About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Impressionnisme, expressionnisme...

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
06/04/2012 -  et 6 (Bruxelles), 8 (Köln), 9 (Hamburg), 10 (London) juin 2012
Gabriel Fauré : Pelléas et Mélisande (Suite), opus 80
Maurice Ravel : Concerto pour la main gauche
Claude Debussy : Prélude à l’après-midi d’un faune – La Mer

Pierre-Laurent Aimard (piano)
Orchestra of the Age of Enlightenment, Sir Simon Rattle (direction)


S. Rattle (© Simon Fowler)



Jusqu’au 11 juin se tient, au Musée de l’Orangerie, une magnifique exposition consacrée à «Claude Debussy, la Musique et les Arts» dans le cadre des célébrations du cent cinquantième anniversaire de la naissance du compositeur. Et il est vrai que, se développant à une époque où les talents picturaux se sont multipliés, la musique de Debussy (1862-1918) éclate au niveau des couleurs et innove à plus d’un titre: le rapprochement entre ces deux grandes formes d’art que sont la peinture et la musique était donc d’actualité et peut également servir de fil conducteur au programme musical donné par l’Orchestre de l’Age des Lumières dirigé par Sir Simon Rattle. Ce n’est pas la première fois que le chef titulaire du Philharmonique de Berlin dirige cette phalange avec laquelle il a exploré aussi bien la période baroque (notamment Rameau) que l’ère romantique avec des symphonies de Schumann ayant laissé une impression fort mitigée selon qu’elles se donnaient en Belgique ou en France. Même si l’on a pu entendre l’Orchestre de l’Age des Lumières dans un répertoire plus récent (qu’il s’agisse par exemple de Bruckner ou de Mahler), force est de constater que les sonorités de cet ensemble conviennent moins bien à ce répertoire qu’au précédent, ainsi qu’on aura pu le constater ce soir.


Comme celui de Daniele Gatti et de l’Orchestre national de France il y a quelques mois, ce concert entièrement dédié à la musique française commençait par la Suite de Pelléas et Mélisande (1898-1901) de Gabriel Fauré (1845-1924). Sir Simon Rattle, tout de noir vêtu, impose d’emblée un climat extrêmement délicat où l’acidité des cordes se fait oublier (l’orchestre jouant sur instruments anciens), laissant la place à un beau volume et à un dégradé de coloris magnifiquement conduit par Rattle, à l’image des Iles d’Or peintes par Henri-Edmond Cross quelques années plus tôt (1891-1892). La fluidité de la «Fileuse» (malheureusement desservie par un hautbois au son particulièrement désagréable) et la poésie de la «Sicilienne» sont également évocatrices de ces toiles peintes par Maurice Denis (on pense par exemple à La Farandole, 1895) dominées par une grande quiétude qui gagne le spectateur dès le premier regard. Dans «La Mort de Mélisande», ce sont les basses (violoncelles et contrebasses) qui impressionnent au point que le public n’applaudit pas immédiatement une fois le dernier accord tombé – mais peut-être est-ce également le fait d’une certaine méconnaissance de la partition...


Dans le Concerto pour la main gauche (1930) de Ravel, les musiciens de l’orchestre et Sir Simon sont rejoints par Pierre-Laurent Aimard, lui aussi habillé en noir, qui est un habitué de l’œuvre pour l’avoir récemment donnée sous la baguette de Fabien Gabel ainsi que, il y a quelque temps déjà, sous celle de Pierre Boulez (qui dirigeait alors le Philharmonique de Berlin dans le cadre du Festival d’Aix-en-Provence) ou de Marc Albrecht) lors d’un concert donné à Strasbourg. Le pianiste français se joue des difficultés et, après avoir franchi le climat inquiétant parfaitement rendu par le contrebasson, la clarinette basse et les cordes graves de l’orchestre (on se tourne là vers la sombre peinture de Whistler...), assume pleinement les accents jazzy du concerto. Faisant très adroitement varier le volume sonore de la partition, le soliste confère à ces phrases une intensité de tous les instants même s’il se fait parfois déborder par l’orchestre, rompant ainsi l’équilibre souhaité par le compositeur. Pour sa part, Rattle conduit l’ensemble avec une très grande attention, faisant oublier les quelques imprécisions de certains instrumentistes. Le triomphe remporté permit à Aimard de montrer, comme il le dit lui-même au public, que sa main droite fonctionnait également: moment d’une tristesse extrême, avec le sixième Préludes du Premier Livre, «Des pas dans la neige» (1909).


C’est justement à Debussy que la seconde partie du concert était tout entière consacrée, avec certainement ses deux œuvres orchestrales les plus célèbres. On est déçu par le Prélude à l’après-midi d’un faune (1894), inspiré d’un poème de Stéphane Mallarmé et mis en scène par Nijinski. La flûte solo manque de séduction, le hautbois est toujours aussi peu agréable à écouter, les attaques du cor solo sont plus que perfectibles, les trémolos de cordes sont marqués par une sècheresse rédhibitoire et la peinture qu’en offre Rattle est finalement très fade, à l’image des couleurs brunâtres du projet de décor peint par Léon Bakst pour le ballet de Nijinski en 1912. Quant à La Mer (1903-1905), Rattle en offre une vision extrêmement détaillée où la clarté des pupitres bénéficie notamment d’un refus de tout legato excessif. S’il est intéressant d’entendre telle phrase ou tel pupitre qui s’avère peut-être plus discret habituellement, il n’en demeure pas moins que cette Mer relève davantage du pointillisme d’un Seurat ou d’un Sisley que de cette mer étale et chatoyante comme a pu la peindre Manet dans son tableau Sur la plage (1873). L’accueil enthousiaste du public fut récompensé par un bis, Sir Simon Rattle et l’orchestre donnant alors la Deuxième Gymnopédie d’Erik Satie: finesse absolue qui a conclu un concert dont on attendait peut-être trop, en tout cas davantage.


Signalons enfin que Sir Simon Rattle sera de nouveau sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées le 19 juin prochain, en compagnie de l’Orchestre philharmonique de Vienne, pour un programme prometteur associant Brahms, Webern et Schumann.


Le site de l’Orchestre de l’Age des Lumières
Le site de Pierre-Laurent Aimard



Sébastien Gauthier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com