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Une Carmen «deshispanisée»

Lyon
Opéra
06/25/2012 -  et 27, 29 juin, 1er, 3, 5*, 7, 9, 11 juillet 2012
Georges Bizet : Carmen

Josè Maria Lo Monaco (Carmen), Yonghoon Lee (Don José), Giorgio Caoduro (Escamillo), Nathalie Manfrino (Micaëla), Vincent Pavesi (Zuniga), Angélique Noldus (Mercédès), Elena Galitskaya (Frasquita), Christophe Gay (Le Dancaïre), Carl Ghazarossian (Le Remendado), Pierre Doyen (Moralès), Cédric Cazottes (Lillas Pastia), Joël Lancelot (Un guide), Alexandre Guérinot (Une marchande d’oranges), Kwang Soun Kim (Un bohémien)
Olivier Py (mise en scène), Pierre-André Weitz (décors et costumes), Bertrand Killy (lumières), Daniel Izzo (chorégraphie, assistant à la mise en scène)
Chœurs et Maîtrise de l’Opéra de Lyon, Alan Woodbridge (direction des chœurs), Orchestre de l’Opéra de Lyon, Stefano Montanari (direction musicale)


(© Stofleth)


Que lui a donc fait Bizet pour que Stefano Montanari maltraite autant sa Carmen? Le chef italien a eu l’idée iconoclaste de façonner sa propre version du chef-d’œuvre du compositeur français, émondant ici une reprise orchestrale, comme dans le toast du toréador, ou reprenant les récitatifs de la version apocryphe créée à Vienne en 1883, sans pour autant renoncer à certaines scènes parlées. Si le néophyte y retrouve les pages les plus connues, la perplexité du mélomane croît au fil de la représentation.


Retravailler une partition sous-estimée, au style syncrétique, afin de la rendre plus convaincante pour le public d’aujourd’hui est une chose louable, et même parfois nécessaire, mais appliquer la recette à un classique du répertoire, qui plus est doué d’une aussi forte originalité esthétique, conduit à coup sûr à une impasse. Et le résultat n’a pas manqué de le sanctionner. Car la franchise de l’expression dans Carmen, flirtant parfois avec une certaine vulgarité assumée, ne s’accommode guère des circonvolutions bourgeoises dans lesquelles les remaniements du chef font sombrer l’héroïne de Bizet. Si le dynamisme de la battue sauve un premier acte au demeurant relativement préservé, le dernier se gaspille dans un bavardage qui ferait passer pour concises nombre de scènes wagnériennes. La transparence de l’étagement des pupitres de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon ne résiste pas à la réécriture de l’ouvrage.


L’idée scénographique d’Olivier Py de transposer l’intrigue dans le monde du music-hall parisien s’annonce intéressante, mais coule progressivement de concert avec la conception musicale. La cage dessinée par Pierre-André Weitz, prison pour Carmen presque à l’étroit dans le cadre de la scène de l’Opéra de Lyon, condense plutôt bien les différentes topographies de l’histoire, mais la rapidité des rotations du dispositif tend, au deuxième acte, à annihiler toute direction d’acteurs, quand la résurrection théâtrale de l’héroïne à la fin subit la médiocrité dramaturgique des arrangements. Sans compter que la désexotisation finit par devenir toxique au destin de cette Carmen dont le destin finit par indifférer.


Et l’incarnation du rôle-titre de Josè Maria Lo Monaco, fardée d’un médium de circonstance, ne s’inscrira guère dans la mémoire collective, pas davantage que le Don José hors style de Yonghoon Lee, Canio égaré au pays des bohémiens dont l’affabulation clownesque dans la scène des contrebandiers fournit la clef de l’idiome de cette voix qui rappelle un Vladimir Galouzine. Heureusement, Giorgio Caoduro assure une part du spectacle en Escamillo vigoureux à défaut d’être inoubliable. Mais c’est incontestablement la Micaëla de Nathalie Manfrino, initialement pressentie et remplaçant Sophie Marin-Degor qui lui avait été ensuite préférée, qui irradie la soirée de sa générosité émouvante, donnant sous le frémissement de la ligne vocale toute la sensibilité et le lyrisme d’un personnage de premier plan. Le public ne s’y est pas trompé et lui a justement réservé l’accueil le plus chaleureux.


Vincent Pavesi cerne Zuniga de l’énergie rustaude qui lui revient, tandis que Christophe Gay et Carl Ghazarossian, respectivement le Dancaïre et le Remendado, se distinguent dans leurs travestissements de contrebandiers en perruques et talons aiguilles d’une discrétion inénarrable. Angélique Noldus et Elena Galitskaya satisfont aux exigences de Mercédès et Frasquita. On évoquera le Moralès de Pierre Doyen ainsi que le Lillas Pastia de Cédric Cazottes. Ajoutons enfin les petits rôles: Joël Lancelot, un guide, Alexandra Guérinot, une marchande d’oranges et Kwang Soun Kim, un bohémien, ces deux derniers se détachant des chœurs, dirigés avec toujours autant d’attention par Alan Woodbridge et dont il convient de saluer une diction à la précision dont maintes formations de l’Hexagone pourraient s’inspirer.



Gilles Charlassier

 

 

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