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De l’émotion et de la simplicité

Lille
Opéra
01/29/2013 -  et 31 janvier, 2*, 5, 7 février 2013
Leos Janácek : Jenůfa
Olga Guryakova (Jenůfa), Diane Pilcher (Grand-mère Buryjovká), Paul O’Neill (Laca), Tom Randle (Steva), Kathryn Harries (Kostelnicka), Richard Mosley-Evans (Le contremaître, Le maire du village), Linda Ormiston (La femme du maire), Clémence Barrabé (Karolka), Cécile Galois (Barena), Camille Slosse (Jano), Gaëlle Mallada (Une servante)
Chœur de l’Opéra de Lille, Yves Parmentier (chef de chœur), Chœur d’Angers Nantes Opéra, Sandrine Abello (chef de chœur), Orchestre national de Lille, Mark Shanahan (direction)
Patrice Caurier, Moshe Leiser (mise en scène), Christian Fenouillat (scénographie), Agostino Cavalca (costumes), Christophe Forey (lumières)


(© Frédéric Iovino)


Le spectacle se referme sur une belle image : laissés seuls, Jenůfa et Laca ramassent les couverts et les victuailles brutalement renversés par la Kostelnicka avant qu’elle reconnaisse son crime. Patrice Caurier et Moshe Leiser montrent en toute simplicité qu’il est possible pour ce couple de construire un avenir malgré ce qu’ils ont enduré. Les metteurs en scène respectent l’ancrage provincial de Jenůfa (1904) au point que le résultat paraît élémentaire en regard des audaces actuelles. Ils reconstituent avec authenticité ce milieu pittoresque, à la fois bigot (les statuettes de la Vierge) et prosaïque (la préparation des noces), et optent pour un réalisme qui trouve son équivalent dans les décors rustiques de Christian Fenouillat et les costumes aussi vrais que nature d’Agostino Cavalca.


Le jeu d’acteur s’avère convenu – Laca taille des bûches tandis que la grand-mère épluche des pommes de terre – mais, malgré cela, le spectacle se tient et parvient à émouvoir. Le programme de salle, que les hôtesses de l’Opéra de Lille distribuent comme d’habitude gratuitement, indique que cette production d’Angers Nantes Opéra a obtenu en 2007 le prix Claude Rostand du Syndicat professionnel de la critique. Avec le recul, il s’agit d’une réussite seulement honorable, des Jenůfa plus saisissantes et originales ayant certainement déjà été montées ailleurs. Régulièrement à l’affiche, du moins les principaux d’entre eux, les opéras de Janácek peuvent être abordés avec plus de hardiesse, comme ceux de son contemporain Puccini (voir par exemple ici).


Sans constituer un modèle de vigilance et d’engagement, la prestation de l’Orchestre national de Lille n’offre guère de mauvaises surprises. Invité pour la première fois à l’Opéra, Mark Shanahan privilégie l’âpreté à l’opulence, même si le regretté Mackerras, dans son enregistrement de référence (Decca), conciliait les deux – il disposait, certes, d’un orchestre d’une toute autre envergure. Veillant à l’équilibre avec la scène, le chef maintient la tension et enlève avec suffisamment de vitalité, de lyrisme et d’évocation les épisodes festifs, mélodramatiques et poétiques. Olga Guryakova incarne une Jenůfa sensible et vocalement acceptable mais la Kostelnicka de Kathryn Harries intéresse davantage : la soprano, dont la voix érodée convient parfaitement à ce rôle de composition, traduit avec conviction le tourment de la Sacristine qui, abjecte et autoritaire au début, montre finalement des fêlures et des remords qui la rendent humaines. Les ténors se différencient nettement : Tom Randle (voix solide) chante un Steva contrasté tandis que Paul O’Neill (voix plus délicate) aborde Laca avec plus de retenue et d’uniformité. Parmi les rôles secondaires, il convient de signaler les prestations honnêtes de Richard Mosley-Evans dans le double emploi du contremaître (autoritaire) et maire du village (au généreux embonpoint), de Linda Ormiston (femme du maire pète-sec), de Clémence Barrabé (Karolka) et de Camille Slosse (Jano). Le Chœur de l’Opéra de Lille et celui d’Angers Nantes Opéra se distinguent positivement.



Sébastien Foucart

 

 

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