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Abstraction ?

Strasbourg
Opéra national du Rhin
02/08/2013 -  et 10, 12, 14, 16* février (Strasbourg), 1er, 3 mars (Mulhouse)
Leos Janácek : Príhody lisky Bystrousky
Rosemary Joshua (La renarde), Hannah Esther Minutillo (Le renard), Scott Hendricks (Le garde-chasse), Corinne Romijn (La femme du garde-chasse, Le hibou), Gijs Van der Linden (L’instituteur), Enric Martinez-Castignani (Le curé, Le blaireau), Martin Bárta (Harasta), John Pumphrey (L’aubergiste), Sophie Angebault (Madame Páskova, Le pivert), Aline Martin (Le chien), Anaïs Mahikian (Le coq, Le geai), Nathalie Gaudefroy (La poule)
Chœurs de l’Opéra national du Rhin, Petits chanteurs de Strasbourg/Maîtrise de l’Opéra national du Rhin, Orchestre symphonique de Mulhouse, Friedemann Layer (direction)
Robert Carsen (mise en scène), Gideon Davey (décors et costumes), Robert Carsen & Peter Van Praet (lumières), Philippe Giraudeau (chorégraphie)


(© Frédéric Godard)


Quatrième élément du cycle Janácek/Carsen proposé par Marc Clemeur à l’Opéra du Rhin, cette Petite Renarde rusée n’est pas la simple reprise du spectacle antérieur monté par Carsen à l’Opéra de Flandre, puisqu’entre temps décors et costumes ont été modifiés, cette fois signés par Gideon Davey. Les grandes idées ne changent cependant pas, et en particulier une certaine tendance à l’abstraction, ou du moins au dépouillement relatif, dont on n’est pas certain qu’ils servent tellement bien l’ouvrage.


La scène est laissée vide, avec murs nus apparents (manie qui devient tellement fréquente ces temps-ci, tout particulièrement en Allemagne, qu’elle tourne au système obligé), la seule évocation résiduelle de la nature restant le revêtement variable d’un sol vallonné. Des feuilles mortes avant l’entracte, de la neige puis de l'herbe bien verte ensuite. C’est joli mais un peu court en possibilités d’éclairages (rasants pour l’essentiel, depuis les côtés, par des projecteurs apparents, avec pour seule dramaturgie possible une intensité plus ou moins forte). Un rideau qui s'ouvre souvent tôt, sur une scène trop longtemps inhabitée, donne d’ailleurs tout loisir de noter cette carence. Il est vrai qu’à ces moments là on attend peut-être de l’orchestre qu’il crée lui même un décor musical à même de faire oublier cette neutralité visuelle, ce que la partition de Janácek fait très bien mais ce que l’Orchestre de Mulhouse, lui, n’arrive pas à relayer. Auditivement on éprouve surtout l’impression d’une phalange en pleine crise anxieuse face à une partition qu’elle négocie en marchant sur des œufs, les incises rythmiques semblant se poser au mieux métronomiquement, le chef et l’orchestre paraissant déjà satisfaits qu’elle arrivent au moins au bon moment. A de rares pages seulement (le duo des renards, peut-être plus conventionnel), Friedemann Layer parvient à faire décoller les nez des pupitres et à ce que la musique prenne son envol.


Scéniquement les propositions de Carsen restent celles d’un homme de théâtre chevronné et sa Petite renarde rusée sait convaincre, voire enthousiasmer si l’on n’en a pas vu d’autres. On peut déplorer cependant que les personnages humains ne soient pas plus fouillés (mais les contraintes du décor empêchent de toute façon les scènes villageoises de prendre une véritable ampleur), ou que l’évocation visuelle des animaux se centre surtout sur la population des renards (assez faciles à caractériser : perruques rousses et sweat-shirts à capuche orange vif) au détriment du reste (à part des poules et un coq très réussis, un chien plutôt raté et quelques volatiles embourgeoisés suspendus à des cordages, cette forêt manque quelque peu de biodiversité). En définitive la production est vraiment sauvée par les danseurs de Philippe Giraudeau, renards de toutes les tailles qui envahissent à plusieurs reprises le plateau et lui confèrent tout à coup une vie irrésistible (dont les multiples clins d’œil du mariage des renards, véritable clou du spectacle).


Très belle distribution, dont un couple de renards idéal, autant sur le plan de l’aisance vocale que de la liberté du comportement scénique. Rosemary Joshua tient le rôle principal avec une musicalité et une présence exubérantes, mais il serait dommage que s’en trouve éclipsées les qualités d’Hannah Esther Minutillo, renard d’une aisance et d’une crédibilité merveilleuses. Bon garde-chasse de Scott Hendricks, auquel fait cependant défaut la richesse de timbre que l'on observe d'emblée chez le braconnier de Martin Bárta. Quant au reste du plateau, s’il n’attire pas toujours davantage l’attention, on se demande si ce n’est pas surtout du fait de l’insécurité générale que fait régner l’accompagnement orchestral. Confier tout ce cycle à un ensemble certes correct mais qui a aussi des limites évidentes, reste une erreur stratégique, même si on s’en aperçoit plus ou moins selon les ouvrages de Janácek concernés. Et celui-ci paraît tout particulièrement difficile.



Laurent Barthel

 

 

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