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Piano-spectacle

Strasbourg
Palais de la Musique et des Congrès
05/15/2012 -  et 16 mai 2012
Dimitri Chostakovitch : 24 Préludes et Fugues pour piano, op. 87: Prélude et fugue n° 24 en ré mineur (orchestration : Arthur Harris)
Camille Saint-Saëns : Concerto n° 2 pour piano et orchestre en sol mineur, op. 22
Anton Dvorák : Symphonie n° 8 en sol majeur, op. 88

Fazil Say (piano)
Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja (direction)


F. Say

Début de soirée original avec ce Vingt-quatrième Prélude et Fugue de Chostakovitch orchestré par Arthur Harris, musicien contemporain néo-zélandais que le programme du concert définit comme « intéressé par tous les genres musicaux » et auteur de «pièces d’électroacoustique, de jazz et même de rock !». Chostakovitch a éprouvé en 1950, lors d’un séjour à Leipzig, une subite tentation néo-classique qui s’est matérialisée sous la forme d’un atypique (et plutôt austère) recueil de 24 Préludes et fugues pour piano, reçu à l’époque comme «formaliste et d’écriture décadente » par l’union des compositeurs soviétiques. Voir le compositeur de Lady Macbeth de Mzensk se confronter ainsi aux modèles de Bach est plutôt instructif. Et il est également amusant de constater que ce rôle d’imitation l’expose, tout comme Bach, à devenir ensuite la proie d’orchestrateurs plus ou moins doués. On se gardera de juger le résultat de la transposition d’Arthur Harris de façon trop tranchée, tant les options d’un tel travail sont subjectives. Par endroits la masse orchestrale paraît lourdement maniée, d’une compacité peu compatible avec la transparence de l’original pianistique. De surcroît l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg n’y apparaît pas son meilleur jour, avec le retour de sonorités caverneuses dans les tutti que l’on avait un peu oubliées ces derniers temps. Le début de la fugue, avec ses entrées distribuées successivement aux bois, paraît plus lisible, et la péroraison, spectaculaire, donne à l’ensemble un statut de curiosité chostakovienne de bon aloi.


Autre moment rare : la prestation du pianiste d’origine turque Fazil Say. Tenue vestimentaire atypique, arrivée en scène bizarre, démarche hésitante, attitude exagérément voûtée devant l’instrument, jeu qui semble connaître surtout l’exagération comme moyen d’expression… On assiste à une caricature, au sens premier du terme, du Deuxième Concerto pour piano de Saint-Saëns. La performance, pianistiquement époustouflante, est à apprécier comme telle, car l’œuvre dont il est question n’est pas sans faiblesses. Et, après tout, il est vrai qu’à ce point chahutée elle acquiert un panache inhabituel. Les basses sont assénées avec la violence de coups de canon, les tempi sont bousculés et crispés, les équilibres de nuances tellement distordus que certains accords joués exagérément pianissimo paraissent omis... Mais il s’agit aussi d’une démonstration de virtuosité comme on n’en entend pas tous les jours, très lisztienne, au sens de ces fameuses caricatures où l’on voit le démiurge compositeur de Mazeppa jouer du piano comme s’il s’agissait d’un instrument surréaliste éclaté en mille morceaux. Le public, enchanté, se déchaîne comme rarement à l’issue de cette démonstration de trapèze volant. A moins qu’il s’agisse plutôt d’un numéro de funambulisme ou d’acrobaties orientales... Pas tout à fait d’un concerto en tout cas, même si Marko Letonja, plutôt ahuri par tout ce qui se passe dans son dos, parvient à préserver la cohésion de l’ensemble avec un aplomb étonnant. Deux bis très « Fazil Say » complètent cette apparition fulgurante : une composition personnelle mélangeant accords arpégés et sons obtenus directement en bloquant les étouffoirs dans l’instrument et ensuite un numéro « jazzy » diaboliquement réussi. C’est finalement dans cet univers-là, totalement décalé, que le pianiste nous paraît indiscutable, beaucoup plus que lorsqu’il s’amuse à tirer sur la barbe de Saint-Saëns.


Terminaison sage et même impeccable, avec une Huitième Symphonie de Dvorák d’une grande précision instrumentale, dont le Philharmonique de Strasbourg délivre une exécution exemplaire. Marko Letonja parvient très bien à concilier les grands équilibres et à donner de l’œuvre une juste image, à la fois savante, avec ses miasmes brahmsiens bien assimilés, et avenante, toute empreinte d’un lyrisme mélodique populaire restitué avec souplesse. Bonne prestation, un peu trop réservée, de Sandrine François, flûtiste à laquelle échoit un rôle déterminant dans cette symphonie toujours aussi agréable à écouter. Une fin de concert apaisante, après une partie médiane franchement agitée.



Laurent Barthel

 

 

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