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Splendeur mahlérienne

Strasbourg
Palais de la musique et des congrès
10/25/2012 -  et 26* octobre 2012
Franz Schubert/Luciano Berio : Rendering
Gustav Mahler : Das Lied von der Erde

Christianne Stotijn (mezzo), Simon O’Neill (ténor)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja (direction)


M. Letonja



Le voici désormais maître à bord. Marko Letonja, en effet, entame sa première saison strasbourgeoise. Avec du dynamisme et des idées à revendre : Baby Proms, programmes destinés aux jeunes des écoles, inscription de l’orchestre dans la cité, collaborations renforcées avec l’Opéra et le Conservatoire, élargissement du répertoire aux musiques moins connues ou aux partitions récentes. Le chef slovène s’engage d’ailleurs, à la différence de ses prédécesseurs, à rester vingt semaines à Strasbourg. C’est donc peu de dire qu’il suscite de grandes espérances.
Des espérances à la mesure d’un talent que le premier concert de la saison vient de confirmer avec éclat.


Il n’allait pas de soi de commencer avec la Dixième de Schubert « restaurée » à sa manière par Luciano Berio dans Rendering – présentation très éclairante par Nicolas Southon de cette œuvre qu’a créée Riccardo Chailly en 1990. Le danger guette de la lecture fragmentaire, qui donnerait l’impression de deux musiques juxtaposées – hostile aux « opérations de bureaucratie philologique », le compositeur italien a inséré entre les différentes esquisses « un tissu connectif toujours différent et changeant, toujours pianissimo et lointain ». Marko Letonja évite que l’on repère trop les coutures : il refuse de surenchérir sur l’onirisme des passages ajoutés, joue seulement sur l’ambiguïté entre les deux musiques. A dessein, il dirige Rendering comme du Mahler, le hautbois de l’Andante central anticipant sans ambages sur celui de « L’Adieu » du Chant de la terre donné ensuite. Il y a vigueur et verdeur dans la direction, beaucoup de clarté et de couleurs aussi, si bien que la tension ne faiblit jamais – alors que l’œuvre n’atteint pas le niveau de Sinfonia, sans doute le chef-d’œuvre de Berio.


Cette lecture mahlérienne assure naturellement le passage au Chant de la terre, où l’orchestre, galvanisé par son chef, donne le meilleur de lui-même – et quels beaux solos. Sans rien surcharger, rebelle à tout pathos, la direction souligne surtout la modernité prophétique de l’œuvre, qu’elle rapproche plus de l’Ecole de Vienne que du post-wagnérisme exacerbé. Très analytique, d’une fluidité quasi chambriste, elle donne à entendre tous les plans sonores, à voir toutes les lignes. Une urgence ne s’en fait pas moins sentir, comme si un drame se jouait. Simon O’Neill pâtit d’un timbre nasal, force un peu ses aigus, mais assume la périlleuse partie de ténor avec une certaine souplesse d’émission, capable du coup de chanter piano, notamment dans « L’Ivrogne au printemps ». Christianne Stotijn n’a toujours pas résolu ses problèmes de tessiture : la voix se creuse à partir du médium, défaut majeur pour un mezzo, surtout celui du Chant de la terre – plus haut, au contraire, elle se colore, rappelant parfois une Ludwig. « Le Solitaire en automne » ou « De la beauté », ainsi, ne la flattent guère. Mais la chanteuse hollandaise sait phraser, dégage une émotion, habite « L’Adieu » - si les « ewig » se cherchent un peu, les passages où la voix est quasiment à découvert expriment toute la douleur de la perte et de la désolation.



Didier van Moere

 

 

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