav Lavoie (Tom)
Chœurs de l’Opéra de Tours, Emmanuel Trenque (chef du chœur), Orchestre symphonique Région Centre-Tours, Jean-Yves Ossonce (direction)
Gilles Bouillon (mise en scène), Bernard Pico (dramaturgie), Nathalie Holt (décors), Marc Anselmi (costumes), Michel Theuil (lumières)


T. Christoyannis, L. Haroutounian (© François Berthon)


On le sait, trouver une distribution adéquate pour Un bal masqué est devenu un problème, même pour les grandes scènes internationales; il faut donc saluer le courage de l’Opéra de Tours de s’être attaqué à une œuvre aussi périlleuse. Directeur du Centre dramatique national voisin, Gilles Bouillon signe une proposition scénique qu’il avait déjà montée in loco en 2004. Peu esthétique – hors la «scène du gibet» –, située dans un univers historiquement et géographiquement anonyme, sa mise en scène intéresse uniquement pour son attention à la psychologie des personnages, du moins quand les interprètes savent se plier à ses intentions.


Authentique lirico spinto verdien, Lianna Haroutounian confirme l’enthousiasme qu’elle avait su susciter en nous lors de sa formidable incarnation de Violetta dans Traviata l’été dernier au Festival de Sanxay. On ne sait qu’admirer le plus chez la cantatrice arménienne: l’ampleur et le rayonnement de la voix, la beauté et la pureté du timbre, le legato porté par un souffle long et égal, la solidité des aigus ou encore la science des piani et pianissimi. Son air du II («Morro, ma prima in grazia») est un moment de pure émotion et le point d‘incandescence de la soirée. Par ailleurs formidable comédienne, elle apporte à son personnage une vibration et un engagement qui emportent immédiatement l’adhésion du public, lequel lui fait un triomphe au moment des saluts, incroyable succès qui lui fait venir des larmes d’émotion, en cette soirée de première.


A l’applaudimètre cependant, Tassis Christoyannis ne lui cède en rien, et incarne un exceptionnel Renato, comme il fut un magistral Macbeth à l’Opéra de Bordeaux la saison dernière. Grâce à la noblesse de son interprétation, le baryton grec atteint le «grand style»: son «Eri tu» apparaît ainsi comme un modèle du genre, savant dosage de maturité artistique, de réflexion, d’implication et d’intensité. Nous le réaffirmons ici, il est, selon nous, le plus grand baryton verdien de notre époque. Avec Leonardo Caimi, en revanche, le bât vient à blesser, le ténor sicilien ne s’avérant pas un Riccardo crédible. S’il possède incontestablement une bonne dimension vocale, un haut médium et des aigus (la plupart du temps) solides, il se montre en revanche dépourvu d’élégance dans la ligne et son chant est contaminé par des résonances nasales particulièrement disgracieuses. Simplement préoccupé de chanter, semble t-il, sans autre conviction dans la projection de mots auxquels il ne semble pas croire, déplaçant maladroitement sur le plateau sa silhouette au demeurant flatteuse, il laisse, au mieux, indifférent.


Autre motif d’enthousiasme, la mezzo italienne Claudia Marchi, qui confère à Ulrica une autorité et une noirceur impressionnantes, avec une voix homogène sur toute son étendue, aussi large et belle dans l’extrême grave de «Re dell’abisso» que dans l’aigu. On lui sait gré également de se garder de tout excès expressionniste et de ne pas se travestir (comme c’est souvent le cas) en contralto. La pétillante soprano (colorature) canadienne Mélanie Boisvert éclabousse le plateau de son incarnation vive et vocalement agile d’Oscar, avec des aigus aussi lumineux que limpides. Des rôles de compléments, inégalement tenus (le Samuel chevrotant de Lionel Sarrazin), on retiendra le Silvano de Ronan Nédélec, chanteur à la superbe voix de baryton, qui avait retenu notre attention grâce à son saisissant Monterone à Reims l’automne dernier. Le Chœur de l’Opéra de Tours, enfin, est digne de tous les éloges.


Directeur général et musical de l’institution tourangelle, l’excellent Jean-Yves Ossonce conduit une phalange maison toujours aussi magnifiquement préparée et attentive. Dans cette partition qui est un véritable piège pour les chefs tant elle ressemble à un mécanisme d’horlogerie emboîtant des moments d’esprit si différent, il évite l’effet de puzzle, restitue à l’œuvre son unité de dessein, se garde de tout effet extérieur et donne à certaines pages des transparences de musique de chambre. Bravo maestro!



Emmanuel Andrieu

 

 

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