About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Comme en apesanteur

Paris
Palais Garnier
01/05/2013 -  et 6*, 7, 8, 9, 10 janvier 2013
Angelin Preljocaj/Karlheinz Stockhausen: Helikopter
Angelin Preljocaj (chorégraphie), Holger Förterer (scénographie), Sylvie Meyniel (costumes), Patrick Riou (lumières)
Virginie Caussin, Lorena O’Neill, Nagisa Shirai, Sergio Diaz, Jean-Charles Jousni, Julien Thibault


Angelin Preljocaj/Karlheinz Stockhausen: Eldorado (Sonntags-Abschied)
Angelin Preljocaj (chorégraphie et lumières), Nicole Tran Ba Vang (scénographie et costumes), Martine Hayer, Claudine Duranti, Ondine Besset-Loustau (réalisation costumes), Cécile Giovansili (lumières)
Virgine Caussin, Gaëlle Chappaz, Natacha Grimaud, Lorena O’Neill, Nagisa Shirai, Yurie Tsugawa, Segi Amoros Aparicio, Marius Delcourt, Sergio Diaz, Jean-Charles Jousni, Fran Sanchez, Julien Thibault


Helikopter (© Laurent Philippe/Opéra national de Paris)


Selon un usage confirmé, les premiers pas de l’année calendaire sont réservés à une compagnie invitée, et pour ce cru 2013, c’est celle d’Angelin Preljocaj, créateur fidèle à la Grande Boutique, qui a reçu le carton, dans un programme que l’on n’associerait pas de prime abord avec la danse. Avec le bruit des pales «laminant littéralement toute possibilité de chorégraphie» selon les mots de Preljocaj lui-même, Helikopter-Quartett a tout de l’anti-ballet. Mais il en faut davantage pour décourager la fascination du chorégraphe pour la musique de Stockhausen. Sur un plateau dénudé, six danseurs évoluent par paires infidèles, en genre comme en nombre, sorte de mise en abyme de la spécularité entre les quatre hélicoptères et le quatuor à cordes, galbés par la scénographie de Holger Förterer et l’atemporel bleu vaguement nocturne des lumières réglées par Patrick Riou. La salle n’est pas encore recueillie dans l’obscurité que le bruit de rotors enregistrés se met en route, tourmentant les linéaments projetés sur le sol. Le spectateur s’envole pour une traversée au rythme d’accélérations et de décélérations, jusqu’à l’ultime, celle qui s’évanouira dans le silence retrouvé, où les pas se font comme un ultime écho de cet étrange voyage. Les traits des cordes creusent leurs aspérités sur la motricité mécanique en un discours qui prend des tournures presque cosmiques. Aussi paradoxal que cela puisse paraître il ne s’agit pas ici de «décibélâtrie», et cela Angelin Preljocaj l’a bien compris, en alternant l’imitation des hélices, figure récurrente, et des gestes où la lutte et la fusion semblent se fondre, confondant l’effort physique en grâce – au risque d’une dramaturgie tributaire du monolithisme de la partition de Stokhausen. On saluera également la modération de la régie sonore, évitant tout assourdissement agressif.



Eldorado (© Laurent Philippe/Opéra national de Paris)


Depuis la création en 2001 pour laquelle il avait demandé l’autorisation du compositeur allemand afin d’écrire une chorégraphie sur sa musique, Angelin Preljocaj avait entretenu avec lui une relation épistolaire qui a pris une nouvelle tournure lors que Stockhausen l’a invité dans son atelier de Kürten, près de Cologne, pour lui présenter Sonntags-Abschied, ultime volet de son cycle Licht qu’il venait d’achever, en lui demandant d’en faire une pièce dansée – moins de deux mois après la création en 2007, Preljocaj apprenait la disparition du maître germanique. Avec un dispositif de stèles de pierre sur lesquelles sont gravés des disques solaires, la scénographie de Nicole Tran Ba Vang se teinte de réminiscences vaguement mayas qu’aurait revisitées un Kubrick. La musique, pour l’essentiel jouée par un dispositif électroacoustique, distille une apesanteur stellaire qui aurait pu illustrer 2001. Mystique mais pas trop, l’écriture des corps témoigne d’une incontestable maîtrise de l’espace. Nul didactisme idéologique ne vient appesantir cette escapade stratosphérique doucement éclairée d’or pâle d’un soleil onirique. Cet hymne à Apollon et l’harmonie céleste vient opportunément contredire les réputations sulfureuses qui collent à l’héritage de Darmstadt. Avec Preljocaj, Stockhausen s’est donné un visage pour un public élargi dans une belle émulation entre musique et danse.



Gilles Charlassier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com