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Beaucoup de bruit pour (presque) rien

Bruxelles
La Monnaie
12/04/2012 -  et 7, 9, 11, 13, 15, 18, 21, 23*, 27, 29, 31 décembre 2012
Giuseppe Verdi : La traviata
Simona Saturová (Violetta Valéry), Salomé Haller (Flora Bervoix), Carole Wilson (Annina), Sébastien Guèze (Alfredo Germont), Scott Hendricks (Giorgio Germont), Dietmar Kerschbaum (Gastone), Till Fechner (Barone Douphol), Jean-Luc Ballestra (Marchese d’Obigny), Guillaume Antoine (Dottor Grenvil), Gijs Van der Linden (Giuseppe), Matthew Zadow (Commissionario), Kris Belligh (Domestico)
Chœurs de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Adám Fischer (direction)
Andrea Breth (mise en scène), Martin Zehetgruber (décors), Moidele Bickel (costumes), Alexander Koppelmann (éclairages)




Puisque cette mise en scène controversée occulte le reste, dressons d’abord le bilan musical. Le plateau ne brille guère. Annoncée souffrante, Simona Saturová incarne Violetta du mieux qu’elle peut mais la voix perd de son étoffe, de son ampleur et de sa stabilité. La soprano déclare forfait en seconde partie mais continue à jouer en remuant les lèvres tandis qu’Ana-Camelia Stefanescu la double avec soin – solution bancale mais préférable à une annulation pure et simple. Sébastien Guèze incarne un Alfredo impétueux : si la ligne manque de finesse et la voix d’aura, le timbre séduit et le ténor domine la distribution. Giorgio Germont peu âgé comparé à Alfredo (donc peu crédible), Scott Hendricks livre un chant carré, massif mais dépourvu de la profondeur et de la subtilité requises pour les rôles de patriarche verdien. Constamment présente, Carole Wilson a plus à jouer qu’à chanter : son Annina sensible et parfois drôle déclenche des applaudissements nourris. Le reste se hisse à un niveau acceptable tandis que les Chœurs de la Monnaie, toujours aussi bien préparés par Martino Faggiani, interprètent leur partie dans la fosse. Un tel sort devient fréquent et il ne serait pas étonnant que ceux-ci le regrettent. Est-ce pour cela qu’ils ne montent pas sur scène pour saluer ? Adám Fischer dirige scrupuleusement un orchestre engagé, variant les tempi comme il convient et capable tant de souplesse que de nuance.



(© Bernd Uhlig)


La mise en scène, maintenant. Avec le recul, le scandale qui entoure cette Traviata (1853), au point que même Paris Match en fait sa couverture, paraît ridicule voire stérile. Peter de Caluwe juge utile d’intervenir dans la presse suite aux premières représentations et même Krzysztof Warlikowski, maître d’œuvre d’une Lulu phénoménale en octobre, dénonce (à juste titre) l’attitude du public dans un important quotidien francophone. Initiative exceptionnelle, sauf erreur la première du genre depuis son mandat, le directeur éclaire dans un feuillet distribué à l’entrée les intentions de la mise en scène d’Andrea Breth. Peter de Caluwe parle de «réactions injurieuses», de «remarques violentes», de «volonté délibérée de nuire» mais aussi de «liberté d’expression».


Quels éléments suscitent-ils une telle vindicte ? Sans doute pas (du moins faut-il l’espérer) les seins dénudés au deuxième acte, exhibition fréquente aujourd’hui sur scène, même à l’Opéra royal de Wallonie, mais probablement la fellation (simulée) qu’Annina pratique énergiquement sur le docteur Grenvil dans une sinistre ruelle au dernier acte et, surtout, la présence d’une jeune fille dans une orgie. Un protagoniste la prend sur ses genoux pour maculer son visage de chocolat, c’est tout. Hors sujet ? Pour rappel, Marie Duplessis, source d’inspiration d’Alexandre Dumas pour sa Dame aux camélias, monnaya ses charmes dès l’adolescence. Les Belges peinent décidément à se remettre des affaires de pédophilie qui ont éclaboussé le royaume et voit le mal partout mais l’érotisme subtilement suggéré des ballerines mineures dans Lulu ou le recours à une adolescente pleine de candeur dans le pornographique Mahagonny du Vlaamse Opera l’année passée n’a pas provoqué autant de colère.


Plus interpellant que l’affligeante Flûte actuellement représentée à Anvers, le résultat peine toutefois à convaincre. Escort girls de luxe, Violetta et Annina sombrent dans la misère, ce qu’illustrent les décors : un intérieur bourgeois blanc, noir et épuré versus une rue sordide dans laquelle l’héroïne rend son dernier souffle dans un plastique. Andrea Breth aurait pu corser davantage le propos pour dénoncer le traitement que certains hommes infligent aux femmes, l’argent qui permet tout, le sexe sans sentiment. Le jeu d’acteur s’avère convenu, les personnages manquent de relief, les scènes soi-disant osées distillent l’ennui. Finalement, avec ce spectacle de fin d’année pas comme les autres, la Monnaie suscite davantage la réflexion que l’enthousiasme mais cela s’avère de temps en temps nécessaire. En tout cas, vingt jours après la première, le public de ce dimanche après-midi applaudit sans réserve.



Sébastien Foucart

 

 

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