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Anticipations brahmsiennes

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
04/23/2012 -  et 24 (Luxembourg), 27 (Baden-Baden), 30 (Athinai) avril 2012
Robert Schumann : Ouverture, Scherzo et Finale en mi majeur, opus 52 – Symphonie n° 1 en si bémol majeur, opus 38, «Le Printemps» – Fantaisie pour violon et orchestre en ut majeur, opus 131 – Symphonie n° 4 en ré mineur, opus 120
Rainer Küchl (violon)
Wiener Philharmoniker, Christian Thielemann (direction)


C. Thielemann (© Matthias Creutziger)



Pour son premier concert parisien de la saison musicale 2011-2012 (un second sera donné le 19 juin, toujours au Théâtre des Champs-Elysées, sous la baguette de Sir Simon Rattle), l’Orchestre philharmonique de Vienne donnet un programme intégralement consacré à Robert Schumann (1810-1856), compositeur qui ne figure pas fréquemment à l’affiche des tournées de la célèbre phalange. En revanche, c’est de nouveau Christian Thielemann qui est au pupitre, lui qui avait conduit les Wiener Philharmoniker, voilà près d’un an et demi, dans un cycle mitigé consacré à l’intégrale des Symphonies de Beethoven (voir ici, ici, ici et ici). Ce faisant, le chef allemand renouait en quelque sorte avec ses «anciennes amours» puisque ses premiers disques parus chez Deutsche Grammophon, voilà près de quinze ans, étaient déjà consacrés aux Symphonies de Schumann.


D’emblée, on se dit que l’on va assister à un grand concert. En dépit d’un caractère massif, d’ailleurs totalement assumé, Ouverture, Scherzo et Finale (dont la création date de 1841 mais qui sera remanié par la suite pour finalement être publiée dans son dernier état en 1846 seulement) impressionne dès les premiers accords par la beauté des cordes (on remarquera à ce titre que trois femmes figurent parmi les dix violoncellistes de l’orchestre, portant leur nombre à cinq et même six après l’entracte). On est immédiatement emporté, avant d’être tout aussi séduit (mais dans une autre perspective) par la finesse de la petite harmonie où les pupitres ont, là aussi, été considérablement renouvelés au fil des dernières années. Quant au Finale proprement dit, Thielemann l’empoigne de façon extrêmement véhémente, conquérante, et même si l’on peut regretter une fin trop pompeuse, comment ne pas être subjugué par ces tutti aux sons chatoyants et toujours aussi flatteurs pour l’oreille?


La Première Symphonie, datant également de 1841 – sa composition ayant occupé Schumann seulement quatre jours et quatre nuits! – est à son tour magnifiquement servie par l’orchestre. Il faut dire que cette œuvre figure depuis longtemps à son répertoire puisqu’elle a été jouée par le Philharmonique dès le 1er janvier 1847, sous la direction du compositeur (ce fut l’unique fois que celui-ci dirigea cet orchestre), dans un programme qui donnait également à entendre le fameux Concerto pour piano sous les doigts de Clara... Les couleurs de la seconde partie du premier mouvement (Allegro molto vivace) font fréquemment penser à la Première Sérénade ou à l’Ouverture pour une fête académique de Brahms, dont on sait qu’il fut grandement marqué par l’œuvre de Schumann. La beauté sonore est néanmoins amoindrie par un pupitre de cors qui sonne étrangement petit et par des ralentis souvent excessifs que Christian Thielemann impose aux bois. Le Larghetto est splendide, le chef (qui, comme à son habitude, privilégie les cordes sur le reste de l’orchestre) offrant notamment de très beaux éclairages en invitant les voix secondaires (violoncelles et altos) à chanter pleinement, histoire que ce ne soient pas que les violons qui aient droit à la parole... Doublement caractérisé par une superbe richesse sonore et un tempo toujours aussi pesant, le troisième mouvement nous entraîne néanmoins vers un quatrième (Allegro animato e grazioso) tout en contrastes, la légèreté des bois s’opposant à la lourdeur des cordes. De façon assez étrange, Thielemann aborde les attaques de phrases toujours très lentement avant de finalement (enfin pourrait-on dire) reprendre le tempo requis par la partition, ce qui ne manque pas de heurter l’oreille. En dépit des ces options critiquables en plus d’une occasion, mais encore une fois totalement assumées par le chef et magnifiquement défendues par l’orchestre, on se dit que le Philharmonique de Vienne (cent soixante-dix ans cette année) est vraiment un ensemble d’exception.


