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Dessine-moi un contre-ténor

Lausanne
Opéra
11/23/2012 -  et 2, 4, 6, 10 (Nancy), 20 (Wien), 25* novembre (Lausanne), 11, 13 (Paris), 17, 19, 27 (Köln) décembre 2012
Leonardo Vinci: Artaserse
Philippe Jaroussky (Artaserse), Max Emanuel Cencic (Mandane), Daniel Behle (Artabano), Franco Fagioli (Arbace), Valer Barna-Sabadus (Semira), Yuriy Mynenko (Megabise)
Concerto Köln, Diego Fasolis (clavecin et direction)


D. Fasolis


Triomphe à l’Opéra de Lausanne: ovation debout spontanée, bravos frénétiques, applaudissements enthousiastes pendant plus de dix minutes, Artaserse de Leonardo Vinci a enflammé le public. Qui a dit que les Suisses étaient froids et réservés? Après une série de représentations scéniques à l’Opéra de Lorraine qui se sont soldées par un immense succès et l’enregistrement d’un CD, l’œuvre est maintenant présentée en version de concert dans le cadre d’une mini-tournée qui a débuté à Vienne (Autriche) pour se terminer à Cologne, en passant par Lausanne et Paris.


Dans la foulée des représentations de Sant’Alessio de Stefano Landi à Nancy et à Paris en 2007, où tous les rôles étaient chantés par des contre-ténors, Max Emanuel Cencic a eu l’idée d’exhumer Artaserse, chef-d’œuvre de Leonardo Vinci, compositeur aujourd’hui oublié, mais qui fut l’initiateur, avec Nicola Porpora, du style napolitain à l’opéra, lequel allait influencer toute l’Italie. Créé à Rome en 1730, l’ouvrage, construit sur un livret de Métastase, rencontre un énorme succès, du fait de son écriture solaire, de la variété de ses mélodies, de ses arias spectaculaires mettant à l’épreuve les chanteurs et de son orchestration vive et colorée. Comme souvent à l’époque, l’intrigue, qui se déroule dans la Perse antique, est des plus alambiquées. C’est ainsi que le public lausannois n’a pu s’empêcher de rire bruyamment lors de la scène finale, qui va de rebondissement en rebondissement: les chanteurs se passent une coupe remplie de poison, chacun la prenant à ses lèvres avant de se raviser. Le chef a alors interrompu la musique pour se retourner et rappeler aux spectateurs que la scène était censée être particulièrement tragique, des propos qui ont, à leur tour, fait rire les chanteurs, ce qui a eu pour effet de décupler l’hilarité de la salle!


A la création d’Artaserse et jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les femmes sont interdites de scène par la volonté papale. Ce furent donc des castrats qui ont chanté tous les rôles de l’ouvrage. Pour cette résurrection, ils ont été remplacés par des contre-ténors, cinq au total, ce qui a donné lieu à une démonstration de virtuosité dans les aigus d’une exubérance inouïe, avec la crème des falsettistes d’aujourd’hui. Dans le rôle du monarque fragile rongé par le doute, aux airs essentiellement contemplatifs, Philippe Jaroussky a fait merveille avec son timbre éthéré et raffiné. Max Emanuel Cencic a séduit, quant à lui, par la puissance de sa voix métallique et corsée et la variété des couleurs. En oubliant une de ses entrées et en obligeant le chef à l’appeler sans ménagement sur scène, alors que les musiciens avaient déjà commencé de jouer, le chanteur croate a, bien involontairement, fait rire la salle. Décidément, on s’est beaucoup amusé à Lausanne!


Les deux contre-ténors stars ont dû cependant céder la vedette au phénoménal Franco Fagioli, qui a été le véritable héros de la soirée. Une technique époustouflante, une tessiture qui lui permet d’affronter aussi bien des suraigus transparents que des graves caverneux, une longueur de souffle ahurissante et des cadences stupéfiantes ont mis le public à ses pieds. Et, coïncidence troublante, sa voix et ses mimiques ne sont pas sans rappeler... Cecilia Bartoli! Quoi qu’il en soit, son air de la fin du premier acte et son duo (le seul de la partition) avec Max Emanuel Cencic au troisième acte ont constitué les moments forts d’une soirée d’exception. Pas aussi connus que leurs collègues, Valer Barna-Sabadus et Yuriy Mynenko n’en ont pas moins fait forte impression, le premier avec sa voix claire et évanescente, le second avec son chant musclé et ses accents tranchants. Seul ténor de la distribution, Daniel Behle a, du coup, sonné très «mâle», d’autant qu’il a donné intensité et puissance à son rôle de méchant. Le succès de cette soirée mémorable n’aurait pas été complet sans la lecture théâtrale et vivante de Diego Fasolis. A la tête du Concerto Köln, le chef a habilement joué sur les contrastes et la vivacité dynamique pour que la tension ne se relâche jamais, trois heures durant, tout au long de cet enchaînement d’airs les uns plus virtuoses que les autres. Mélomanes parisiens, précipitez-vous toutes affaires cessantes au Théâtre des Champs-Elysées les 11 et 13 décembre!



Claudio Poloni

 

 

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