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La fidélité de Sigiswald Kuijken

Paris
Eglise Saint-Roch
05/30/2012 -  et 31 mai 2012 (Amsterdam)
Johann Sebastian Bach : Cantates BWV 34 «O ewiges Feuer, O Ursprung der Liebe», BWV 173 «Erhöhtes Fleisch und Blut», BWV 184 «Erwünschtes Freudenlicht» et BWV 129 «Gelobet sei der Herr»

Gerlinde Sämann (soprano), Petra Noskaiová (alto), Christoph Genz (ténor), Jan van der Crabben (basse)
La Petite Bande, Sigiswald Kuijken (violon solo et direction)


S. Kuijken


Il est facile de multiplier les concerts consacrés aux cantates de Johann Sebastian Bach (1685-1750) puisque, celui-ci ayant dû en composer pour chaque dimanche de l’année liturgique, chaque fête religieuse chrétienne est l’occasion d’entendre une œuvre qui a été spécifiquement pensée pour l’occasion. Ainsi, sous la houlette des Productions Philippe Maillard, l’Eglise Saint-Roch a pu célébrer par le passé les fêtes pascales sous la direction de Philippe Herreweghe (qui dirigeait notamment l’Oratorio de Pâques) ou, déjà, de Sigiswald Kuijken, qui avait alors conduit trois cantates destinées aux trois dimanche suivant la fête de Pâques proprement dite (voir ici). Aujourd’hui, évidemment, toujours épaulé par La Petite Bande, le chef flamand donnait cette fois-ci quatre cantates célébrant la fête de la Pentecôte, commémorant la descente de l’Esprit Saint sur les Apôtres cinquante jours après Pâques.


Ce concert, attirant comme souvent un public d’habitués fervents de ce lieu et de ce répertoire (l’église n’étant pourtant pleine qu’aux deux tiers), se plaçait sous le signe d’une triple fidélité. Tout d’abord, on y pensait et Kuijken l’a souligné lui-même dans une brève allocution après l’entracte, le 30 mai est le jour de l’anniversaire de Gustav Leonhardt qui, décédé en janvier dernier, aurait eu quatre-vingt-quatre ans. Comment Kuijken pouvait-il ne pas penser à l’influence que Leonhardt a exercée sur lui (comme sur bien d’autres interprètes de tout premier plan du répertoire baroque!) lorsqu’il est monté sur scène ce soir? Deuxième fidélité, celle qui lie Kuijken à l’œuvre de Bach, œuvre qu’il n’a cessé d’interpréter, de diriger, de réinventer et de renouveler (adoptant notamment la règle qui confie chaque partie du chœur à une seule voix quitte, on le verra, à ce que cela pose quelques problèmes d’équilibre entre chanteurs et orchestre). Troisième fidélité, celle qui le lie aux chanteurs de cette soirée, qui sont les mêmes que ceux qu’il avait dirigés voilà deux ans pour les fêtes pascales.


Par une sorte de jeu de miroir, chaque partie du concert comportait une cantate requérant un effectif orchestral complet (à défaut d’être conséquent puisque ne comptant au maximum que seize musiciens) avec trois trompettes, des timbales, deux hautbois (il s’agit des première et dernière cantates du programme, les BWV 34 «O ewiges Feuer, O Ursprung der Liebe» et BWV 129 «Gelobet sei der Herr») et une cantate aux dimensions plus intimistes, mettant à chaque fois les deux flûtistes en valeur (accompagnés seulement par trois violons et une basse continue). Dès les premiers accords du long chœur inaugural de la Cantate BWV 34 (1727), on est transporté par cette ferveur musicale où, malheureusement, et bien que ne jouant jamais forte, les trompettes couvrent rapidement les quatre chanteurs: cette réalité, perceptible depuis le onzième rang de l’église, était, si l’on en croit quelques échanges entre spectateurs à l’entracte, bien pire vers le fond de la nef où l’auditeur n’a entendu qu’un ensemble musical assez nébuleux. Pour autant donc, on ne peut que saluer l’interprétation globale de l’œuvre où se distingue l’alto Petra Noskaiová (sa voix manquant néanmoins de volume dans le medium) dans l’air «Wohl euch, ihr auserwählten Seele» («Bienheureuses sont les âmes élues»), où l’on assiste par ailleurs à un beau jeu d’écho entre flûtes et violons. Le caractère brillant, voire solennel, de certaines cantates se retrouve dans la Cantate BWV 129 (1726), où le premier mouvement glorifie le Seigneur – Kuijken et son équipe le bisseront d’ailleurs – de même que le choral conclusif. Cette cantate permet également à trois des quatre solistes de se mettre en valeur, chacun se voyant confier un air spécifique. Après la basse, accompagnée seulement par l’orgue (tenu par Benjamin Alard) et la basse de violon (jouée par Marian Minnen), ce fut au tour de l’alto (chantant au milieu des échanges entre le violon solo et une flûte respectivement tenus avec maestria, tout au long concert, par Sigiswald Kuijken lui-même et Frank Theuns) et de la soprano, Gerlinde Sämann, dont la voix radieuse fut idéalement accompagnée par le hautbois d’amour de Vinciane Baudhuin.


Les deux autres cantates, BWV 173 «Erhöhtes Fleisch und Blut» et BWV 184 «Erwünschtes Freudenlicht», requièrent pour leur part un effectif instrumental beaucoup plus resserré: trois violons, deux flûtes (dont le thème était fréquemment doublé par le violon solo) et une basse continue. Dans la Cantate BWV 173 (1724), le duo entre la basse Jan van der Crabben et la soprano Gerlinde Sämann fonctionne très bien dans le passage «Nun wir lassen unsre Pflicht», faisant ainsi rapidement oublier une voix un peu sèche de la soprano dans sa précédente intervention «Sein verneuter Gnadenbund». On soulignera également l’accompagnement du récitatif suivant, dévolu à la soprano et au ténor, qui a permis de bien entendre le violoncelle da spalla (tenu par Makoto Akatsu), petit violoncelle tenu en bandoulière à l’image d’une guitare et dont Kuijken avait joué lors du concert pascal donné ici même il y a un peu plus de deux ans. Quant à la Cantate BWV 184, elle est dominée par l’interprétation rayonnante des deux voix féminines dans un air («Gesegnete Christen, glückselige Herde») tout en douceur et en joie.


Signalons dès à présent que les amateurs pourront retrouver, en cette même église Saint-Roch, Sigiswald Kuijken et son équipe interpréter quatre cantates de Bach le 29 novembre prochain, Philippe Herreweghe et les siens en donnant quatre autres le 28 janvier 2013. Quant à La Petite Bande, elle sera également dirigée de l’orgue par Benjamin Alard le 25 avril 2013 dans des concertos pour orgue de Georg Friedrich Händel. Gageons que, pour ces trois concerts, le public sera là aussi fidèlement au rendez-vous.


Le site de la Petite Bande



Sébastien Gauthier

 

 

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