Back
Réussite visuelle et orchestre au placard Aix-en-Provence Grand-Théâtre de Provence 07/21/2012 - et 8 (Lyon), 10 (Namur), 12 (Bucarest), 15 (Montsapey), 17 (Pavie), 19 (Ljubljana), 22 (Perpignan), 24 (Vichy) juillet, 15, 17 novembre (Versailles) 2012 Gioacchino Rossini : La cambiale di matrimonio
Job Tomé (Tobia Mill), Elisandra Melian (Fanny), Anthony Gregory (Edoardo Milfort), Eugene Chan (Slook), Matthieu Heim (Norton), Alexandra Schoeny (Clarina)
Stephan Grögler (mise en espace)
19e Académie Baroque Européenne d’Ambronay, Leonardo García Alarcoìn (direction musicale)
(© Bertrand Pichene)
La cambiale di matrimonio est le premier des opéras-bouffes en un acte que Rossini a composés pour le Théâtre San Moisè de Venise. Il avait à peine dix-huit ans, et les grands succès des années suivantes ont éclipsé cette partition de jeunesse où l’on trouve en germe les ingrédients de la vis comica du cygne de Pesaro. A la tête de la 19e Académie Baroque Européenne d’Ambronay, Leonardo García Alarcoìn a fait pari de faire redécouvrir au public cette musique pêchue, et une intrigue qui ne l’est pas moins – les traditionnels imbroglios amoureux d’un père qui a décidé un riche mariage pour sa fille qui en aime un autre de son âge.
Rien de mieux il va sans dire d’animer un peu la scène, et c’est à Stephan Grögler que l’on a confié les clefs du plateau. Avec un talent indéniable et trois fois rien de décors, il campe les situation avec bien plus d’efficacité que maints dispositifs plus coûteux : le Canadien emmitouflé sous plusieurs couches vestimentaires, un trolley et une franchise de mœurs à laquelle les hypocrites Européens ne sont guère habitués – on touche avec cette confrontation des civilisations un des thèmes favoris de la critique sociale du siècle des Lumières dont Rossini est le petit-fils. Sous trois lampadaires à l’avant-scène et une subtile conjugaison des éclairages, l’intrigue se noue et se dénoue moins laborieusement qu’un livret parfois bavard et à la farce prolixe.
Qu’importe finalement puisque les chanteurs y prennent un plaisir contagieux – les rires et applaudissements du public ne le contrediront point. Jeunes, les interprètes ont les vertus de leur âge. On retiendra le Slook bien en voix d’Eugene Chan, dont le timbre déjà riche s’avère prometteur lorsqu’il se libérera de l’appréciable concentration de l’émission. Séduisant Edoardo Milfort au panache léger, Anthony Gregory forme un couple idéal avec la Fanny acidulée jusqu’à l’archétype d’Elisandra Melian, lui octroyant une aisance dans les aigus et les vocalises idéale pour ce rôle de jeune première un rien piquante. Egalement sur-mesure sonne le duo de domestiques, Matthieu Heim, Norton, et Alexandra Schoeny, Clarina pleine de répartie. Compensant une relative méfiance envers son intrument, Job Tomé accuse l’agitation de Tobia Mill et franchit parfois la Maginot au-delà de laquelle la crédibilité scénique s’efface derrière la redondance.
L’ensemble est emmené avec dynamisme par Leonardo García Alarcoìn, lequel privilégie la légèreté, au risque d’une certaine superficialité des textures, renforcée par la disposition de l’orchestre au fond de la scène. Une mise au placard regrettable qui dessert le travail rythmique réalisé avec les musiciens d’Ambronay.
Gilles Charlassier
|