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Plácido redevient ténor

Madrid
Teatro Real
05/08/2012 -  & 10, 13*, 16, 19, 22 mai, 2012
Franco Alfano: Cyrano de Bergerac
Ainhoa Arteta (Roxane), Plácido Domingo (Cyrano), Michael Fabiano (Christian), Angel Ódena (De Guiche), Laurent Alvaro (Raguenau), Christian Helmer (Le Bret), Franco Pomponi (Carbon, Valvert)
Choeur et orchestre du Teatro Real, Andrés Máspero (chef du chœur), Pedro Halffter (direction musicale)
Petrika Ionesco (mise en scène, décors et lumières), Lili Kendaka (costumes)


P. Domingo & A. Arteta (© Javier del Real/Teatro Real)


Pour un comédien moyen, la pièce de Rostand est une aubaine: il s’en tire brillamment grâce à un rôle peu difficile, sans trop de nuances, et les bravades du protagoniste (fanfaron et poète, matamore et amoureux, rebelle et patriote) lui attirent les sympathies, tout comme ses échecs en amour. On a vu de grands acteurs dans ce rôle toujours favorable : Depardieu au cinéma (José Ferrer, bien avant lui), Josep Maria Flotats au théâtre, entre autres. Cette pièce agile, un pseudo-classique à succès pendant plus d’un siècle, a attiré l’attention de quelques musiciens. Le Cyrano de Bergerac de Franco Alfano, composé dans années trente, est un opéra qu’on ne peut pas ignorer complètement, sans pour autant le considérer comme un titre incontournable de l’opéra du XXe siècle. Un opéra brillant parfois, ennuyeux souvent, avec un recitativo cantabile pas toujours réussi. Cet opéra ne fonctionne que dans les moments de tension, quand la scène « éclate » : les fanfaronnades à l’épée, les chœurs, les mousquetaires (la tirade des cadets de la Gascogne déçoit un peu, malgré la bonne idée de la faire partager avec Carbon et le chœur des cadets), mais aussi la belle scène du balcon, où on assiste à un duo d’amour très intéressant, émouvant aussi, une des belles idées de Rostand dans la pièce (on le sait, le duo est un duo « à trois »), très bien résolue par Alfano dans un des moments les plus beaux de cet opéra. Les autres moments intimistes, de conversation, voire d’introspection même feinte de Cyrano ne sont pas du meilleur niveau. Le tableau de la guerre et celui de la gazette (la fin !) accumulent les occasions de s’ennuyer.


Dans l’opéra on conserve les personnages secondaires de la pièce, mais au théâtre ces personnages sont là pour mettre le protagoniste en valeur ; chez Alfano on dirait qu’ils y sont, au contraire, pour le gêner. À part Roxane et Cyrano, voire Christian, les autres personnages restent peu définis, assez fades même. Justement, dans la représentation vue au Teatro Real (qui vient du Châtelet de Paris), le trio protagoniste a remporté un succès mérité sans partage, ou partagé avec Pedro Halffter et l’orchestre. Domingo est toujours bien reçu dans sa ville natale ; plus que cela : il y est le idolâtré. Domingo est redevenu ténor après ses excursions comme baryton (Boccanegra) et il possède toujours cette voix incommensurable qu’on lui connaît bien. Et quel beau mouvement de tendresse à la fin de la représentation du 13 mai devant une Ainhoa Arteta incapable maîtriser son émotion devant les applaudissements très mérités pour sa création de Roxane ! Très à propos après la mort de Cyrano dans ses bras, mais aussi parce qu’on sait qu’elle n’était pas prévue pour ce rôle. Le public de la soirée a su la remercier pour cet incroyable sauvetage. Elle donne de l’éclat au rôle de Roxane, de l’émotion, avec un chant de très grande qualité, très brillant parfois, peut-être plus dans l’opéra d’Alfano qu’il n’en a tout au long de la pièce de Rostand. À ses côtés, il faut aussi saluer le jeune premier, l’autre ténor, l’américain Michael Fabiano, lyrique, possédant un beau timbre, qui a su résister à une approche de type « divo ».


Cette fois encore, Pedro Halffter nous montre qu’il n’est pas le premier chef d’orchestre venue, une des baguettes les plus éminentes du continent, à notre avis, ainsi qu’à celui de nombreux mélomanes. La trame musicale du Cyrano d’Alfano concentre des difficultés qui s’accumulent pendant les moments les plus brillants avec les chœurs, et doit résoudre aussi les moments où la scène explose. Toute une besogne.


La saison 2011-2012 du Teatro Real est remplie de nouveautés ou d’opéras du XXe siècle, et peut-être ce Cyrano est-il une concession. Oui, mais, après tout, c’est un opéra peu connu… du XXe siècle. Peut-être s’agit-il d’un cadeau que Plácido fait aux amoureux de sa voix et de son sens du théâtre lyrique pour six représentations seulement. Mais cette œuvre d’Alfano est aussi un contraste dans une saison aussi moderne, entre le sublime du Pelléas et Mélisande de Wilson (Octobre 2011) et le snobisme d’autres spectacles. Cette mise en scène du roumain Petrika Ionesco, soignée, belle, sans reproche majeur fait, en revanche, un peu vieillot.



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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