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Atout chœur

Versailles
Chapelle royale du Château
06/25/2012 -  
Georg Friedrich Händel : Israël in Egypt, HWV 54

Julie Cooper, Grace Davidson (sopranos), Ian Aitkenhead, Caroline Trevor (altos), Simon Berridge, Jeremy Budd (ténors), Ben Davies, Stuart Young (basse)
The Sixteen, Orchestra of the Sixteen, Harry Christophers (direction)


H. Christophers (© Marco Borggreve)


La saison 2010-2011 de la programmation musicale du Château de Versailles s’était conclue par un magnifique festival Venise-Vivaldi-Versailles (voir ici); la saison actuelle se termine par «Le Triomphe de Händel», vaste hommage rendu à un autre monstre sacré de la musique baroque, Georg Friedrich Händel (1685-1759). Et encore une fois, les responsables de cette programmation n’ont pas fait les choses à moitié. Les œuvres, si elles exceptent la musique de chambre et une grande part de la musique orchestrale, vont du très connu (Le Messie, Water Music, Alcina, Jules César en Egypte) au plus rare (Tamerlano par exemple), parcourant aussi bien le répertoire instrumental que, surtout, les grands oratorios et quelques opéras. Quant aux artistes invités, on est ébloui à la lecture des noms des chanteurs (Cecilia Bartoli, Max Emanuel Cencic, Veronica Cangemi, Christophe Dumaux, Vivica Genaux...) et des chefs (Ottavio Dantone, Mark Minkowski, Jordi Savall, Jean-Christophe Spinosi, Alan Curtis, Paul McCreesh, Robert King...).


Ce soir, c’est au tour d’un autre spécialiste de Händel, Harry Christophers (né en 1953), de diriger un chef-d’œuvre du compositeur saxon, l’oratorio en deux parties Israël en Egypte. Le chef anglais, malheureusement trop rare sur les scènes nationales, nous avait laissé un magnifique souvenir lorsqu’il avait dirigé Le Messie en novembre 2000 au Théâtre des Champs-Elysées. Sa modestie sur scène n’avait d’égale que son investissement, alliant direction nerveuse et geste attentif: le résultat avait été enthousiasmant.


Il en fut de même avec ce concert de très haute volée, malheureusement donné devant un public qu’on aurait souhaité plus nombreux. Est-ce le reflet de l’accueil que le public londonien réserva à la création, le 4 avril 1739? Händel subit effectivement une grave déconvenue (contrastant avec le succès ultérieur de l’œuvre) pour plusieurs raisons: le manque de professionnalisme du chœur, pourtant sollicité du début à la fin de l’oratorio, les dimensions originelles de la pièce et, comme le souligne Jonathan Keates, «une hostilité profondément enracinée [du public] contre l’utilisation de la Bible à des fins de divertissement» (Händel, Fayard, page 282). Contrairement à d’autres oratorios où les sources sont diverses, Israël en Egypte s’inspire uniquement de l’Exode et conte la façon dont les sept plaies s’abattent sur l’Egypte de Pharaon. Remanié à plusieurs reprises par le compositeur, dans l’espoir d’obtenir enfin un accueil favorable, Israël en Egypte est certainement l’oratorio où Händel donne la plus grande place au chœur, à la fois narrateur et acteur, d’où sont d’ailleurs issus les solistes pour quelques rares passages.


Même s’il n’a pas la notoriété de certains autres ensembles vocaux, le chœur du Sixteen aura été exceptionnel. Bien que composé seulement de vingt-cinq chanteurs, il bénéficie d’un impressionnant volume sonore, renforcé sans doute par la relative étroitesse de la Chapelle royale, magnifique ouvrage baroque que l’on doit aux architectes Jules-Hardouin Mansart et Robert de Cotte, d’ailleurs non sans parfois poser quelques problèmes d’équilibre entre l’orchestre et le chœur, ce dernier couvrant sans grande difficulté la petite trentaine d’instrumentistes (notamment dans le premier chœur de la seconde partie, «Moses and the children of Israël»). Les chanteurs captivent le public grâce à une justesse sans faille et à un parfait sens du drame: quels frissons dans «The people shall hear»! Pour autant, on ne doit pas non plus oublier la sérénité du chant dans le passage «He sent a thick darkness»: là encore, la justesse de ton n’appelle que des éloges. Peu de passages solistes dans Israel en Egypte: pour autant, certains sont de pures merveilles. A commencer par le duo de basses «The Lord is a man of war» au début de la seconde partie: Ben Davies et Stuart Young y furent tout simplement parfaits. Idéal fut également le ténor Jeremy Budd, notamment dans l’air «The enemy said: I will pursue»: sa voix chaude et puissante a parfaitement illustré le caractère vengeur et conquérant de la soldatesque égyptienne à l’égard du Peuple Elu. On sera plus réservé, en revanche, sur la prestation d’Ian Aitkenhead qui, dans le passage «Thou in my mercy», a eu du mal à bien poser ses aigus et ses attaques. Mention spéciale enfin aux deux sopranos, Julie Cooper et Grace Davidson, notamment dans l’intervention conclusive et quasi divine de la prophétesse Myriam «Sing ye the Lord».


Même si elle est moins riche que dans d’autres oratorios, la partie orchestrale d’Israël en Egypte mérite qu’on s’y arrête. En sus des quinze cordes, interviennent en effet un théorbe, deux hautbois, deux bassons, deux flûtes (brièvement, dans la seule première partie), deux trompettes, trois trombones, des timbales et un clavecin (le titulaire du pupitre jouant également, au besoin, de l’orgue). Comme Händel le fait parfois, certains passages permettent aux instruments de mimer à la perfection l’atmosphère souhaitée: tels ces violons qui incarnent, plus vrais que nature, les puces et les poux ou, juste après, ces trompettes et timbales, doublant une frénésie de cordes, qui imitent parfaitement les dégâts et la panique que peut provoquer une violente pluie de grêle («He gave them hailstones»). Usant d’une gestique toujours très animée mais sans fioriture inutile, Harry Christophers confère un véritable souffle à l’épopée qui nous est narrée, sachant donner les éclairages idoines lorsque cela s’avère nécessaire. En guise d’unique réserve, on peut se demander s’il n’aurait pas été judicieux de placer les deux trompettes (voire l’ensemble des vents) sur un niveau légèrement supérieur aux cordes afin de mieux les entendre, surtout lorsque le chœur déchaîne ses foudres. Quoi qu’il en soit, la fin de l’exécution fut saluée par un public enthousiaste, emporté par une deuxième partie superlative. On ne peut, encore une fois, que souhaiter le retour rapide de Harry Christophers et des siens à Paris ou à Versailles tant leur interprétation nous a ramené aux plus belles splendeurs de l’oratorio baroque.


«Le Triomphe de Händel» au Château de Versailles
Le site de l’ensemble The Sixteen



Sébastien Gauthier

 

 

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