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Et ce sont là les souvenirs de Manon Lescaut

Liège
Palais Opéra
06/17/2012 -  et 20, 23, 26 juin 2012
Jules Massenet : Manon
Silvia Vazquez (Manon), Ismaël Jordi (Le chevalier Des Grieux), Massimiliano Gagliardo (Lescaut), Marcel Vanaud (Le comte Des Grieux), Guy de Mey (Guillot de Morfontaine), Roger Joakim (De Brétigny), Alexise Yerna (Rosette), Sabine Conzen (Poussette), Marie-Laure Coenjaerts (Javotte)
Chœurs de l’Opéra royal de Wallonie, Marcel Seminara (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Patrick Davin (direction)
Stefano Mazzonis di Pralafera (mise en scène), Jean-Guy Lecat (décors), Frédéric Pineau (costumes), Franco Marri (lumières)


(© Jacky Croisier)


L’Opéra royal de Wallonie joue de malchance à l’occasion de cette nouvelle production de Manon (1884) de Massenet : défection de June Anderson, qu’elle justifie notamment par «une mésentente fondamentale entre le metteur en scène et moi concernant l’acte I», et annulation de la première le 14 juin pour cause de grève du personnel. Avec tout le respect qu’il convient de porter à la soprano américaine, le public ne perd pas au change avec Silvia Vazquez qui possède la juvénilité requise par le rôle-titre grâce à sa fraîcheur et à un timbre délicat et épicé. Sans doute le portrait qu’elle dresse de la jeune fille accuse-t-il un léger déficit de caractérisation, de nuance et de naturel mais la voix, peu puissante, est mise au service d’un chant proprement tenu, même dans les aigus. Malgré un léger accent, inévitable, la diction s’avère correcte, sans plus, de même que celle d’Ismaël Jordi, dont le timbre typique de ténor lyrique léger convient sans problème au chevalier Des Grieux – sa biographie indique d’ailleurs qu’il a étudié avec Alfredo Kraus, un des grands titulaires du rôle. A son actif figurent une réelle prestance sur scène, de la sensibilité dans son approche du personnage et, surtout, un chant vibrant, expressif et élégant.


Le reste de la distribution évolue à un niveau moyen : Lescaut quelconque de Massimiliano Gagliardo, De Brétigny anonyme de Roger Joakim, Guillot de Morfontaine déjanté mais bien campé de Guy de Mey, qui adopte le style vestimentaire extravagant d’un créateur de mode irritant (lunettes de soleil comprises). Lorsque le vétéran Marcel Vanaud intervient en comte Des Grieux, le public entend enfin un français digne de ce nom. Le timbre s’est sans doute légèrement appauvri avec le temps mais le baryton belge conserve toute sa distinction sur scène tandis que Alexise Yerna, Sabine Conzen et Marie-Laure Coenjaerts tiennent leur rang dans le trio inséparable formé par Rosette, Poussette et Javotte. Récemment nommé directeur musical de l’Orchestre symphonique de Mulhouse, Patrick Davin tente d’obtenir ce qu’il peut d’un orchestre routinier et éteint. Les pupitres (cordes disparates, bois peu expressifs) restituent avec peu de bonheur et de constance la clarté, la richesse et la délicatesse de cette musique qui mérite un meilleur sort – assurément la grande déception de ce spectacle. Préparé par Marcel Seminara, le chœur s’investit comme à son habitude mais il manque d’un peu de mordant dans l’hôtel de Transylvanie.


Qu’ose Stefano Mazzonis di Pralafera dans sa mise en scène pour susciter ainsi une telle «mésentente fondamentale» ? Rien de provocateur et d’indécent en tout cas : le directeur général et artistique de l’Opéra royal de Wallonie prend comme point de départ l’idée, bonne au fond, que Manon se souvient de son passé. Au début du premier acte, le public la découvre avec le chevalier Des Grieux à la fin de l’histoire tandis que derrière un voile transparent, et selon le procédé du flash back, se déroule l’arrivée de la jeune fille – une doublure en réalité – dans un restaurant de style Belle Epoque (et non dans une auberge amiénoise). Jean-Guy Lecat a imaginé en guise de décor un livre géant dont les pages tournent au fur et à mesure. Plus d’un pensera à ces livres qui s’ouvrent en relief et qui émerveillent petits et grands. Une table comme symbole («Adieu notre petite table») revenant tout au long du spectacle, quelques petites maladresses (bruit de voiture ou de moto lorsque le chevalier quitte Manon au deuxième acte...), des costumes d’époques différentes pour suggérer l’intemporalité du sujet : même si le décor en carton-pâte grince un peu, le spectacle tient la route et souligne les contrastes entre les scènes intimes et pittoresques qui donnent du sel à l’ouvrage.


L’exil au Palais Opéra a finalement constitué une agréable parenthèse. Chacun est maintenant impatient de retrouver le théâtre rénové la saison prochaine avec, pour cette inauguration très attendue, une nouvelle production de Stradella de Franck orchestré par Luc Van Hove, dirigée par Paolo Arrivabeni et mise en scène par le cinéaste belge Jaco Van Dormael (du 19 au 29 septembre). Un choix extrêmement audacieux.



Sébastien Foucart

 

 

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