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Nouveau succès verdien à Tours Tours Grand-Théâtre 05/11/2012 - et 13, 15 mai 2012 Giuseppe Verdi : Macbeth
Enrico Marrucci (Macbeth), Jana Dolezilková (Lady Macbeth), Luca Lombardo (Macduff), Jean Teitgen (Banquo), Christophe Berry (Malcolm), Julie Pastoureau (Dame de Lady Macbeth), Henri-Bernard Guizirian (Le Médecin)
Chœur de l’Opéra de Tours, Emmanuel Trenque (chef de chœur), Orchestre symphonique Région Centre-Tours, Jean-Yves Ossonce (direction musicale)
Gilles Bouillon (mise en scène), Nathalie Holt (décors), Marc Anselmi (costumes), Michel Theuil (lumières)
E. Marrucci, J. Dolezilkova (© François Berthon)
Après un Simon Boccanegra fort réussi l’an passé – et avant Rigoletto et Un Bal masqué déjà annoncés pour l’année prochaine –, l’Opéra de Tours reste fidèle à Verdi en affichant Macbeth comme dernier titre de sa saison. Même chef d’orchestre, même metteur en scène et même décoratrice pour ces deux spectacles, ce qui leur donne forcément un air de famille. Rien de dérangeant dans l’imagerie qui nous est proposée, mais une coloration générale bien venue, la plupart du temps sombre et suffocante, et une atmosphère qui transpire la mort. Gilles Bouillon, directeur du tout proche Centre dramatique régional de Tours, s’en tient à une illustration de l’opéra, qui a au moins le mérite d’être lisible par tous. D’acte en acte, de tableau en tableau, quelques éléments simples viennent situer l’action, tout en respectant une stylisation d’ensemble plutôt réussie. Cela posé, avec une œuvre aussi dense que Macbeth, ne pouvait-on attendre une illustration plus originale?
Heureusement, Jean-Yves Ossonce sait exalter ce qu’il y a de nouveauté, de force, et parfois d’âpreté, dans la musique de cet opéra qui semble jouer constamment sur des exigences contradictoires. La tension dramatique s’y accompagne de moments de chant à l’ornementation particulièrement délicate, ce qui requiert, à tous les niveaux de l’interprétation musicale, un discours jamais monotone. Avec autant de finesse que de fermeté, le chef français réussit à trouver ces équilibres nécessaires, en respectant les différentes facettes du drame.
En tête de distribution, nous placerons sans hésiter Enrico Marrucci (remplaçant Marc Barrard, initialement annoncé), impressionnant, ou mieux troublant, dans le rôle-titre. Dominant largement le plateau, le baryton italo-américain force l’admiration par l’intensité de son engagement. Faute d’une direction d’acteurs adéquate, son personnage s’engage pourtant d’abord dans une véhémence surtout extérieure, mais sa sincérité et sa force de conviction emportent bientôt l’adhésion, et nous avons particulièrement goûté sa palette contrastée de sentiments. La beauté du chant surtout, capable, après les plus farouches éclats, de moduler et de nuancer admirablement la scène des apparitions, lui a valu un accueil enthousiaste – et mérité – aux saluts.
Il trouve en Jana Dolezilková une Lady Macbeth convaincante, même si l’on peut rêver pour ce rôle d’une voix plus forte en volume et plus mordante. La sienne, conduite avec une grande habileté, sait passer de la caresse à l’imprécation, de l’insinuation à la violence. Dans la cabaletta du second acte, «Trionfai! Securi al fine», la soprano slovaque fait preuve, en outre, d’une remarquable agilité. Si on aurait aimé que le fameux contre-ré bémol qui conclue la scène du somnambulisme fût davantage sur un fil di voce, on ne boudera pas son plaisir devant une incarnation accomplie d’un des rôles les plus exigeants du répertoire verdien.
Grand habitué des lieux, Luca Lombardo impose un Macduff de premier plan, en délivrant notamment un sobre et lumineux «Ah, la paterna mano». Banquo est superbement incarné par la basse française Jean Teitgen, voix d’airain, qui pare le personnage d’une aura fataliste fort bien vue. On saluera, enfin, le remarquable travail du chœur maison, superbement préparé par Emmanuel Trenque, constamment sur la brèche avec une parfaite homogénéité, et une riche palette de nuances.
Emmanuel Andrieu
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