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Une Carmen pour mise en bouche

Marseille
Opéra
10/04/2012 -  et 7, 9, 12*, 14 octobre 2012
Georges Bizet : Carmen
Giuseppina Piunti (Carmen), Luca Lombardo (Don José), Anne-Catherine Gillet (Micaëla), Jean-François Lapointe (Escamillo), Jennifer Michel (Frasquita), Blandine Staskiewicz (Mercédès), Philippe Fourcade (Zuniga), Christophe Gay (Moralès), Armando Noguera (Le Dancaïre), Stéphane Malbec Garcia (Le Remendado)
Chœur de l’Opéra de Marseille, Maîtrise des Bouches-du-Rhône, Pierre Iodice (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra de Marseille, Nader Abbassi (direction musicale)
Nicolas Joel (mise en scène), Ezio Frigerio (décors), Franca Squarciapino (costumes), Vinicio Cheli (lumières)


(© Christian Dresse)



Pour ouvrir sa saison 2012-2013, l’Opéra de Marseille ne prend pas de risques inconsidérés. Monter Carmen ne peut passer pour une aventure, mais relevons que le reste de la saison s’avère déjà passionnant, avec des titres rares et/ou ambitieux, tels que le Poliuto de Donizetti le mois prochain, ou les colossaux Troyens de Berlioz en juillet.


Vieille de quinze ans, cette production est signée par Nicolas Joel qui l’avait montée pour le Capitole de Toulouse, dont il avait la charge à l’époque. Elle s’impose d’abord par les monumentaux décors conçus par le fidèle Ezio Frigerio, et le rideau s’ouvre ainsi sur de très hauts murs, qui évoquent l’immense façade d’une église. C’est une Espagne austère et sombre que Joel nous propose, loin des clichés colorés trop souvent attachés à cette œuvre tragique. Ce côté tragique de Carmen, qui est la vraie nature de cet opéra, est également magnifiquement soutenu par les éclairages fortement dramatiques de Vinicio Cheli, tous de clairs-obscurs, notamment dans la scène du repaire des contrebandiers. Mais c’est dans la dernière scène qu’ils culminent, le meurtre de l’héroïne étant commis sur un plateau écrasé par une lumière blanche et aveuglante.


Trois ans après avoir chanté le rôle à l’opéra voisin de Toulon, la soprano italienne Giuseppina Piunti revenait donc en terre provençale. Bien que n’ayant peut-être pas le même charisme, elle fait cependant immédiatement penser, tant vocalement que physiquement, à sa compatriote Anna Caterina Antonacci, la meilleure titulaire actuelle du rôle. Avec une impeccable diction, un timbre corsé et une voix d’un bel impact dramatique, elle fait valoir une magnifique égalité du timbre sur toute l’étendue du registre. Si l’on ajoute qu’elle est belle en scène et qu’elle brosse un portrait saisissant de la cigarière, on comprend aisément qu’elle ait remporté un succès amplement mérité aux saluts.


Nous serons beaucoup plus circonspect sur le Don José de Luca Lombardo. Depuis vingt ans que nous l’entendons sur les scènes de France et de Navarre, le ténor français ne démérite jamais vraiment, mais n’enthousiasme jamais non plus, ce soir plus que jamais: le timbre manque de séduction, les registres sont mal soudés, la voix se détimbre dans les aigus et elle s’avère particulièrement avare de nuances, notamment dans le fameux air «La fleur que tu m’avais jetée», délivré en force, et bien évidemment non conclu en «voix de tête», comme le veut la partition. Enfin, acteur modeste, il est loin de faire passer l’élan, la passion et la folie de son personnage, notamment au dernier acte, où son face-à-face meurtrier avec Carmen manque cruellement d’éclat tragique.


La soprano belge Anne Catherine Gillet est une magnifique Micaëla, bouleversante dans sa simplicité et sa folle énergie. Elle se pose sans effort en digne rivale de Carmen s’agissant tant de la finesse que de la sûreté du style, et son air de la montagne «Je dis que rien ne m’épouvante» s’impose comme le moment le plus fort (et le plus applaudi) de la soirée. Quant au baryton canadien Jean-François Lapointe (Escamillo), il n’a pas besoin de surcharger une voix naturellement épanouie, et subjugue par une ligne de chant d’un raffinement peu coutumier dans cet emploi. Enfin, c’est un excellent tandem que forment Jennifer Michel (Frasquita) et Blandine Staskiewicz (Mercédès), permettant aux deux temps forts que sont le quintette et le trio des cartes d’être aussi des sommets musicaux.


A la tête d’un orchestre en forme et étonnamment discipliné, le chef égyptien Nader Abassi donne de la musique de Bizet une interprétation riche d’impact dramatique et prend visiblement plaisir à détailler les merveilles d’une orchestration dont on ne dira jamais assez la subtilité. Sa vision de Carmen, moins brillante que de coutume, met admirablement en valeur la fluidité et l’audacieuse modernité d’un langage musical et scénique dont on peut comprendre qu’il ait pu choquer le public parisien de 1875.



Emmanuel Andrieu

 

 

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