Cette impression aura pourtant presque totalement disparu à la fin du concert tant la seconde partie aura été décevante, pour ne pas dire en deçà de ce que le public est en droit d’attendre venant d’un tel orchestre. La Fantaisie pour violon et orchestre (1853) est une pièce des plus rares en concert. Dédiée à l’immense violoniste Joseph Joachim (qui fut le dédicataire et le créateur du Concerto de Brahms), c’est une œuvre très riche, qui mêle accents folkloriques et romantisme de tous les instants, offrant qui plus est un visage de Schumann que l’on ne connaît pas forcément beaucoup: celui du pur virtuose. Rainer Küchl, pourtant excellent Konzertmeister du Philharmonique depuis 1971, entre rapidement sur scène (pour l’occasion, il est remplacé à son poste de Konzertmeister par Rainer Honeck, lui-même remplacé au premier rang par Hubert Kroisamer) et se lance dans la mélodieuse introduction mais, très rapidement, se révèle totalement hors de propos. Non seulement sa technique n’est pas infaillible (on entend en plus d’une occasion un franc savonnage des traits) mais, surtout, il joue faux de bout en bout cette pièce de près d’un quart d’heure. En dépit d’un accompagnement pourtant finement conduit par Thielemann, le soliste attire toute l’attention sur lui en raison d’un violon accordé trop bas et qui sonne donc faux du début à la fin même si cela s’atténue dans les aigus. Ce qui devait être pour beaucoup une très grande découverte se sera finalement mué en immense déception.


La Quatrième Symphonie (1841) de Robert Schumann est un monument de la musique symphonique en dépit de ses dimensions modestes, sa durée n’excédant guère la demi-heure. Elle a toujours figuré au répertoire de l’Orchestre philharmonique de Vienne, que ce soit sous la baguette de Leonard Bernstein, de Herbert von Karajan (on écoutera à cet effet son tardif concert du 24 mai 1987, émouvant témoignage publié avec le concours de la radio autrichienne) ou de Christoph von Dohnányi pour ne mentionner que trois de ses meilleurs interprètes. En dépit de ce bel héritage, l’interprétation donnée ce soir par Christian Thielemann aura pourtant été médiocre, pour ne pas dire franchement mauvaise. Dès l’introduction du premier mouvement (Ziemlich langsam), le volume des cordes ne convient pas à l’évidence puisque la flûte, qui double pourtant le thème, est totalement inaudible. Quant à la suite (Lebhaft), Thielemann nous entraîne dans un passage digne d’un Scherzo de Bruckner: l’ensemble est joué de façon extrêmement sèche, marcato et non ostinato comme demandé par la partition, où la profusion sonore se double à nouveau d’une lourdeur incommensurable. Surinterprétant la partition, le chef multiplie les variations de nuances, portant préjudice à la cohérence d’un ensemble déjà fort malmené. Au lieu d’enchaîner les deux mouvements, Thielemann fait une pause étonnante avant de lancer l’orchestre dans la très lyrique Romanze (Ziemlich langsam). Las! Si la plainte conjointe du violoncelle et du hautbois est très belle (Franz Bartolomey et Clemens Horak étant néanmoins au bord de la rupture en raison du tempo extrêmement lent choisi par Thielemann), Rainer Küchl qui, à cette occasion, a repris sa place de Konzertmeister, joue toujours aussi faux et l’ensemble s’enlise rapidement. O surprise, le début du célèbre Scherzo augurait d’un beau troisième mouvement, abordé avec vigueur (certes un peu raide) par le chef: on en sera néanmoins pour ses frais puisque le tempo se ralentit assez rapidement et que l’orchestre montre là encore quelques imperfections impardonnables (notamment dans la netteté des attaques et la beauté des cuivres). Même si elle est prise beaucoup trop lentement, l’introduction du dernier mouvement est splendide: les couleurs distillées par le choral des trombones, l’entrée des cors et le roulement de timbales sont tout bonnement magnifiques. L’impression finale sera donc très mitigée puisque, en dépit de quelques parcelles musicales exceptionnelles, Christian Thielemann conduit l’ensemble de façon brouillonne, sans prendre soin de la clarté des phrases et de la dynamique qui varie fortement selon le groupe d’instrument à la manœuvre.


Le public du Théâtre des Champs-Elysées ovationne néanmoins le chef et l’orchestre qui reviendra en juin dans un programme comprenant notamment la Troisième symphonie de Robert Schumann... Après un dernier salut de Christian Thielemann, sans avoir donné de bis, les musiciens se serrent la main comme à leur habitude avant de quitter à leur tour la scène. Ils semblent satisfaits du résultat: tant mieux pour eux.


Le site de l’Orchestre philharmonique de Vienne



Sébastien Gauthier

 

 

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