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Perles rares

Paris
Opéra Comique
06/19/2012 -  
Albert Roussel : Le Testament de la tante Caroline: Suite-Fantaisie (reconstitution et arrangement Thibault Perrine)
Henri Duparc : Aux étoiles
Reynaldo Hahn : Suite hongroise
Georges Bizet : L’Arlésienne

Pablo Schatzman (violon), Lidija Bizjak (piano), Maria de Medeiros (récitante), Jacques Gomez (narrateur)
Ensemble vocal et Orchestre de chambre Pelléas, Benjamin Levy (direction)
Alexandra Lacroix (mise en espace)


B. Levy (© Florence Grandidier)


A l’occasion de sa nouvelle production des Pêcheurs de perles de Bizet, l’Opéra Comique organise l’un de ses désormais traditionnels «festivals»: deux jours de colloque («Exotisme et art lyrique»), une «rencontre» avec les interprètes et des spécialistes de l’œuvre et deux concerts symphoniques. Consacré à des perles rares de musique française, le premier d’entre eux est donné par le jeune Orchestre de chambre Pelléas, associant fidèles ou anciens de la troupe des Brigands – le violoniste Pablo Schatzman (konzertmeister), l’altiste Laurent Camatte, la violoncelliste Vérène Westphal, le contrebassiste Cédric Carlier, les clarinettistes Christian Laborie et François Miquel, le trompettiste Rodolph Puechbroussous – et membres de formations françaises – Philhar’ (le percussionniste Adrien Perruchon à la percussion), National d’Ile-de-France (la violoniste Julie Oddou, l’altiste David Vainsot) – ou étrangères – Philharmonia (le violoncelliste Eric Villeminey), Orchestre de chambre de Genève (le corniste Matthieu Siegrist).


De son Testament de la tante Caroline (1933/1937), quelque peu mal aimé, même encore de nos jours, Roussel comptait tirer une Suite-Fantaisie qu’il ne put toutefois mener à bien. Ainsi que l’indique le chef Benjamin Levy (né en 1974) dans une brève présentation aux spectateurs de Favart, l’orchestrateur attitré des Brigands, Thibault Perrine, grâce à l’aide du Centre international Albert Roussel et de son président-fondateur, Damien Top, a pu accéder au manuscrit inédit, qu’il a reconstitué, complété et arrangé pour un ensemble de taille restreinte (un représentant pour chacun des bois et cuivres, timbales, percussion et cordes). Cela étant, le même Damien Top dirigeait déjà en 2000 au festival Roussel une Suite d’extraits de cet opéra-bouffe: comprenne qui pourra... En tout état de cause, on ne dira pas que ces huit minutes de musique sont essentielles à la connaissance du compositeur, mais malgré des harmonies moins poivrées qu’à l’accoutumée et des concessions au charme de l’opérette à la française, on y reconnaît toute la truculence et l’humour dont il est capable.


Lorsque, encore trentenaire, il renonça à l’écriture, Duparc brûla tout le travail qu’il avait consacré des années durant au livret et à la musique d’un drame lyrique (Roussalka) qui ne vit donc jamais le jour: seule page rescapée de cet échec, l’entracte symphonique Aux étoiles (1874) mérite considération, au-delà même du fait qu’on ne saurait se priver de cinq précieuses minutes dans un catalogue aussi réduit, d’autant que Levy fait ressortir avec beaucoup d’à-propos la poésie de ce nocturne à l’instrumentation délicate, entre légèreté du Songe d’une nuit d’été et effluves plus tristanesques.


Ciboulette sera à l’affiche de Favart en février prochain sous la direction de Laurence Equilbey et dans une mise en scène de Michel Fau, mais Reynaldo Hahn n’a pas laissé que des opérettes et des mélodies, car il a aussi composé de la musique de chambre et des pièces concertantes. C’est le cas de cette fort curieuse Suite hongroise (1948) pour violon, piano, cordes et percussion, qui attendit plus d’un demi-siècle (2002) sa première exécution publique. Au moment même où la «démocratie populaire» s’installait progressivement en Hongrie, Hahn montre qu’il demeure un homme d’un autre temps et d’un autre monde, d’avant 1939 et même d’avant 1914, celui d’un pittoresque aimable qui n’évoque ni Bartók ni Kodály, ni même le Brahms des Danses hongroises ou le Ravel de Tzigane, mais plutôt quelque divertissement sans prétention, sucré comme un verre de tokay, qu’un Saint-Saëns aurait pu signer.


Car le contenu de ces trois mouvements de près de vingt minutes demeure bien léger, à tous les sens du terme, indépendamment même d’un langage très daté: «Parade» où les solistes, Pablo Schatzman (né en 1974) et Lidija, l’aînée des sœurs Bizjak (née en 1976), se relaient dans des figures virtuoses, alternance d’airs doucereux et de rythmes entraînants des «Trois images de la reine de Hongrie» puis des «Chants et danses». Leur choix de bis est soigné, à la fois original, comme le reste du programme, et dans un esprit assez proche du triptyque de Hahn: la Valse triste (1913) de Franz von Vecsey (1893-1935), violoniste – hongrois, bien sûr – élève de Hubay, qui fut le dédicataire – à douze ans! – de la révision du Concerto de Sibelius et qui se produisait dans toute l’Europe avec un accompagnateur nommé Bartók.


La très longue seconde partie (65 minutes) est dévolue à L’Arlésienne (1872) de Bizet, dans une «mise en espace» d’Alexandra Lacroix, qui a adapté la nouvelle et la pièce de Daudet avec Pauline Sabatier, pour les répartir entre un narrateur, l’une des basses du petit chœur, qui fixe le cadre de l’action, et une récitante (sonorisée), qui tient les différents rôles. Installée successivement en divers points du plateau (et même dans une baignoire de la corbeille, côté cour), Maria de Medeiros lit son texte, mais le travail donne l’impression de porter moins sur ses déplacements que sur la scénographie (baquets et seaux vides, échelles et escaliers, porte et haute fenêtre, banc, table et bouteilles vides, candélabre).


La note de programme peut légitimement revendiquer le label «version originale» pour cette Arlésienne, dans le sens où paroles et musique se superposent parfois, comme le veut le genre du mélodrame, et où c’est la partition initiale qui prévaut, tant dans son instrumentation, assez économe malgré la présence du piano, que dans son découpage en fragments parfois très brefs collant de près à l’action, sans rapport avec celui auquel Bizet devait procéder lorsqu’il en tira lui-même deux suites pour grand orchestre. Plutôt que le timbre niaiseux et l’élocution vulgaire de la comédienne, le public se laisse emporter par la baguette à la fois intense, vigoureuse et fine de Benjamin Levy, qui suscite des miracles dans l’orchestre, et par un bel ensemble vocal de douze chanteurs où l’on retrouve quelques familiers des Brigands (les sopranos Camille Slosse et Charlotte Plasse, les ténors Olivier Hernandez et David Ghilardi, les basses Jacques Gomez et Jean-Philippe Catusse). Dès lors, comment ne pas bisser la célèbre farandole?


Le site de Benjamin Levy
Le site de Lidija Bizjak
Le site de l’Orchestre de chambre Pelléas
Le site du Centre international Albert Roussel



Simon Corley

 

 

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