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Tanzübung ?

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Opéra national du Rhin
10/12/2012 -  et 13, 14 (Mulhouse), 27, 28 (Colmar) octobre, 7, 8, 9, 10, 13* novembre (Strasbourg)
Johann Sebastian Bach : Variations Goldberg

Ballet du Rhin
Alexey Botvinov (piano)
Heinz Spoerli (chorégraphie), Keso Dekker (décors), Agnès Letestu (costumes), Jürgen Hoffmann (éclairages)


(© Darek Szuster)


On peut soupçonner les Variations Goldberg, recueil de haute abstraction musicale, de s’avérer rétives à une transcription visuelle. Danserait-on sur des Quatuors de Beethoven ou des Symphonies de Bruckner ? On n’en aurait sans doute pas l’idée. Avec de surcroît pour l’auditeur déjà bien familiarisé avec ces Variations le handicap d’y avoir mémorisé un autre ballet, celui des doigts du pianiste, fascinant à observer par exemple chez Gould, Koroliov ou Barenboim, pour ne citer que des interprètes déjà filmés de près dans cette oeuvre, particulièrement exigeante quant à la mécanique des doigts et aux superpositions et croisements des mains.


L’appréhension que l’on pouvait ressentir, malheureusement, se confirme assez vite. Quand le pianiste Alexey Botvinov prend place dans la fosse de l’Opéra du Rhin, devant son instrument légèrement surélevé, et attaque l’Aria liminaire avec une remarquable sûreté de sonorité et des phrasés d’un emphase ouvertement romantique on ressent immédiatement cette densité musicale comme suffisante, et tout ce qui va se passer sur le plateau comme un peu superflu. Au delà du débat sur ce qui dans cette chorégraphie signée Heinz Spoerli paraît plus ou moins abouti ou raté selon les moments c’est ce concept même d’une danse déposée le long d’une musique sublime, chef d’oeuvre d’architecture parfait, d’une globalité magnifiquement homogène, qui peut longuement se discuter. Avouons n’avoir pas toujours été convaincu, voire un peu agacé, par ces propositions visuelles. Et constatons en revanche que Bach, lui, ne nous déçoit jamais. Tout le problème est là.


Magnifique travail au demeurant que cette heure et demie de ballet abstrait, sur un scène vide animée uniquement d’éclairages au couleurs changeantes très étudiées. Les costumes d’Agnès Letestu, taillé dans des velours qui accrochent bien la lumière, paraissent aussi avoir été longuement prémédités. Quant à la chorégraphie d’Heinz Spoerli, tantôt très architecturée tantôt peut-être nourrie de davantage d’esprit d’improvisation, elle nous a paru fonctionner plus aisément dans les soli et dans quelques magnifiques pas de deux que dans les ensembles. Un peu comme si le rationalisme polyphonique de la musique de Bach tolérait mal trop de superpositions et de dispersions hasardeuses des gestes. Spoerli paraît de toute façon traiter chaque variation comme une proposition indépendante, avec des axes de recherche variable : du très littéral (quelques curieuses tentatives de synchronisations avec les ornementations, assez peu convaincantes) au plus poétiquement libre. Entrecoupée systématiquement de longs silences entre chaque pièce, ce qui permet aux danseurs de quitter ou d’investir le plateau, et aussi au pianiste de souffler un peu, la soirée avance avec son petit rythme bien particulier et donne finalement l’impression sinon d’un réel aboutissement du moins d’une belle sincérité dans l’approche. Les solistes et danseurs du Ballet du Rhin trouvent en tout cas dans cette chorégraphie de beaux moments pour faire valoir des tempéraments individuels intéressants, et aussi une qualité de synchronisation des ensembles malheureusement perfectible. Mais danser ensemble sur une musique aussi peu riche en aspérités rythmiques est sans doute une gageure en soi. De même que jouer en fosse l’intégralité d’un tel recueil tout en regardant du coin de l’oeil ce qui se passe sur le plateau est aussi un bel exploit. Apparemment bien familiarisé avec les Variations Goldberg, Alexey Botvinov parvient à les restituer avec beaucoup de musicalité et un nombre d’incidents de parcours remarquablement réduit. Une ascèse et une rigueur qui dialoguent bien avec les efforts des danseurs, itinéraire chorégraphique à la recherche d’une autre forme de cohérence, malheureusement moins aisément accessible.



Laurent Barthel

 

 

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