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Macbeth à Wall Street

Lyon
Opéra
10/12/2012 -  et 15, 17, 19, 21, 23, 25, 27 octobre 2012
Giuseppe Verdi : Macbeth
Evez Abdulla (Macbeth), Riccardo Zanellato (Banco), Iano Tamar (Lady Macbeth), Kathleen Wilkinson (Suivante de Lady Macbeth), Dmytro Popov (Macduff), Viktor Antipenko (Malcolm), Ruslan Rozyev (Un médecin), Kwang Soun Kim (Un serviteur), Jean-François Gay (Un assassin), Paolo Stupenengo (Une apparition), Marie Cognard (Une apparition), Charles Saillofest (Un héraut)
Ivo van Hove (mise en scène), Jan Versweyveld (décors et lumières), Wojciech Dziedzic (costumes), Tal Yarden (vidéo), Jan Vandenhouwe (dramaturgie musicale), Janine Brogt (dramaturgie)
Chœurs de l’Opéra de Lyon, Alan Woodbridge (direction des chœurs), Orchestre de l’Opéra de Lyon, Kazushi Ono (direction musicale)


(© Jean-Pierre Maurin)


Si elle n’est pas renseignée par l’histoire (récente) de la mise en scène, la transposition de Macbeth au pays de la finance semble tomber sous l’évidence, tant la soif de pouvoir du roi shakespearien s’apparente à la cupidité des traders. C’est d’ailleurs devant des écrans affichant courbes et graphiques que les sorcières apparaissent dès l’Ouverture. Chiffres puis lettres se donnent comme encodage de prophéties. Actualisation de l’Enfer, les salles de marché en sont aussi une métaphore. Loin de réduire le propos de l’opéra de Verdi, la relecture d’Ivo van Hove ne se limite pas à une simple adaptation sociopolitique et tire parti du décor standard dessiné par Jan Verweyveld dans lequel le spectateur se trouve plongé d’emblée en même temps que le drame. Ceignant le plateau, les panneaux pâles se font successivement réceptacles des oracles cryptés, chambres du château de Macbeth où le roi Duncan se fait assassiner en coulisses infrarouges tandis que ses enfants prennent la fuite, perspective urbaine condensant l’isolement du pouvoir avant d’être l’écran télévisuel où défilent les «indignés», traduction de l’avancée de la forêt de Birnam. Macbeth est alors déchu de son arrogance et se retrouve à la rue, une écuelle métallique à la main et une couverture pour tout bien de l’affameur devenu affamé – dans la version de 1865 remaniée pour l’Opéra de Paris, et donnée ici à l’exception du ballet, la mort du tyran est recouverte par la triomphale marche des libérateurs. Servie par une scénographie d’une grande cohérence – nonobstant quelques hors-champ acoustiques discutables pour les chœurs et le meurtre de Banco dans un parking –, l’interprétation du metteur en scène flamand sait lever les résistances à l’égard d’une critique sociale aussi juste que bien-pensante, franchise morale à destination de spectateurs nantis.


Macbeth à pâte riche et expressive, Evez Abdulla fait rayonner de sa voix à l’émission un rien épaisse la psychologie torturée du monarque. Matrone inflexible, Iano Tamar affirme dès son entrée l’autorité de Lady Macbeth. Son timbre sombre voire rugueux tire le rôle vers un soprano dramatique solide garantissant des vocalises d’airain au deuxième acte. La fragilité du personnage point à peine dans l’air du somnambulisme. Riccardo Zanellato témoigne d’un métier impeccable en Banco. Titulaire d’un rôle à l’homonymie contradictoire, Dmytro Popov éclate de vaillance en Macduff, quand bien même son intonation à la fois un peu postérieure et arrondie manque de naturel, ce qu’on ne saurait reprocher au Malcolm solaire de Viktor Antipenko. Kathleen Wilkinson convainc en soucieuse servante de la reine, à l’inverse du médecin de Ruslan Rozyev, avec son matériau consistant qu’il semble craindre de brûler en articulant. Mentionnons également la vigoureuse prestation des choeurs – toujours préparés avec soin par Alan Woodbridge – dont le rôle est conséquent, ainsi que cinq de leurs membres – Kwang Soun Kim, un serviteur, Jean-François Gay, un assassin, Paolo Stupenengo et Marie Cognard, deux apparitions, ainsi que le héraut de Charles Saillofest. A la tête de son Orchestre de l’Opéra de Lyon, Kazushi Ono cisèle une direction précise et analytique plutôt que cursive, privilégiant la sécheresse des couleurs à la continuité narrative.



Gilles Charlassier

 

 

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