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Hommage à Markevitch

Montreux
Auditorium Stravinski
09/02/2012 -  
Igor Markevitch : Cantique d’amour
Maurice Ravel : Concerto pour la main gauche
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie n° 6 «Pathétique», opus 74

Louis Lortie (piano)
Royal Philharmonic Orchestra, Charles Dutoit (direction)


L. Lortie (© Elias)


Cette année 2012 célèbre le centenaire de la naissance d’un grand chef d’orchestre du XXe siècle, Igor Markevitch. Hôte à plusieurs reprises du Septembre musical, le musicien né à Kiev avant d’émigrer, encore enfant, en Europe occidentale, a promu entre autres une méthode rationnelle pour apprendre à diriger. De grandes baguettes sont sorties de ses cours, comme Daniel Barenboim, alors enfant prodige de neuf ans seulement. Mais c’est un peu oublier que celui qui hissa plus d’un orchestre au plus haut – songeons aux Lamoureux avec lesquels il enregistra entre autres une Symphonie fantastique admirée – fut aussi un compositeur précoce et accompli, avant d’être accaparé par sa carrière de chef, comme plus tard une autre figure iconoclaste, Giuseppe Sinopoli.


Pour ce dernier concert du Royal Philharmonic, Charles Dutoit a choisi de rendre hommage à son aîné, en parallèle à la petite exposition qui lui est consacrée au Château de Chillon. Ecrit en 1936, le Cantique d’amour déploie une riche et chatoyante palette de couleurs, marque de fabrique de son auteur, à la recherche d’associations de timbres inédites, aux nuances envoûtantes. Le poème symphonique emprunte aux fragrances de son époque un néoclassicisme chargé de mystère. Sa structure en arche monte crescendo vers un allegro vif, violent même, aux effets de masse rendues avec force par la phalange britannique, avant que le xylophone parsème d’éclats la catabase s’évanouissant en une marche assourdie.


D’un seul mouvement, le Concerto pour la main gauche de Ravel, de quelques années antérieur, fait entendre une fluidité quasi rhapsodique du discours qui a sans doute inspiré son jeune confrère. Encore une fois, l’imposant vrombissement des contrebasses inaugural, véritable maelström primitif aux vagues réminiscences de La Valse à partir duquel émerge la progressive propagation mélodique du contrebasson vers le registre aigu, témoigne de l’imposante consistance du Royal Philharmonic. On sent cette assurance que sait leur impulser Charles Dutoit, sans jamais couvrir son soliste. Louis Lortie démontre une vigueur captivante dans les phrasés d’une ivresse rythmique étourdissante – au point de devoir un bref instant compenser l’élan de la main gauche en retenant par sa droite le piano ébranlé. L’anabase vers la péroraison finale s’affirme inévitable, sans renoncer à une fantaisie antiacadémique dans laquelle excelle Ravel. On reste d’ailleurs avec le compositeur français pour un bis tiré de Ma mère l’Oye.


L’idiosyncrasie des musiciens anglais donne à la Symphonie «Pathétique» de Tchaïkovski qui referme à la fois le programme et cette résidence de quatre soirs une ampleur et une plénitude d’une admirable beauté plastique, riche sans jamais altérer la lisibilité des pupitres, bénéficiant d’une mise en place aussi aérée que précise. La douceur des clarinettes dans l’Adagio introductif prend des accents de confession plutôt que de pathos. L’Allegro con grazia affirme son authentique élégance où les cordes font scintiller un bal nostalgique, inévitablement rehaussé par la mémoire. D’un rubato un peu court dans l’Allegro molto vivace, la battue évite les effets de manche auxquels d’aucuns se croient invités par la puissance rythmique du mouvement, dont jamais ici le fil ne se rompt. Les teintes chaudes du crépuscule de l’Adagio lamentoso conclusif n’en rayonnent que davantage, sculptées dans une chair orchestrale généreuse. On retrouve d’ailleurs un semblable regard rétrospectif dans la section centrale de la Polonaise ouvrant le dernier acte d’Eugène Onéguine, donnée en bis, et démontrant une dernière fois les solides qualités du Royal Philharmonic, bien comprises de son directeur musical.


Le site de Louis Lortie



Gilles Charlassier

 

 

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