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L’autre Otello Bruxelles La Monnaie 04/25/2012 - et 29* avril, 3 mai 2012 Gioachino Rossini : Otello, ossia Il moro di Venezia Gregory Kunde (Otello), Anna Caterina Antonacci (Desdemona), Giovanni Furlanetto (Elmiro), Dmitry Korchak (Rodrigo), Dario Schmunck (Iago), Josè Maria Lo Monaco (Emilia), Stefan Cifolelli (Lucio), Tansel Akzeybek (Doge/Un gondoliere)
Chœurs de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Evelino Pidò (direction)
L’Otello (1816) de Rossini évolue dans l’ombre de celui de Verdi mais il en sort progressivement. L’Opernhaus de Zurich l’a récemment monté en confiant Desdemona à Cecilia Bartoli qui affronte un rôle créé par la Colbran au Teatro del Fondo de Naples. L’ouvrage requiert en effet des voix accomplies et aguerries aux exigences du bel canto, dont trois ténors d’exception pour Otello, Iago et Rodrigo, ce qui explique peut-être, du moins en partie, sa relative rareté. Le livret du marquis Francesco Maria Berio di Salsa s’écarte sensiblement de la pièce de Shakespeare et, par conséquent, de celui de Boito : Iago apparaît très peu, au contraire de Rodrigo, personnage central, Elmiro, le père de Desdemona, constitue une autre figure importante tandis que Cassio est absent de l’intrigue. Autre signe distinctif : la différence qualitative considérable entre les deux premiers actes, du bon voire du très bon Rossini, et le troisième, nettement plus efficace, dense et inventif.
La Monnaie en propose une version de concert avec, à la tête de l’orchestre maison, Evelino Pidò qui collabore avec lui pour la première fois – il reviendra la saison prochaine dans Roméo et Juliette de Gounod. Sous sa direction scrupuleuse, ferme, énergique et nuancée, les musiciens tiennent leur rang : hormis quelques indélicatesses au début parmi les bois, qui se rattrapent largement par la suite, les pupitres affichent un niveau de cohésion, de précision et d’engagement considérable. Est-il nécessaire de rappeler à quel point le bel canto mérite toutes les attentions d’un chef et d’un orchestre de renom pour lui rendre pleinement justice ? La distribution vocale mérite à elle seule le déplacement. Gregory Kunde (Otello) a de la bouteille : le ténor américain s’impose par sa puissance et son style très à propos. Giovanni Furlanetto compose un Elmiro de bon aloi et qui annonce les patriarches verdiens. La palme de la révélation revient à Dmitry Korchak qui se produit pour la première fois à la Monnaie et dont le chant élégant et le timbre radieux conviennent à merveille à Rodrigo – voilà assurément un nom à retenir. En comparaison, dans le rôle de Iago, Dario Schmunck a peu à accomplir mais le résultat mérite d’être salué, comme la prestation de Josè Maria Lo Monaco, sensible et délicate dans celui d’Emilia. Anna Caterina Antonacci incarne Desdemona de façon remarquable, avec sobriété et dignité, mais son incarnation paraît en comparaison plus effacée. Préparés par Martino Faggiani, les Chœurs de la Monnaie se montrent exemplaires.
Sébastien Foucart
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